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Steel Division: Normandy 44

Si j’ai joué à tous les jeux Eugen Systems, du frénétique Act of War à leur dernier opus en date, Steel Division: Normandy 44 je ne les ai pas tous apprécié. R.U.S.E fut un immense coup de cœur tandis que Wargame: Red Dragon m’a frustré. Les jeux sont pourtant proches en termes de gameplay mais il y avait un je-ne-sais-quoi qui m’a fait rapidement abandonner. C’est pourquoi Steel Division est resté si longtemps sur mon disque avant que je n’ose le lancer. Si la période deuxième guerre mondiale me plaît plus que la période moderne, j’avais cette peur de tomber sur un épisode fainéant, un simple reskin sur une formule éprouvée. Heureusement pour moi, il n’en était rien.

Certes, le jeu ne réinvente pas la série et se place toujours dans la catégorie « stratégie exigeante qui vous fera manger votre clavier », mais tout en haut, sûr de sa force. Divisée en trois chapitres pour autant de nationalités (américaine, allemande et britannique), la campagne solo ne comporte que 12 petites missions. De quoi faire grincer des dents les plus misanthropes mais le cœur du jeu étant l’affrontement en ligne, Eugen Systems a focalisé son attention, et les DLCs, sur ce pan du jeu. N’allez pas croire pour autant que ces douze missions se terminent en quelques heures… Si la campagne américaine, la plus facile, se termine rapidement, la dernière (celle des Britanniques), vous donnera pas mal de fil à retordre. Il faut dire que Steel Division, à l’instar de ses ancêtres, ne se joue pas à grands coups de lasso autour de troupes qu’on envoie aveuglément en avant.

Dans les jeux Eugen, point de bâtiments à construire et de ressources à récolter. Vous déterminez un pool d’unités avant chaque bataille, infanterie, aviation, chars ou support, et disposez à intervalles réguliers d’un apport de points vous permettant de les déployer sur la carte. Ce pool étant limité, il va falloir prendre grand soin de garder tout ce petit monde en vie sous peine de se retrouver très vite dans une position inconfortable… Palme du sadisme : certaines missions sont conditionnées par les unités que vous avez conservées de la partie précédente. Autant vous dire que vous allez pleurer quand vous aurez bêtement perdu votre Panther chèrement acquis en l’envoyant se promener seul dans un village…

Au niveau des unités, le travail accompli par les développeurs est comme d’habitude impressionnant. Chacune est fidèlement modélisée et est dotée de caractéristiques conformes à la réalité. La gestion des blindages des chars est par exemple exemplaire et demandera de bonnes facultés d’adaptation quand vous rencontrerez des « lourds », quasiment invincibles de face. Le principe du « pierre-ciseau-grenade à main » est respecté et si certaines troupes font des merveilles dans un domaine, elles sont inoffensives dans d’autres. A ce propos, petite parenthèse qui n’engage que moi : pourquoi ne pas avoir doté les canons antichars d’obus explosifs, comme dans la réalité ? La lutte anti-infanterie n’était certes pas leur mission première mais quand même…

Toujours est-il que c’est l’exploitation de ce délicat équilibre qui donne son sel aux parties de Steel Division. Harceler avec votre aviation des positions défensives détectées grâce à des scouts dissimulés dans un bois avant de lancer un assaut blindé sous couvert de fumigènes, c’est l’équivalent vidéoludique d’un dîner 5 étoiles en compagnie de l’être aimé. Ou pas loin… Un jonglage permanent entre les unités, qu’il faut constamment dissimuler pour les plus fragiles, comme l’infanterie, ou placer avec un maximum de lignes de vue (un grand bravo d’ailleurs à la fonction qui permet d’afficher les cônes de vision d’une unité) les chars pour des engagements à longue distance, voilà ce qui attend le joueur qui finira chaque mission sur les rotules, lessivé à force de concentration. Il faut dire que même si le jeu offre une pause active indispensable (en tout cas pour moi, n’étant pas un poulpe sous caféine), il y a tellement de paramètres à gérer qu’on se dit parfois qu’il est impossible de s’en sortir. Surtout quand l’IA alliée, qui nous accompagne très souvent, en fait un peu trop à sa tête et qu’il faut aller secourir toutes les cinq minutes.

