Chicken Police
En crête d’action
Les développeurs de Chicken Police aiment deux choses : les animaux et les films noirs des années 40. Cet amour, on le sent aussi fort que l’haleine d’un policier alcoolique au grand cœur. Sonny Featherland et Marty McChicken sont deux détectives de légende. Le jour où la compagne du Parrain de la pègre reçoit des menaces, le duo se reforme pour secouer les puces à tout ce qui porte poils, plumes ou écailles.
Quand les poules auront des gants. Chicken Police propose un contexte semblable à Zootopie, un brin plus noir (sauf erreur de ma part, on ne visite pas de maison close dans cet excellent Disney). Certains animaux séparatistes militent pour le “chacun chez soi” et considèrent les unions proies-prédateurs comme contre-nature. Les insectes sont cantonnés à “la ruche”, un abominable ghetto. Avant que ne surgisse le premier “Sa fé réfléchir” précisons que Chicken Police n’a pas de prétention socio-éducative.
Orwell ou la cuisse ? Toute cette toile de fond crédible, jusqu’au commissaire canin raciste, n’est là que pour mettre en relief l’humour du titre. Pour peu qu’on soit sensible à ces gueules d’animaux animées, on éclate de rire au détour d’un “Tiens, voilà les connards à piquants”, lancé à deux collègues, respectivement un hérisson et un porc-épic. Mention spéciale à l’équipe de traduction française pour le juron “poussin de merde”, qui relève tout simplement du génie pur.
Humphrey Borat. Ce qui distingue Chicken Police, c’est l’originalité de sa réalisation. Les personnages sont un savant mélange de Photoshop pour les têtes et de captures numériques d’acteurs pour les animations corporelles. Si les animaux anthropomorphes passent bien en dessin, assembler de vraies images était esthétiquement plus risqué. Le défi est relevé et le résultat final donne dans le réalisme artistique, au-delà du découpage-collage potache.
Film tamanoir. Le casting est intégralement vocalisé, du hiboux au serpent. Avec, de la part des acteurs, du cœur à l’ouvrage dans chaque défaut de prononciation. La découverte de chaque personnage est un plaisir visuel et sonore jusqu’au bout. Comment va s’exprimer cet iguane ? Un bouc est-il forcément méchant ? Un étalon forcément frimeur ? L’atmosphère, bien posée par les environnements photo-réalistes soignés, est épaissie par la bande originale jazzy qui tourne en permanence.
Truie Detective. Si vous comptez mener l’enquête, vous allez être déçus. Car Chicken Police stimule notre sens de la déduction avec une indulgence insultante pour la Julie Lescaut qui sommeille en chacun de nous. À chaque moment pivot, le jeu nous installe face à un tableau en liège. On y fait glisser les photos de suspects et des post-it aux emplacements dédiés, cinq à chaque fois, en choisissant une explication logique dans la liste. Des conseils façon Adibou nous guident en cas de mauvais choix (“Non, ce n’est pas ça”).
Ibis Repetita. Les phases d’interrogatoires sont au même régime. La personnalité du suspect (manipulateur, naïf, stressé…) est censée orienter nos choix de questions, choix qui relèvent soit de l’évidence, soit du doigt mouillé. À part une mauvaise “note de détective” sans incidence sur la suite des événements, on ne risque rien. Chicken Police rejoint un autre jeu d’enquête récent, Night Call, au système d’enquête sans grand intérêt, mais à l’ambiance travaillée.
Chicken Police ne surprend pas par ses mécaniques d’enquête ou son scénario. Mais sa réalisation artistique fascinante et sa drôlerie en font une proposition aussi unique que réjouissante.
Site officiel
Développeur : The Wild Gentlemen (Hongrie)
Éditeur : Handy Games
Sortie : 5 novembre 2020
PC, PS4, Xbox, Switch
Prix non communiqué
Testé sur une version presse fournie par l’éditeur
Moi, les captures d’écran de ces animaux anthropomorphes me font plutôt penser en un éclair à l’univers de Blacksad…
Clair, j’y pensais en parlant des « animaux anthropomorphes en dessin ».
C’est un peu une parodie de Blacksad en fait