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Heroes of Normandie: Battle for Caen

Le lancement de la campagne Kickstarter pour Battle for Caen, la nouvelle extension pour Heroes of Normandie Big Red one Edition, est une excellente excuse pour moi pour vous présenter un jeu malheureusement beaucoup critiqué dans mon entourage mais qui dispose d’une communauté active et impliquée. Avant que nous nous lancions tous ensemble dans le bocage Normand, laissez-moi vous préciser que les Devil Pig Games m’ont aimablement fourni un prototype de l’extension et un exemplaire du jeu de base pour ce test et qu’ils ont aimablement accepté de répondre à mes questions. Parce que c’est bien connu, quand on lance une campagne Kickstarter on a toujours beaucoup de temps libre…

La franchise Heroes of Normandie est née en 2014 et a vécu bien des péripéties et extensions, une version Steam même, allant même jusqu’à un opus dans l’univers de Warhammer 40,000 : Heroes of Black Reach. Il y eu des périodes de vaches maigres, des coups de gueule de la communauté, des soucis de livraison de projets, jusqu’à cette renaissance en Avril 2020 avec un Kickstarter de la dernière chance pour maintenir le studio en vie et repartir sur des bases saines.

Grand succès car en 2021 nos Cochons maintenant rassurés sur leur avenir lancent la campagne pour la Big Red One Edition, c’est-à-dire le système Heroes mis à jour, dépoussiéré et relooké. Des règles plus claires et réorganisées, des graphismes toujours aussi cartoon mais plus fins… le travail a été fait en profondeur. La communauté ne s’y trompe pas et 2600 personnes leur jettent leur PEL à la figure en échange de petits bouts de carton.

Maintenant que les petits nouveaux sont familiarisés avec ce jeu un peu (carrément) à part, voyons pourquoi les passions se déchaînent à son sujet. Heroes of Normandie est un jeu de combats tactiques pendant la deuxième guerre mondiale (pour l’instant). Il ne faut pas le confondre avec Heroes of Normandy, édité par Lock n’ Load Publishing (une société américaine), qui est bien plus complexe et orienté wargame.

Tout comme il ne faut pas confondre les Devil Pig Games, nos Frenchies du jour, et Flying Pig Games, un autre studio américain qui édite entre autres Old School Tactical, une série de jeux tactiques sur la deuxième guerre mondiale, aussi orientée réalisme mais moins complexe que celle de LnL Publishing. C’est bon, vous suivez toujours ?

Des combats tactiques donc, mais pas comme les joueurs de jeux de plateau peuvent les craindre. Certes il y a une petite trentaine de pages de règles mais elles sont claires, aérées et offrent des exemples parlants. Les grands principes sont très vite compris, le reste étant une multitude de petits détails et de règles particulières. Rien qui n’empêche de commencer très vite à jouer.

Chaque camp, Américain, Allemand ou maintenant Anglais avec Battle for Caen – je pars du principe que vous n’avez pas la première édition – va devoir remplir une série d’objectifs (ou annihiler l’adversaire si vous jouez en mode libre) afin de remporter la bataille. Le déroulement est très simple : chaque camp a un nombre d’ordres déterminé par les différentes troupes composant son armée et va les attribuer à certaines unités, en cachant à son adversaire l’ordre dans lequel ces commandements seront passés. On sait donc quelles unités vont être activées, mais pas dans quel ordre. Notez qu’il y a même un ordre « bluff » qui ne permet pas d’activer l’unité et qui n’est là que pour tromper l’adversaire.

Le joueur ayant l’initiative va ensuite faire jouer son unité avec l’ordre 1 en la faisant soit bouger, soit attaquer, puis son adversaire va faire de même, puis le joueur 1 va activer sa deuxième unité… Jusqu’à ce que tous les ordres soient utilisés. S’en suit ensuite une phase de réserve pendant laquelle les unités n’ayant pas été activées vont pouvoir bouger. Mais pas attaquer.

Cette phase permet d’adapter sa stratégie à ce qui vient de se passer et de tenter de belles manœuvres en exploitant les failles créées dans le dispositif adverse. Une fois ceci fait, l’initiative change de camp et on recommence. Simple et efficace même si bien entendu je passe sur de nombreux mécanismes habituels dans ce genre : recherche de couverts, lignes de vue, portée et autres. N’oubliez bien sûr pas les habituels véhicules, légers ou lourds, les canons, avions et même l’artillerie, ça serait dommage de faire sans.

Cela pourrait n’être qu’un énième jeu de combat tactique s’il n’y avait pas la petite touche Devil Pigs : le côté hollywoodien. Par exemple, dans Heroes of Normandie, chaque joueur dispose d’une main de cartes, jouables à divers moments. Ce peut être en réaction à une attaque adverse (renvoyer la grenade avec laquelle il espérait vous éliminer) ou en préparation de tour (en vous octroyant un ordre supplémentaire) et dans tous les cas cela vient soit vous apporter le petit plus qu’il vous fallait réussir l’action, soit défaire tout ce que votre adversaire avait planifié.

