Mourir Peut Attendre
Pour avoir attendu, il a attendu ce dernier opus de la saga Craig. Tourné avant la pandémie, maintes fois repoussé pour finalement devoir retourner des scènes pour actualiser les placements produits, le dernier James Bond aura eu bien du mal à atteindre le chemin des salles. Est-il à la hauteur de sa hype légèrement cabossé par les reports successifs ? Oui et non.
Mourir Peut Attendre s’inscrit comme l’épisode devant clore l’ère Daniel Craig en tant que James Bond, la saga mise en place avec l’excellent Casino Royale, meilleur Bond avec GoldenEye (Merci Martin Campbell, réalisateur beaucoup trop mésestimé). Le pas terrible Quantum of Solace initiant la volonté d’apporter une continuité entre les différents films. Skyfall et Spectre réalisés par Sam Mendès ont continué à creuser un sillon assez profond dans la médiocrité tout en tutoyant des sommets au box-office. Le dernier opus était attendu à plus d’un titre : dire au revoir à Daniel Craig, à un certain héritage de la saga et la faire entrer dans une nouvelle ère.
Le monde a bien changé et James Bond aussi. Fini le séducteur qui aligne les conquêtes, abuse des gadgets et déjoue le plan machiavélique des méchants entre deux martinis sans un accroc à son costume. Le Bond est devenu faillible, vulnérable avec une forte propension à la monogamie. Et pourquoi pas ? Cette ère Craig a permis au personnage d’évoluer vers un modèle plus accessible et en phase avec son temps. Difficile de reprocher quoi que ce soit à l’acteur qui aura su incarner le renouveau et empocher quelques millions sans trop forcer sur son talent. Les femmes dans les films ont bien une dimension supplémentaire (déjà en mouvement avec les opus de Pierce Brosnan) et le personnage de Vesper Lynd (incarnée par Eva Green) aura enfoncé le clou de ce changement. Elle plane comme une ombre et Léa Seydoux peine à offrir une composition aussi magnétique qu’Eva Green.
Pour en revenir particulièrement sur Mourir Peut Attendre, je n’attendais rien du tout en le voyant, sauf à essayer de tenir 2h30 sans bailler tant Skyfall comme Spectre m’avaient profondément ennuyé par leur propos autour des dysfonctionnements familiaux de James Bond. Et je dois admettre que le film se tient très bien pendant ses 2h30. Jamais franchement ennuyeux, mais pas non plus à vous coller à votre siège. L’histoire se suit sans déplaisir mais aurait mérité des coupes franches pour dynamiser l’ensemble, plutôt que de vouloir à tout pris gaver le film pour tout clôturer. Le personnage tant décrié de nouveau 007 est inutile, quelques scènes sont là pour donner une fin à des personnages dont j’avais même oublié l’existence et à cela s’ajoutent des nouveaux personnages dont un excellent qui aura eu droit à cinq minutes en tout et pour tout.
Les scènes d’action sont très bien troussées en rendant, pour certaines, un hommage bien senti à des scènes emblématiques de la saga. On sent une volonté de donner du spectacle et de se servir des décors naturels. La scène en forêt est particulièrement réussie de ce point de vue. C’est efficace et parfaitement dans la veine de ce que l’on peut attendre d’un James Bond. Les scènes entre sont plus souvent là pour tirer sur la corde sensible avec cette histoire d’amour impossible, légèrement contrariée par un méchant pas assez méchant et un imprévu. Sur l’imprévu, la saga ose et ça ne fonctionne pas très bien. Sans spoiler, cela semble assez incongru dans une saga de ce genre. Reste que la réalisation est bonne avec un très gros travail sur les décors, naturels ou non, et les acteurs suffisamment impliqués pour rendre l’ensemble agréable à regarder.
Un Bond n’est pas un Bond sans un méchant et pour celui-ci, c’est l’oscarisé pour le pas terrible Bohemian Rhapsody Rami Malek qui s’y colle. On sent qu’il fait des efforts, mais il n’est pas aidé par des motivations sous-développées et un manque de charisme flagrant. Pas de bonnes répliques à se mettre sous la dent comme un Goldfinger, mais une base de méchant avec un beau jardin. Sans bon méchant, Bond ne peut vraiment donner toute sa dimension et cela se ressent avec ce final bien moyen. Les enjeux se trouvant ailleurs… L’épilogue était aussi attendu que craint. Soit le film proposait une fin plutôt classique, soit il osait faire ce que la saga n’a jamais fait. La seconde solution a été choisie. Si elle peut apparaître puissante au premier abord, elle se retrouve annihilée par la petite phrase de fin.
Mourir Peut Attendre avait la tâche impossible de terminer un cycle puis d’amener la saga vers son futur. Le pari n’est pas réussi, mais il reste un bon film qui reste agréable à regarder pour ses scènes d’action et ses décors sublimes. Le méchant n’est pas à la hauteur de l’enjeu, mais James Bond est campé par un Daniel Craig impeccable. J’aurais aimé plus d’agents de la CIA plutôt que Mathilde Swann campée par une Léa Seydoux bien transparente. Au final, James Bond reviendra.