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Banish the Snakes: A Game of Saint Patrick in Ireland

Oui je sais, vous ne comprenez pas vous non plus le rapport entre Saint Patrick, les virées dans les bars le 17 Mars et des serpents. C’est pourtant le mélange que vous proposent Kevin McPartland et Jerry Shiles, qui vous envoient prêcher l’alcoolisme le christianisme dans toute l’Irlande avec Banish the Snakes: a Game of Saint Patrick in Ireland.

La légende veut que Saint Patrick ait débarqué en Irlande, un fût de Guinness sous chaque bras, pour noyer les serpents et par la même occasion convertir tous les païens. Une tâche herculéenne nécessitant un foie une foi sans faille et surtout une planification avancée.

Malgré le logo GMT Games en bas de la boîte, nous sommes bien loin des Hex & Counters, COIN et autres CDG auxquels l’éditeur américain nous a habitués. Banish the Snakes est en effet un jeu que je rangerais plus volontiers dans la case Jeux de Société que Wargames, même si le thème historique me fait hésiter. Mais voyons cela ensemble.

Dans Banish the Snakes les joueurs sont aux commandes d’un Saint (historique ou non) et doivent convertir le peuple irlandais, disséminé dans les neuf régions composant l’Irlande de l’époque, au christianisme avant que la Grande Bretagne ne bascule toute entière dans le paganisme.

La séquence de jeu est très simple. Quand arrive le tour d’un joueur, celui-ci pioche une carte d’événement et résout celui en face de la carte jouée au tour précédent. Généralement les événements tirant sur le rouge, en haut de la carte, ne sont pas très bon alors que ceux du bas, bleus, sont plus favorables.

Certains événements vous font perdre du Zèle, qui s’il tombe à zéro entraîne la mort de votre Saint et vous oblige à jouer avec un Alcoolique Acolyte ne disposant pas du moindre pouvoir, d’autres vont vous faire remplacer les Chefs, Rois et autres croyants de certaines régions ou même vous faire enlever vos belles églises.

Chaque joueur dispose ensuite de 4 points d’action à dépenser en diverses actions : Convertir, avec une éventuelle phase d’Evangélisation avant, Construire ou Améliorer une église, se Déplacer et enfin Echanger des cartes avec un autre joueur. Des actions simples et rapides à jouer, assurant ainsi une rotation fluide entre les différents joueurs, pour peu qu’ils ne passent pas des heures à discuter leurs plans.

Chaque Saint dispose aussi de pouvoirs passifs ou d’actions gratuites, comme par exemple une construction par tour. Comme dans tous les bons coopératifs qui se respectent, il va falloir exploiter au mieux ces avantages qui peuvent énormément peser sur le déroulement de la partie.

Revenons quand même un instant sur l’action de Convertir qui est au centre du gameplay (c’est un peu pour ça que vous avez débarqué en Irlande après tout). L’Irlande est composé de 9 régions donc, regroupées dans 4 provinces.

Chaque région est sous la responsabilité d’un Chef alors que chaque province est dirigée par un Roi. Et les 9 régions (ou 4 provinces) forment bien entendu le royaume d’Irlande, dirigé par un Haut Roi. Vous avez donc 9 Chefs, 4 Roi et un Haut Roi qui vont vous mettre des bâtons dans les roues.

Ça c’est pour la partie facile. Parce que quand vous débutez la partie, chaque région accueille aussi un Druide, dont la valeur est au départ masquée, qui va vous empêcher de convertir le peuple, les Chefs ou les Rois. Il va donc falloir se débarrasser de chaque Druide de chaque région avant de pouvoir espérer faire quelque chose. Ça se complique dirait-on.

Convertir quelqu’un, que ce soient les Druides, le Peuple, les Chefs ou les Rois, s’effectue via un jet de dé sur une table sur laquelle nombre de paramètres vont intervenir. Chaque Druide, Peuple, Chef ou Roi a une valeur de Paganisme, allant de -1 à -6. Et au verso, une fois converti, une valeur différente mais en Christianisme (qui vous aidera donc aux conversions). Vous regardez sur la petite table en bas du plateau joueur et voyez que pour convertir quelqu’un avec une valeur de Paganisme de -4, il va falloir faire 4 au dé. Mais, car il y a toujours un mais, on ne va pas s’arrêter là.

Le peuple est influencé par son Chef de province et son Druide local (s’il est toujours présent). Donc si la population à convertir a une valeur à -2, le Druide -4 et le Chef -3 par exemple, il faut regarder sur la table à -9 : impossible à convertir. Vous pourriez Evangéliser avant, c’est-à-dire utiliser des Points d’action pour diminuer le score à atteindre. Vous avez 4 actions, vous pouvez Evangéliser 3 fois et utiliser le dernier point pour la Conversion elle-même (ou même utiliser un bonus apporté par votre Saint, comme Patrick qui a +1 à la conversion du Peuple). Mais il faudrait quand même faire 9-3=6 avec un dé 6… Il va donc falloir se débarrasser des malus apportés par le Druide et/ou le Chef.

Pour information, le Chef est influencé par le Druide de sa région et le Roi de sa Province. Le Roi est quant à lui influencé par le Druide le plus fort de sa province et le Haut Roi n’est influencé que par le Druide de la région de Southern Ui Neill. Et là vous dites que c’est facile qu’il suffit de commencer par le Haut Roi et redescendre la chaîne alimentaire.

