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Breacher Story

Je n’ai pas de smartphone. Je communique sur les réseaux tel un homme des cavernes, uniquement avec mon PC. Allez-y moquez-vous. Moi au moins, Google ou Apple ne me suivent pas à la trace et Amazon n’aspire pas mes informations perso pour les revendre à des hackers nord-coréens. D’ailleurs les antennes 5G ça transmet la peste bubonique et l’herpès vaginal, je l’ai lu sur Egalité et Reptilisation. Ou dans le Petit Illuminati Illustré, je sais plus. Je vais mettre mon chapeau en aluminium, je reviens.

Breacher Story, donc, nous raconte une histoire conspirationniste via smartphone (oui, cette introduction n’était qu’une transition subtile vers le sujet qui nous intéresse. N’essayez pas chez vous, c’est un métier). A travers des messages échangés entre différents interlocuteurs, vous allez vous engueuler avec vos potes, trouver du boulot sans même traverser la rue et draguer l’ex de votre patron.

Votre job, c’est de faire du social engineering pour une société de sécurité informatique. Traduction, vous arnaquez des gens pour le compte d’un groupe de hackers. Ils proposent de faux anti-virus qui installent des saloperies chez les utilisateurs pour rançonner leurs données. Ils créent aussi de faux profils en ligne pour obtenir la confiance de gens à qui ils demanderont de leur transférer de l’argent avant de disparaitre. Car oui, brouteur n’est pas un métier réservé aux princes nigérians.

Le pitch est intriguant et le scénario n’est pas mal dans son genre. L’introduction via SMS avec notre pote conspirationniste (qui nous balance des théories que même Raoult il est crédible à côté) nous met dans le bain. On se fait engueuler par le boss quand on foire nos arnaques. Les taquineries avec le tech de la boite qui nous file nos missions sont sympas. Et on ment ouvertement à des gens pour qu’ils ouvrent une faille dans leur sécurité personnelle ou professionnelle.

Alors dit comme ça, ça a l’air épique, et c’est exagéré. Le gameplay se résume à attendre que les messages de nos correspondants s’affichent sur notre smartphone. Ce dernier prenant à peine un tiers de l’écran, c’est bien pour ce support mobile qu’a été prévu le jeu. Sur PC, le reste de l’écran est occupé par des images en nuances de gris (non, pas celles-là) sommairement animées. Ne vous attendez pas à grand-chose, mais ça fait le taf.

On peut consulter un glossaire qui se remplit au fur et à mesure de définitions de termes techniques. Elles sont les bienvenues pour suivre l’histoire sans être un tru3 h4ck3r du Dark Web. Et régulièrement des news nous informent de l’évolution de la guerre technologique entre hackers et multinationales / gouvernements / nouvel ordre mondial.

A intervalles réguliers, on a le droit d’intervenir dans les monologues qu’on reçoit au compte-goutte. Le jeu nous laisse alors généreusement le choix entre deux phrases pour orienter la suite de l’histoire. Voilà, sous son apparence spartiate mais assez réussie esthétiquement, Breacher Story est donc bien un visual novel. J’aurais pu vous prévenir plus tôt, mais que voulez-vous. N’oubliez pas de vous plaindre auprès du rédac chef.

J’avoue que je m’étais fait eu aussi, j’espérais un peu plus de contrôle, de choix, d’influence sur le scénario de Breacher Story. Mais en laissant de côté ces limites, je suis quand même rentré dans l’histoire. La narration n’est pas révolutionnaire mais elle se laisse suivre, malgré le rythme haché par la lenteur avec laquelle les messages nous parviennent.

J’ai joué avec la version française et je place la traduction dans le haut du panier. En clair, c’est plutôt correct, sans éviter l’écueil le plus fréquent : les dialogues sont rarement crédibles. Certaines phrases sont justes mais pas naturelles, personne ne s’exprime comme ça et encore moins à l’écrit. Au moins, je ne déplore pas d’erreurs de sens qui nuiraient à la compréhension. C’est au niveau d’une série à petit budget avec des phrases toutes faites, sans réelle personnalité. C’est dommage, mais pas rédhibitoire.

Il y a tout de même quelques fautes de français. Alors, je vous entends déjà me traiter de grammar nazi et que c’est pour « faire réaliste » : on fait tous plus ou moins de fautes dans une discussion via un chat. Laissez-moi vous lapider à coups de Bescherelle pendant que je vous réponds que ça aurait pu, mais que je n’y crois pas. Rajouter volontairement la dizaine de coquilles que j’ai relevé aurait demandé beaucoup de taf.

Les effets sonores sont un peu décevants, surtout quand les choses se compliquent et que notre smartphone commence à déconner à plein tubes. J’ai vite coupé la musique, pas qu’elle soit nulle, mais parce que le rythme du jeu m’a très vite incité à écouter autre chose en même temps pour ne pas sombrer dans l’ennui. Si vous voulez tout savoir, c’est de l’électro-chill potable. Démerdez-vous avec ça.

Breacher Story est développé par Doubleton Game, studio praguois qui a déjà à son actif une demi-douzaine de jeux narratifs pour smartphone. Un petit passe-temps pensé pour support mobile, d’abord sorti sur Android avant d’être proposé sur Steam un an plus tard. Il propose une interactivité limitée, une partie technique simple mais adaptée et une histoire sympathique à défaut d’être épique. Il n’est pas inintéressant mais souffre tout de même d’un rythme mal maîtrise. Si l’aventure dure plus de deux heures, c’est uniquement à cause de ça. On aurait pu s’épargner une bonne trentaine de minutes sur l’ensemble du jeu si on avait pu cliquer pour passer au message suivant.

L’ensemble est malgré tout cohérent avec son petit prix. Pour l’avoir acquis pour à peine plus cher qu’un pain au chocolat (ah, poussez-vous, j’entends la team chocolatine arriver dans les commentaires) en promo, je ne regrette pas mon achat. Son thème d’actualité, avec ses mises en gardes sur notre dépendance volontaire au numérique et notre absence de vie privée à tous les échelons (vous l’avez ?), est abordé plutôt intelligemment (même si quelqu’un d’un minimum intéressé par le sujet n’apprendra rien de neuf). Si les visual novels ne vous rebutent pas, c’est un titre tout à fait honnête.

Genre : Visual Novel

Site officiel

Développeur indépendant : Doubleton Game Studio

Plateforme : Steam / Google Play / Apple Store

Prix : environ 5€ sur Steam, moins cher sur smartphone

Date de sortie : janvier 2018 (smartphone) / janvier 2019 (Steam)

Ruvon

Chaologue pas encore retraité, traître renommé, survivant accompli. Mon domaine, c'est le jeu vidéo, du FPS hardcore au point&click niais, et depuis toujours amoureux du tour-par-tour.