Devil’s Hunt
Devil’s Hunt, non pas qu’il ait de viles intentions, me pose un problème d’éthique et de morale, qui va au-delà du jeu en lui-même. Mais nous y reviendrons, pour le moment, commençons par le commencement.
Qu’en est-il du gameplay ?
Devil’s Hunt est un jeu d’action aventure, à la limite du hack’n slash. Le gameplay, en soit, n’est pas si mauvais, ça me rappelle beaucoup (trop ?) Devil May Cry, c’est du tabassage de démons, sauf qu’ici pas d’épée et de flingues, mais nos poings. Notre personnage se contente de transformer ses bras en gros-bras-trop-musclés-de-démon et passe à tabac les ennemis de ses gros poings d’acier. On dispose de 3 arbres de compétences, chacun ayant une couleur définie, et en combat nous pouvons changer à volonté entre ses 3 arbres, ce qui visuellement ne change que la couleur des bras démoniaques de notre cher Desmond. Rien d’innovant, c’est pas spécialement mauvais, mais pas merveilleux non plus. On se rend vite compte que spammer les attaques rapides est la solution pour tous les ennemis, celles-ci permettant de les déstabiliser en boucle, contrairement à l’attaque lourde qui est tellement lente qu’elle laisse le temps à l’adversaire de récupérer. Notez qu’il n’est pas possible de verrouiller un ennemi, vous aurez donc à gérer la caméra manuellement, ce qui est plutôt sportif, le jeu n’ayant que des couloirs exigus. Et je ne vous parle pas d’essayer de toucher un ennemi avec une attaque à distance. Le jeu propose aussi d’achever vos adversaires avec des finishers, qui malheureusement manquent vraiment de classe : imaginez votre démon préféré prendre le pauvre petit sbire par le cou, lui mettre 2 coups de poing dans le nez et … rien, l’ennemi est relâché, mort. Voilà, c’était un finisher. Même les attaques légères donnent une impression d’une plus grande puissance.
Le jeu ne dispose pas de touche de saut ou autre, mais d’une touche “action” qui vous servira à faire… toutes les actions. Voyez par là que vous allez vous coller à un rebord et appuyer sur action pour que votre personnage l’escalade. En soit ce système n’est pas mauvais, mais ici, il est trop présent, tous les dix mètres vous aurez soit à monter une corniche, soit à sauter d’un rebord, soit à vous faufiler entre 2 murs étroits, soit à marcher en équilibre sur une poutre (on ne peut pas tomber) etc. Et franchement, ça casse le rythme. De plus, à certains endroits vous aurez deux chemins possibles, un avec un cul-de-sac et une âme à récupérer, le seul collectable du jeu, et l’autre permettant de poursuivre l’aventure. Sachez que si vous prenez le passage pour aller à la suite de l’histoire, et que vous vous dites “zut, j’ai dû rater une âme”, vous ne pouvez pas revenir en arrière, car dès que vous passez un obstacle avec la touche action, vous ne pouvez pas le repasser dans l’autre sens ; en effet, les obstacles à double sens ne sont présents que sur les voies secondaires menant au fameux cul-de-sac.
En bonne copie de Devil May Cry je m’attendais, au moins, à une bande son digne de ce nom, DmC ayant eu, eux, la délicatesse de choisir Combichrist pour leur BO. Mais non, ici c’est encore un tout faux. C’est vide, et sans intérêt auditif.
Outre ces soucis, le jeu souffre de quelques bugs esthétiques. Par exemple, notre personnage entre dans son garage, monte dans sa voiture de sport bleue, et sort de son garage en voiture orange. J’admet que ça ne pénalise pas le gameplay ou l’histoire, mais c’est le genre de détails qui viennent renforcer l’idée que le jeu n’est pas fini. Cette dernière étant appuyée, de plus belle, par la durée de vie : le jeu est court. Trop court. Et s’arrête en plein milieu de l’histoire, sans fin propre, j’y reviendrai. J’ai 10h de jeu et j’ai fait le tour de celui-ci. En le laissant tourner en fond pendant que je cuisinais, que je mangeais, en refaisant 3 fois le début pour prendre de jolis screens, etc. Je pense qu’en 6 ou 7h il est fini, ce qui est, à mes yeux, très limite vis à vis du joueur qui achète le jeu 30€.
Et sinon, l’histoire dans tout ça ?