On pourrait penser que Steel Division est similaire à Sudden Strike, dont je vous ai déjà parlé. S’il est vrai que les deux jeux ont des points communs, comme la gestion de la logistique, les rythmes sont totalement différents et surtout les engagements ne se font pas aux mêmes distances. Dans Sudden Strike, vous n’avez à vous préoccuper que d’une zone très limitée autour de vos troupes et le front est assez statique. Dans Steel Division: Normandy 44 au contraire, les distances d’engagement sont plus réalistes et il n’est pas rare de se faire aligner par un char dissimulé à plusieurs centaines de mètres. Il faut donc « éclairer » un maximum la carte (par les airs ou au sol) pour éviter les embuscades et surtout les contournements, dont l’IA est friande. C’est cette tension constante qui me plaît dans ce jeu, ce sentiment que si même si tout se passe bien pour le moment tout peut basculer d’un instant à l’autre. Sur la première mission de la campagne britannique par exemple, il me fallait déloger les Allemands d’un village avant de repousser la contre-attaque d’une division SS. La première partie du plan s’est relativement bien déroulée, avec des pertes raisonnables même si évitables avec plus de concentration, et a vu les Allemands chassés tels un vulgaire Machiavel aviné d’une boîte de nuit. Cependant, ayant trop tardé à faire monter en ligne mes canons antichars et ayant essayé de couvrir un trop large front défensif, je me suis fait balayer par le poing blindé ennemi qui n’a fait qu’une bouchée de mes pauvres fantassins sous-équipés. Cela peut sembler frustrant mais cela m’a au contraire enthousiasmé et démontré qu’il ne fallait pas relâcher mon attention (et accessoirement sauvegarder plus souvent). Anticiper et observer…

D’un point de vue du gameplay, Steel Division: Normandy 44 est donc une petite perle qui profite de l’expérience des développeurs sur leurs précédents titres. Toutes les fonctionnalités indispensables, et même plus, sont là et le jeu est un régal à prendre en main. On zoome sur un bosquet, regarde les angles de vue qu’il offre, dézoome pour avoir une vue d’ensemble et prévenir des mauvaises surprises, le tout sans la moindre anicroche. Techniquement, c’est aussi une grande réussite avec des textures fines, des environnements variés (bon, on reste en Normandie donc ça n’est pas non plus Uncharted et ses 45 pays visités à l’heure) et une bonne optimisation. Les batailles sont splendides, avec de superbes effets pyrotechniques, des obus qui ricochent sur les blindages et des fantassins qui rampent lorsqu’ils sont cloués au sol. La partie sonore n’est pas non plus en reste, elle est très convaincante et met parfaitement dans l’ambiance. Bon point, vos soldats ne répètent pas en boucle la même phrase à chaque fois que vous les sélectionnez…

Steel Division: Normandy 44 n’a, à mon avis de joueur uniquement solo, pas de véritable défaut, mis à part cette IA parfois perfectible. Certes on aurait aimé une campagne plus longue mais les missions, qui offrent des situations variées et réalistes, vous occuperont une bonne dizaine d’heures. Certes, il faut un temps d’adaptation car le rythme est très élevé mais une fois ses marques prises, quel plaisir d’arriver sur une carte, de repérer les axes d’approche, de planifier un assaut en tenailles et de mettre en place des défenses pour se prémunir d’une contre-attaque !

Abordé avec de l’appréhension, cet opus rentre donc directement dans mon top des jeux de stratégie et me redonne confiance pour Steel Division 2 qui est annoncé pour 2019 et qui vous emmènera sur le front de l’Est. Autant vous dire qu’il me tarde un tout petit peu…

Genre : Stratégie

Développeur : Eugen Systems

Éditeur : Paradox Interactive

Date de parution : 23 mai 2017

Harvester

Collectionneur compulsif et un peu trop passionné, accumule jeux et livres en essayant d'entraîner un maximum de gens dans ses vices...