C’est ce côté rocambolesque qui, couplé au hasard des dés, donne des combats réellement indécis et passionnants. Il faut constamment s’attendre à tout ! Et comme cela ne suffisait pas, il y a les Héros, ces personnages capables d’actions d’éclat et bien souvent joués de façon autonome, qui peuvent faire basculer la situation.

C’est cette accumulation de facteurs peu réalistes qui fait que le jeu est un peu regardé de haut par une frange de la communauté de wargamers, qui jugent ses résultats trop aléatoires. Mais ayant joué à Old School Tactical et Heroes of Normandie, je peux vous dire que si les approches sont quasiment diamétralement opposées, le plaisir de jeu est quant à lui toujours présent. Deux variations sur un même thème et je dirais qu’à ce jeu, Heroes of Normandie est le grand gagnant car il propose un jeu nerveux qui peut virer au loufoque.

Les parties sont rapides et il suffit de quelques batailles pour retenir les différents symboles (un grand effort de clarté a été fait à ce niveau avec la nouvelle édition). Et surtout, un grand point fort est le système de points d’armée, qui permet en association avec les tuiles de terrain et la foultitude de matériel dans chaque boîte, de créer d’innombrables batailles, à l’instar de ce qui se fait dans Warhammer par exemple.

Et quitte à parler de matériel et de choix variés, parlons maintenant de Battle for Caen, le Battle Pack n°2 (le premier était consacré à Omaha Beach) déjà financé au moment où je vous parle. Il apportera bien entendu les troupes du Commonwealth et leurs cartes d’action, de nouvelles tuiles de terrain très urbain et de nouvelles unités allemandes à virer de la cité Normande.

Je ne vais pas vous lister tout ce qu’il y a ici, la page KS le fait très bien. Rien qui révolutionnera le gameplay donc, mais une quantité phénoménale de matériel (9 punchboards !) sans compter les stretch goals qui seront regroupés dans un Battlepack 3 car, quitte à livrer une palette de matériel à chaque backer, autant qu’elle soit pleine ! Autant vous dire que les fans de la série auront déjà backé sans la moindre seconde d’hésitation à l’heure où j’écris…

Quant aux autres, ceux qui hésitent devant ces boîtes de plusieurs kilos remplies de superbes tuiles cartonnées, ne vous en faites pas. Oui il y a plein de petits symboles mais non ça n’est pas bien difficile à jouer, il suffit au début d’ignorer tous ces petits points qui peuvent vous perdre. Par contre si vous vous lancez, sachez que la gamme est extrêmement fournie et que vous en aurez pour des centaines d’heures de jeu, même si les économies pour la fac du petit dernier y passeront. Mais bon, vous ne voudriez pas le priver d’une enfance à s’amuser avec ses parents, quand même ?

Mais vous aurez devant vous un système très évolutif, qui vous permettra de jouer sur de multiples théâtres d’opérations, grâce auquel vous pourrez recréer des affrontements historiques ou même complètement innover. C’est frais et à cette échelle et ce niveau de complexité, je ne lui vois pas d’autres concurrents. Sachez d’ailleurs que si le système vous plaît vous pourrez même l’exploiter dans l’univers de Cthulhu ! Et si d’aventure vous préférez prendre un peu de recul et faire un léger zoom arrière, HoN the Tactical Card Game propose des combats au niveau de la compagnie. En résumé : vous vouliez vous essayer aux jeux un peu plus complexes sans pour autant tomber sur un gros morceau genre Advanced Squad Leader ? Battle for Caen pourrait être votre porte d’entrée idéale !

Bonjour à vous ! Qui se cache derrière les Devil Pig Games ?

Nous deux, c’est-à-dire Yann et Clem. Deux copains qui se connaissent depuis le CM1, ce qui nous renvoie à une lointaine époque. Et Jules qui nous a rejoint l’année dernière pour apporter ce qui nous manquait le plus, quelqu’un de plus d’1m80 ! Ah et y’a aussi Basile, mais c’est parce qu’il a le permis de conduire. Oui Jules ? Toi aussi ? Mais c’est super mon grand !

Le Kickstarter de la Big Red One Edition a été un grand succès. Qu’est-ce qui vous tenait le plus à cœur avec cette nouvelle édition ?

Au fil des extensions on a amélioré la qualité visuelle de nos pions, de nos éléments de terrain, de nos cartes… Avec cette nouvelle édition on voulait remettre à niveau la boite de base d’un point de vue graphique. C’est une réussite ! Le jeu n’a jamais été aussi beau ! Ah oui, y’avait une autre raison. À cause du succès du jeu, on n’avait plus de boîtes à vendre. Il fallait donc faire quelque chose.

Comment s’effectue le choix des batailles et unités modélisées dans le jeu et les extensions ? Verra-t-on un jour les plaines italiennes ou le désert Nord-Africain ?

