Stalker
Stalker ! Quoi stalker ? Le jeu ? Non le film ? Quel film ?
Lorsqu’on s’intéresse au cinéma, il y a des noms qui reviennent : Kubrick, Kurosawa, Ford, Fritz Lang, Bergman, Godard, Carné, Fellini et puis Tarkovski/y (suivant qu’on l’écrive à la française ou à l’anglaise). Un peu circonspect, j’ai mis du temps à découvrir la plupart et pour certains c’est un travail encore en cours. Ces réalisateurs ont tellement influencé le cinéma d’aujourd’hui qu’il est difficile de ne pas regarder un de leurs films et de se dire « j’ai déjà vu ça ailleurs » sauf qu’eux ont inventé la chose ou ont tellement inspiré le cinéma que leurs films en sont devenus des icônes (genre Les 7 Samouraïs de Kurosawa qui ont inspiré Sergio Leone et George Lucas entre autres)
Ce qui m’a convaincu d’acheter le coffret Tarkovsky c’était Stalker. Pourquoi Stalker ? Déjà comme beaucoup d’entre vous, j’ai joué au jeu PC et puis il y’a cette image qui ressort à chaque fois que le film est mentionné, cette pièce remplie de petites dunes de sable.
Une fois vue, impossible d’oublier, impossible de ne pas vouloir en voir plus.
Mais voilà, le jeu comme le film sont inspirés librement d’un livre que je n’ai jamais lu, le jeu est sorti 28 ans après le film et n’a au final pas grand-chose à voir au-delà du principe de base. Une zone fermée par l’armée avec derrière des anomalies. Tout indiquant l’accident nucléaire sans le nommer dans le cas du film. Ne risque-t-on pas d’être déçu, un film de 1979 n’est pas un film d’aujourd’hui, c’est plus lent, plus décousu parfois aussi.
Contrairement au jeu où tout est basé sur l’action et la survie, le film lui se base sur la fascination.
Un passeur (nommé stalker on s’en doute) Alexander Kaidanovsky a l’habitude d’amener des « touristes » dans « la zone ». Sa femme ne veut plus qu’il y retourne de peur qu’il n’en revienne pas, leur fille est malade mais il est incapable de résister à l’appel de cet endroit, libre de tout mais aussi fier de son importance soudaine comparée à la vie de tous les jours.
C’est évidemment illégal, le groupe qu’il mène cette fois-ci est composé d’un écrivain à succès (incarné par Anatoly Solonitsyne) et d’un professeur (Nikolai Grinko). Ils vont devoir se cacher, passer la nuit à attendre le moment propice pour passer les contrôles militaires. On sent l’impact de l’ère de l’URSS avec la pauvreté et le contrôle/risque constant. Une fois à l’intérieur de la zone cependant, tout change. La nature a repris ses droits, et le guide remplit les oreilles de ses visiteurs avec les règles de survie et les risques. Des risques et des histoires qui semblent inventés et que rien ne permet de corroborer. L’écrivain sera très récalcitrant à les suivre, sceptique face à un guide qui traite la zone comme un lieu saint et vivant. Au fil du film, il est d’ailleurs difficile de savoir si quoi que ce soit est vrai ou si c’est juste un endroit abandonné dont les locaux en ont fait des légendes avec une pièce en son centre qui exaucerait le vœu le plus cher (et secret). Mais la tension est palpable, les rituels se succèdent, les endroits à l’apparence magique ou déchue se succèdent. Les images sont superbes alors qu’on y voit pour beaucoup de la ferraille abandonnée en pleine nature, des maisons décrépies, et on y détecte la présence de produits toxiques (qui auront apparemment un impact sur l’équipe du film, autant Tarkosvki et sa femme que Solonitsyne décèderont du même cancer plus tard). Le film oscille sans cesse entre le monde de la science-fiction et une réalité simple et terrible. S’il est lent et contemplatif, il marque indéniablement par ses images et son ambiance. La musique rajoute à la tension générale du film, soulignant la crainte constante du guide que la Zone les rejette ou les tue. Les silences succèdent à des monologues profonds comme lorsque l’écrivain exprime son désespoir face à la condition de l’homme, à son incapacité à changer les gens.
Le Blu-ray est superbe (apparemment celui du coffret des studios Potemkine a un meilleur rapport de contraste que l’édition solo pour les puristes) et assure une expérience qui marque. C’est un de ces films à voir et à digérer ensuite. Il faut lui laisser le temps déjà lors de la première vision mais ensuite de faire cette impression qu’au final nous aussi on est sorti de la zone.
Réalisateur : Andrei Tarkovsky
Acteurs : Alexander Kaidanovsky (le Stalker), Anatoli Solonitsyn (l’écrivain), Nikolai Grinko (le professeur)