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Daily Chthonicle

Ils n’ont rien remarqué à la rédac. Ils croient que je suis là pour parler de jeux vidéo. Les naïfs. Même Flad et son obsession malsaine pour les tentacules (il croit que ça camoufle son amour des licornes, le pauvre petit…) est loin de se douter des horreurs qui se cachent dans les fichiers de vos jeux favoris. Car oui, l’étrange, l’indicible et l’horrible nous entourent, nous observent et suintent par tous les pixels morts de vos écrans.

Heureusement, pour mener ce combat contre les menaces vidéoludiques, existent quelques résistants dévoués, oserais-je dire des phares de lucidité. Alors chez Dystopeek, ça ne saute pas aux yeux. Une question de lumière à tous les étages, d’après le rédac-chef. Je ne me rends pas compte, mon bureau est au sous-sol et l’escalier est condamné. Une sombre histoire de clause écrite en tous petits caractères dans le contrat.

Cette lutte, le Daily Chthonicle tente de la révéler au grand jour. Avec son escouade de journalistes bi-classés enquêteurs de l’occulte, ce quotidien publié dans les années 50 tente de percer les mystères qui entourent meurtres, apparitions surnaturelles et autres disparitions inexpliquées. Quand un enquêteur arrive sur un lieu identifié comme digne d’intérêt, il n’est pas exclu qu’il se retrouve à combattre les horreurs qui s’y cachent. Le rôle du Daily Chthonicle n’est donc pas uniquement de raconter la vérité à ses lecteurs, mais aussi de les protéger des menaces rampantes.

Je sais que l’action se passe il y a plus de soixante ans, mais il n’était pas nécessaire que les graphismes soient en EGA 16 couleurs pour faire retro. L’essentiel du jeu étant du texte, ça passe, certaines photos sont même presque compréhensibles. Mais il y a quand même quelques gros pâtés de pixels qui ne rendent pas hommage aux créatures horrifiques qu’ils sont censés représenter.

L’interface n’est pas en reste. Au premier lancement, je n’ai pas compris où j’étais censé cliquer pour démarrer une partie. Un tutoriel est disponible, mais j’ai dû me planter dans mon choix. Je me suis retrouvé livré à moi-même dans les bureaux du journal. Au mur, une carte où sont punaisées les affaires dignes d’intérêt. Un téléphone qui fait office de boutique où acheter de l’équipement. Une horloge qui permet de passer le temps plus vite.

J’ai fini par trouver comment envoyer des enquêteurs sur place, comment interagir avec les différents témoins, combattre les ennemis et gagner de l’argent en publiant nos découvertes. On se retrouve vite avec beaucoup d’infos sur les suspects et autres victimes, mais le côté procédural les rend très génériques et difficiles à suivre. Pas moyen de garder une trace claire dans l’interface du jeu, il va falloir sortir le papier, le crayon, et se rappeler comment on écrit à la main.

Le premier contact est rude, les premières rencontres se soldent par des échecs, et puis petit à petit, j’ai compris. J’ai formé mes détectives pour les spécialiser, je leur ai donné l’équipement adéquat. J’ai commencé à remplir les pages de mon torchon pour gagner de l’argent et j’ai résolu ma première affaire. Un groupe de glandus avaient invoqué une créature sans peau pour tuer un mec, puis menacé les témoins du meurtre. Un jeudi normal quoi.

Il a quand même fallu que je crapahute dans différents lieux de la ville, que je croise la créature qui en a profité pour blesser un de mes journalistes, puis qu’on la bannisse de ce plan de l’existence. Mais vu la thune qu’on s’est fait sur la vente des journaux qui racontaient nos aventures, ça valait le coup.

Daily Chthonicle est donc un jeu de rôles, avec personnages, expérience, donjons, monstres, portes et trésors. Le thème est plutôt bien mis en valeur avec ces histoires morbides de décapitations, de rats et autres extra-terrestres mangeurs d’hommes. Du Lovecraft pur jus, du genre qui dégouline le long des murs.

Daily Chthonicle n’est pas exempt de bugs et est inutilement confus par moments. Il faut un minimum de motivation pour rentrer dedans et ce n’est ni le manuel ni les informations données par le jeu qui vont vous aider. Mais une fois l’effort fourni, on y découvre un générateur d’histoires original et bien foutu qui m’a captivé le temps d’une partie. La rejouabilité n’est pas mauvaise, même si une fois passé la découverte, on constate que seuls les noms et les menaces changent. La partie publication de journal aurait notamment mérité d’être plus développée.

Il aurait gagné à être moins procédural et plus affiné à la main pour générer des histoires plus crédibles et rendre les enquêtes plus profondes, voire plus effrayantes. Le tout inséré dans une interface plus accueillante et des graphismes moins brouillons aurait pu faire un excellent petit jeu. Quand on voit les autres productions de Matija Kostevc, l’auteur, on comprend qu’il est plus attiré par la conception de systèmes que par ce travail de finition (un bon exemple est https://charonss.itch.io/yarnspinach ou encore https://charonss.itch.io/the-casebook-of-terry-winter).

L’expérience est de mon point de vue à la fois intéressante et décevante. Mais pour avoir récupéré le jeu dans le fameux bundle d’Itch.io contre le racisme, je ne regrette pas d’y avoir passé quelques heures (dont une entière à me demander ce que je foutais là). Pour les deux du fond qui ne l’ont pas acheté, Daily Chthonicle est disponible pour 3 dollars. Si on comprend l’anglais et qu’on est prêt à encaisser une interface rebutante et des graphismes approximatifs, ce n’est pas volé.

Genre : Jeu de rôles d’enquête

Site officiel

Développeur : Sinister Systems

Éditeur : Sometimes You

Plateforme : Steam / Itch.io

Prix : 3,29€ (Steam) / 2,99$ (Itch.io)

Date de sortie : 30 septembre 2016 (Steam) / 7 avril 2016 (Itch.io)

Ruvon

Chaologue pas encore retraité, traître renommé, survivant accompli. Mon domaine, c'est le jeu vidéo, du FPS hardcore au point&click niais, et depuis toujours amoureux du tour-par-tour.