Les églises, du niveau 0 au niveau 3

Sauf que ça ne marche pas du tout en pratique, car certains événements vont vous demander de remplacer ici un Roi, là un Chef. Donc si vous l’aviez converti, c’est-à-dire mis sur sa face Chrétienne grâce à laquelle vous obteniez un bonus, un nouveau païen va le remplacer. Non ce qu’il faut c’est s’occuper de ceux qui apportent le plus de malus (surtout qu’ils vous apporteront ensuite un bonus une fois convertis) et surtout construire des Eglises qui elles apportent un bonus, qui augmente en fonction de leur niveau (de 0 à 3).

Il faut alors s’entendre sur qui va s’occuper de quelle partie du territoire, se débarrasser des Druides le plus vite possible pour construire des églises à leur place et gérer les événements lorsqu’ils se produisent. Les Saints peuvent mourir, ce qui oblige à en jouer un autre (si on en avait pioché un qu’on avait gardé en réserve), mais dans ce cas-là leurs reliques apportent un bonus dans le territoire où elles se trouvent. La mort d’un Saint ne marque donc pas du tout la fin de la partie.

Ce qui la marque par contre, c’est que le curseur du Paganisme arrive à un certain seuil (il avance via les cartes d’événement), ou que le deck d’événements soit épuisé ou que le Zèle d’un Acolyte tombe à zéro. Ça, ce sont les fins normales, qui vous font calculer votre score pour connaître votre niveau de victoire (ou défaite). Par contre, dès que le Peuple irlandais est converti, c’est victoire immédiate, même s’il reste des Chefs, Rois ou Druides païens.

Dernier détail sur les Druides : j’ai mentionné qu’au départ ils sont face cachée. Cela veut dire que pour la première conversion, on part à l’aveugle. Dans les faits, on va utiliser 2-3 points en Evangélisation pour minimiser les risques et ensuite avec l’éventuel dernier point on va construire une église à la place. Si on échoue par contre, non seulement on perd un point de Zèle mais en plus un Dolmen apparaît, qui apportera un -1 à la région jusqu’à ce qu’on obtienne un 6 sur une conversion.

Banish the Snakes est donc un jeu coopératif comme il en existe déjà beaucoup. Si vous avez pensé à Pandemic, c’est normal, il y a de ça. Avec ce que cela implique comme défauts et qualités. Oui le jeu se joue vite et est très fluide une fois que l’on comprend qui influence qui pour les Conversions. Non le jeu n’est pas contre pas très difficile, à moins de tomber sur les mauvais événements au mauvais moment. Dans ces cas-là, Banish the Snakes peut devenir frustrant avec un enchaînement d’événements difficiles à contrer obligeant à tout recommencer dans certaines régions.

Mais cela n’arrive pas très souvent, contrairement à la victoire qui n’est à mon avis pas bien difficile à obtenir. C’est dommage car il n’y a rien de mieux qu’un bon coopératif bien difficile où chacun tire la langue et essaie d’exploiter au mieux ses capacités et celles de son Saint. Dans Banish the Snakes il est trop facile de minimiser les risques et d’y aller à son rythme.

Dernier point : la production. GMT oblige, vous aurez droit à de jolis blocs en bois (sur lesquels vous demanderez à quelqu’un de plus adroit que vous de coller des stickers, encore merci ma chérie), une carte splendide ainsi qu’à des cartes richement illustrées. C’est superbe, splendide et… surproduit en fait. Le jeu serait tout aussi agréable avec de simples pions plutôt que des blocs et cela permettrait sûrement de faire baisser le prix.

Ensuite, si le travail de recherche effectué pour Banish the Snakes est tout à fait sérieux et justifie d’être édité chez GMT Games, est-ce qu’il n’aurait pas été préférable qu’il paraisse chez un éditeur de jeux de société ? Je me pose la question. D’un côté il aurait bénéficié d’une meilleure exposition, d’un autre côté il n’aurait été qu’un titre coopératif parmi tant d’autres, avec le thème pour le démarquer. Après peut-être que GMT Games le voulait pour justement élargir son catalogue et attirer ces joueurs hésitant à la frontière entre jeu d’histoire et jeu de société.

Quoi qu’il en soit, le joueur de jeux de société en moi a un avis très mitigé sur Banish the Snakes. Il est très agréable à jouer, le setup est rapide, les parties ne se ressemblent pas forcément mais la stratégie à appliquer ne varie guère et la difficulté n’est pas assez élevée. Reste le matériel splendide et l’assurance de passer un bon moment, mais sans non plus tomber à la renverse.

Peut-être est-ce le jeu idéal pour intéresser un peu plus aux jeux d’histoire de jeunes adultes ou adolescents. En tout cas, je ne regarderai plus jamais une parade de la Saint Patrick de la même manière.

Auteur : Kevin McPartlandJerry Shiles

Artiste : Terry Leeds

Editeur : GMT Games

De 90 à 120 minutes

De 1 à 6 joueurs

Page officielle

Harvester

Collectionneur compulsif et un peu trop passionné, accumule jeux et livres en essayant d'entraîner un maximum de gens dans ses vices...