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Noita

Harry Potter VS Wild

Sa réputation a précédé de loin sa sortie d’accès anticipé, le mois dernier. Noita, c’est ce roguelite dans lequel chaque pixel est simulé physiquement. Concrètement, chaque élément réagit à un autre. Le feu brûle. L’eau mouille. L’excès de confiance tue. Ces principes physiques, vieux comme le monde et cons comme la lune, en font pourtant un jeu unique à côté duquel la rédaction de Dystopeek ne pouvait pas passer.

Dans Noita, comme dans Spelunky, on descend vers les abysses de la terre. Mais pourquoi faire, comme dirait Manu ? Et bien on n’en sait rien. Le pauvre hère qu’on dirige apparaît sans autre forme d’introduction face à l’entrée d’une mine désaffectée. Sur une stèle s’affichent deux indications : la gâchette gauche pour léviter (façon jet-pack), la gâchette droite pour lancer des sorts (façon Professeur Raoult). Sans aucun but précisément établi, les premières heures de Noita sont dédiées à la découverte d’un monde inflammable, solvable, friable et, par-dessus tout, explosif.

Comme un enfant en classe découverte dans une usine pétrochimique, on s’émerveille beaucoup dans Noita. On découvre qu’on peut creuser, à coup de TNT ou de la baguette appropriée. On apprécie mettre le feu aux réservoirs d’huile, regrouper les bidons de lave et des caisses explosives pour créer de beaux cratères, des bien ronds. C’est un peu le plaisir du “kit du petit chimiste”, avec lequel un bambin ne risquera pas de tâcher son pull ou faire du mal au chat.

Et paf, ça fait des chocs chimiques ! Avec notre première baguette magique, on dégomme une lanterne, qui tombe sur un plancher qu’elle enflamme. On ricane en voyant brûler les monstres belliqueux qui pullulent. Puis on marche dans une flaque verte de 5cm de profondeur. Pendant qu’on panique au son de l’acide qui ronge notre barre de vie, tout en tirant sur un ennemi, un sort perdu ricoche vers une caisse de poudre non loin. Boum. C’était la première mort d’une très, très longue série. À seulement 100m sous la surface.

Baguettes tradition. Comme Noita n’est pas qu’un bac à sable, des portails de téléportation attendant le joueur au fond de chaque zone. Ces passages mènent au seul havre de paix du jeu : un temple où l’on peut dépenser l’or, fruit de nos kills et du minage et remplir sa barre de vie. Des baguettes (et des sorts) sont disponibles à l’achat, en plus de celles qu’on loote.  Ce moment de répit est l’occasion unique de composer ses armes à la carte, d’y mélanger les sorts en fonction des caractéristiques de chacune : nombre d’emplacements, puissance de mana, temps de cooldown. En ressortant du temple on découvre, émerveillé et effrayé, un nouveau biome, des ennemis aux patterns et projectiles non identifiés, des éléments de décors dont on ne saurait prévoir la dangerosité au premier coup d’œil. 

Quelques gouttes suffisent. Le loot dans Noita, c’est donc des baguettes, de l’or, mais aussi des potions. Ces petites fioles – fragiles – peuvent octroyer de puissants bonus. Le mode d’administration, comme dirait votre pharmacienne, est original. Une potion s’utilise comme une baguette : un petit jet jaillit de la bouteille sur pression de la gâchette, et on s’asperge comme avec un pommeau de douche. Une fois vide, chaque fiole peut se remplir manuellement depuis une flaque, et contenir des mélanges pour cumuler les effets. Une bouteille d’eau éteindra le feu, l’accelerium rend les déplacements plus vifs, la potion de berserk augmente les dégâts… Mais toutes les boissons ne sont pas bonnes à laisser à la portée des enfants : le whisky ruine la précision, la polymorphine transforme les êtres vivants – joueur inclus – en PNJ plus ou moins inutiles. Même avec les potions “offensives” comme la lave ou l’acide, il faut faire attention. Une goutte égarée peut gravement nuire.

Ta baguette est toute verte. Entre les ennemis véloces, la génération aléatoire des niveaux et les accidents de baguettes (rebond pervers, explosion précoce, arc électrique hasardeux…), on meurt très souvent dans Noita. Mais ce retour à la case départ est compensé par la soif de découverte. Surtout lorsqu’on on meurt littéralement 10 secondes après avoir entraperçu l’entrée d’une nouvelle zone. L’espoir de looter une baguette puissante compte aussi beaucoup. Comme souvent dans ce genre de jeu, un run aux premières minutes chaotiques peut finir loin grâce à la bonne arme. Notez qu’il est possible de trouver consolation même dans le game over, en battant son propre score de kills, d’or amassé, de profondeur atteinte ou de biomes différents traversés. De quoi réchauffer un peu le cœur, quand une session de 45 minutes remplie de mille dangers se termine bêtement par le tir d’un sniper hors de l’écran.

Ça défouraille sec.

20 000 lieues sous l’éther. Noita est fascine par son absence de règles ou de but explicite. Après 25h de jeu, je n’ai toujours pas compris ce que je foutais là, les mains dans la terre et les fesses dans la lave en fusion. Mais je continue à plonger, motivé par la petite latitude de bidouille qu’offre l’univers. Il est en effet possible, en creusant, de relier certaines zones par des chemins de traverse, de se rendre à des lieux qu’on suppose prévus pour plus tard. Lorsqu’on réalise ceci, on peut facilement consacrer des parties à l’exploration, esquiver (plus ou moins) les combats, voire tenter de passer par le plancher des vaches.

Au rogue-lite classique et son plaisir d’aller toujours plus profond dans les niveaux, Noita ajoute le plaisir de l’expérimentation permanente. Oui, il est exigeant, injuste et cruel. Mais son plaisir ne repose pas que sur la performance : on peut s’y amuser aussi innocemment qu’un enfant avec une boite d’allumette. Sans cesser d’apprécier l’inattendu dans chaque descente dans les entrailles grouillantes de la terre.

Site officiel
Développeur : Nolla Games (Finlande)
Sortie : 15 octobre 2020
PC
19€

Bofang

J'écris pour justifier le temps perdu à jouer pendant que d'autres montent des start-up.