On se base sur l’imaginaire collectif autour de la Seconde Guerre Mondiale. Les unités iconiques, les personnages marquants… Une fois qu’on a déterminé quelle division on veut voir apparaître, on fait des recherches historiques pour mettre en place le décor dans lequel elle va évoluer, quels ennemis elle va affronter. Et puis on brode pour apporter la touche Devil Pig.

Si on pouvait se démultiplier, on couvrirait tous les théâtres d’opération de cette guerre. Pour l’instant on se concentre donc sur les plus emblématiques. La Normandie, le front de l’Est et le Pacifique. Mais Yann adorerait qu’on aille en Afrique du Nord et Clem aimerait visiter Monte Cassino. Alors peut-être un jour…

Comment expliquez-vous cette forte communauté autour du Heroes System ? Qu’est-ce qui plaît le plus aux joueurs ?

L’extraordinaire charisme de ses deux auteurs ? En vrai on ne peut qu’extrapoler. Le ton décalé, hollywoodien, un peu cartoon. La nervosité du jeu, l’attention portée aux détails… Et puis on fait tout ce qu’on peut pour faire plaisir à notre communauté. On l’écoute, on prend en compte leurs remarques, leurs avis. On va là où ils nous demandent d’aller. On échange pas mal avec eux. Ça doit aider.

Pouvez-vous nous présenter cette nouvelle extension ?

On n’avait jamais fait une véritable extension sur l’armée du Commonwealth. Il y a eu Pegasus Bridge, qui racontait l’opération aéroportée, et la boîte d’armée, mais cette dernière n’avait pas de scénario. On a donc voulu faire un truc complet sur la plus grosse bataille des armées du roi, la bataille de Caen et de ses environs. Entre les deux Battle Packs qui seront dans cette campagne Kickstarter, les joueurs pourront revivre les combats urbains de Caen, la prise de l’aérodrome de Carpiquet, la bataille de la colline 112, etc. Ça va être énorme !

Quels sont les plans pour le futur ? Continuer d’étoffer la gamme HoN ou exploiter le Heroes System sur une autre période ?

On a fait une « road map » qu’on a présentée à la communauté pour avoir leur avis. À priori elle a remporté l’adhésion de la communauté. Ce sera donc le Pacifique pour notre prochaine étape touristique, mais aussi un petit détour par le front de l’Est, histoire d’étoffer Heroes of Stalingrad. Mais ce qu’on aimerait vraiment faire, ce serait de voyager dans le temps et d’explorer le Moyen-Âge, qu’il soit historique comme fantastique.

Je vais essayer d’être fort mais il faut que je sache : Heroes of Black Reach est-il mort et enterré ? Allez-vous adapter le module solo pour qu’il soit compatible ?

N’est pas mort ce qui à jamais dort. Et au long des siècles peut mourir même la mort.

Voilà ce qu’on peut répondre pour Black Reach. On aimerait beaucoup continuer mais pour le moment on n’en a pas le pouvoir. On aimerait beaucoup adapter les factions de notre premier jeu, Frontières, pour qu’elles viennent compléter celle de Heroes of Black Reach, tout en esquivant les problématiques légales. Mais c’est une autre histoire. Pour le mode solo, Clem a prévu d’en faire un « fanmade » à télécharger. Mais pour ça, il faudrait qu’il ait le temps.

Une petite question pour Thia : tu es une joueuse connue pour tes nombreux scénarios et tu es passée de l’autre côté de la barrière en amenant ton expertise aux DPG. Quel a été ton apport exactement ?

Mon premier contact avec les DPG remonte à Octobre 2015 lorsque je les ai rencontrés. J’ai montré ma maquette en cours de réalisation sur Nijmegen 44. Quelque temps plus tard, Yann m’a recontactée pour que je lui réalise quelques scénarios destinés à être publiés dans le magazine Vae Victis. J’ai aussi quelques scénarios qui ont été publiés sur le site en tant qu’officiels DPG, ma campagne sur Nijmegen 44 notamment.

Mais les réalisations dont je suis la plus fière sont l’écriture de 5 des 9 scénarios du livret Back from Hell ; de 2 des scénarios de la boite de base Big Red One Edition et de celui du War Story #1 sur Otto Carius. Yann et Clem me sollicitent régulièrement sur des points de précision historique (matériels ou unités). Voilà, c’est à peu près tout.

Clem et Yann, vous n’avez jamais songé à faire un jeu basé sur la guerre de Sécession, étant tous les deux fans des Tuniques Bleues ?

Si ! Mais on s’est dit que le format escarmouche ne se prêtait pas trop aux affrontements d’unités de ligne de la Guerre de Sécession. On travaille en parallèle sur une version du Heroes System à une plus grande échelle. Peut être que cela donnera naissance à un Heroes of Gettysburg 😉

Merci à vous, je vous laisse le mot de la fin !

Grouiiiiik ! Venez soutenir l’effort de guerre et nous aider à libérer la ville de Caen !

Harvester

Collectionneur compulsif et un peu trop passionné, accumule jeux et livres en essayant d'entraîner un maximum de gens dans ses vices...