C’est un désastre ! Déjà, notre héros est un mélange raté entre Dante de Devil May Cry et d’Alex Mercer de Prototype. Il veut jouer les durs, mais ça prend pas, il n’est pas badass, il n’est pas charismatique. Il a un air bête qui casse toute crédibilité et est un stéréotype vivant de virilité fragile, de ce fait on a du mal à s’attacher et à vivre pleinement son histoire. Les dialogues sont très mal écrits, c’est juste des échanges de menaces et d’insultes d’ego masculin ridicules. Les sous-titres, bien que buggés, ont au moins la lucidité de ne pas essayer de traduire tous les “fuck”, “fucking” et autre signes de ponctuation stéréotypés de gros dur à cuire pour tenter de donner un peu plus de profondeur à un texte vide. L’histoire est sans intérêt et sans surprise, en plus d’être vraiment de mauvais goût. Mais pour le coup, vraiment de mauvais goût.
Toutes les actions et “rebondissements” narratifs sont téléphonés et insipides. Et pour les courageux qui voudraient avoir la fin de l’histoire, imaginez-vous une quête “trouvez la clé et ouvrez la porte de fin”. Sachez que le jeu se termine brusquement sans boss de fin, ni scène de fin, quand vous aurez trouvé la clé.
Bref, vous allez dire que je suis dure, que c’est juste un jeu bof, qui ne fait de mal à personne ? Raté.
Ce jeu véhicule des représentations très négatives.
Vous vous souvenez, dans mon précédent article, nous parlions d’inclusivité ? Et bien nous avons ici un exemple de tout de qu’il ne faut pas faire, et même pire, de représentations dangereuses, mais là aussi, j’y reviendrai.
Déjà, ce qui me pose un problème, et ce dès les premiers pas dans le jeu, c’est la représentation de la femme. Ici, clairement, le personnage féminin ne sert qu’à mettre en valeur notre protagoniste. L’exemple très parlant du personnage vide, servant de faire valoir et d’excuse à une pauvreté scénaristique. Sans parler de la modélisation du personnage féminin, là encore de mauvais goût, qui gagne deux bonnets de poitrine quand elle porte une robe-qui-ne-cache-que-les-tétons. C’est, en fait, un cumul exaspérant de choses lourdes et inappropriées, qui n’apportent rien de plus que de faire soupirer le joueur toutes les 10 secondes. Ils n’en ratent pas une. On passe par tous les clichés, masculin, comme féminin : la femme en détresse, la femme qui se doit d’être présentable pour son devoir de séduction, la femme dépendante de l’homme, l’homme machiste, l’homme cocu, l’homme bagarreur, la course poursuite en grosse voiture, la vengeance pour laver son honneur d’homme viril, etc. Le tout saupoudré d’un beau langage fleuri où quand quelqu’un veut insulter un adversaire il utilise des qualificatifs féminins, ou alors il insulte sa maman. Comme quoi, même quand il n’y a qu’une femme dans le jeu, ce sont toujours elles qui se prennent les insultes.
Outre le mauvais goût des développeurs quant à la représentation de la femme, le jeu pose un autre gros problème, et ce, relevant de la décence et de la morale : le seul personnage noir du jeu, qui est un homme au torse scarifié rappelant un peu trop le marquage au fer rouge, est l’esclave de Lucifer, qui lui est représenté comme un grand blond à la peau pâle. Et nous aurons donc le privilège de le voir s’agenouiller et ramper devant ce dernier, implorer son pardon, l’appeler Maître et lui obéir à contre-cœur. Comment pouvez-vous en toute légitimité sortir un jeu avec de telles représentations ? N’avez vous donc aucune éthique ? Aucune morale ? Surtout que cela n’apporte absolument rien au jeu. Rien ne justifie ce choix nauséabond.
Ce jeu, mauvais à souhait, qui arrive à être d’un vide déconcertant d’un point de vu narratif, gameplay, et auditif, est rempli de racisme, de misogynie et de stéréotypes. Le seul intérêt que j’ai trouvé à ce jeu, c’est qu’il me sert d’excuse pour me saouler à l’alcool fort. Oui, je veux l’oublier le plus rapidement possible et pour cela, je me suis mise au Gin.
Genre : Action aventure, hack’n’slash
Développeur : Layopi Games
Editeur : 1C Entertainment
Plateforme : Xbox One, PlayStation 4, Microsoft Windows, Nintendo Switch
Prix : 30€
Testé sur une version presse fournie par l’éditeur