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Imperium Antique et Légendes

Dans le monde du jeu de société, le genre du Deckbuilding a été démocratisé voire inventé par Dominion et maintes fois remanié. La construction de son paquet de cartes, autrement appelée Deckbuilding, est une mécanique dont le principe est, généralement, de constituer un paquet de cartes avant ou pendant la partie afin de battre le jeu ou les joueurs adverses. L’arrivée d’un jeu de civilisation asymétrique entièrement basé sur cette mécanique a tout pour plaire : développer sa civilisation à travers un paquet de cartes et cela en 40 minutes par joueur (spoiler : pas sur les premières parties, ni les suivantes).

Du point de vue matériel, Imperium a été divisé en deux boîtes dont le thermoformage est exactement le même. Les cartes sont séparées en fonction des peuples et des cartes communes, il y a un emplacement fourre tout pour les jetons, le dé servant au solo et les emplacements du marché. Petit bonus appréciable, sous chaque emplacement de cartes, il y a le nom de la civilisation ou des cartes communes pour savoir où les ranger facilement. De plus, il y a deux livrets de règles pour différencier le jeu à plusieurs et le mode solo.

La première partie

Cela peut sembler anecdotique, mais c’est appréciable de voir que le mode solo a été l’objet d’un soin particulier au point de prévoir un livret spécifique. Autre détail qui pourrait surprendre à la lecture de la règle, elle inclut d’office les factions de l’autre boîte. Autrement écrit, les livrets de règles sont les mêmes dans les deux boîtes (le jeu donne l’impression d’avoir été volontairement coupé en deux boîtes). En dehors des cartes, le matériel se veut fonctionnel et suffisant pour jouer en solo comme à plusieurs. La qualité n’est pas exceptionnelle, mais suffisante pour le prix demandé.

Imperium se compose de seize civilisations réparties équitablement entre les boîtes Antique et Légendes. Antique est celle vers qui les joueurs devraient se pencher en premier pour découvrir les mécaniques assez particulières du jeu. En effet, les peuples représentés sont relativement simples à appréhender et la boîte Légendes regroupent des factions « exotiques » (comprendre avec un gameplay très particulier pour certaines comme les Arthuriens ou les Atlantes). L’asymétrie a été poussée très loin au point qu’aucun peuple ne se joue et ne s’affronte de la même façon. Cette volonté de différencier les peuples se retrouve dans un paquet de cartes dédié pour chaque peuple, c’est à dire peu de cartes communes à chaque faction dans leur deck de départ.

Enfin un bon thermoformage !

Suivant les factions, le nombre de cartes peut varier sans pour autant donner la sensation d’un déséquilibre (Compter une vingtaine en moyenne). Les cartes disponibles sur le marché diffèrent d’une boîte à l’autre et la règle précise qu’il ne faut pas les mélanger afin d’éviter un déséquilibre. Les cartes sont divisées en plusieurs types et nécessitent un petit tri au moment de la mise en place des piles pour le marché (le thermoformage permet une mise en place et un rangement très rapide).

Concernant la règle, il a été beaucoup dit que la localisation d’Origames était très moyenne (je reste poli) et que le PDF correctif avec les cartes modifiées en plus ne suffisait pas pour certains. Limite scandaleux au point de lire parfois que le jeu était injouable. Pour ma part, sans renier les quelques approximations et formulations menant à des erreurs, la règle a surtout le défaut d’être mal foutue (genre vraiment) et les erreurs sur les cartes sont minimes. Pour être précis, il y a une carte pour la boîte Antique et trois pour la boîte Légendes. Seule celle de la boîte Antique a une erreur concernant un jeton à gagner.

Le flou n’est pas que sur l’image.

Le livret de règles n’est pas facile à appréhender et donne l’impression d’un jeu très complexe alors qu’il est plutôt simple dans ses mécaniques. Il y a beaucoup de mots-clés (autant de pages que la règle principale) et de petits points de règle à ne pas oublier (le jeton progrès que j’oublie très souvent), mais rien d’insurmontable ou de rédhibitoire. Au final, la règle est un mauvais moment à passer comme bien d’autres (Robinson Crusoe, je te vise) pour apprécier le jeu. Personnellement, je n’avais plus de souci à la fin de ma première partie.

Dans Imperium, il y a trois choix possibles dans son tour de jeu : utiliser ses trois actions payantes consistant la plupart du temps à jouer trois cartes de sa main, acheter une carte du marché (sans prendre la carte Instabilités placée dessous) ou renvoyer les cartes instabilités de sa main dans la pile du même nom. A cela s’ajoute la possibilité d’épuiser certaines cartes, d’avoir des actions gratuites, quelques petites subtilités en fonction des cartes jouées, une phase solstice et c’est reparti pour un tour. Le jeu utilisant ses propres termes pour lesdits choix afin de donner un peu de « background ». Vu comme cela le jeu peut paraître simple d’accès et pourtant, la première partie est un chemin de croix. Pour ma première partie, j’ai passé 2h30 à jouer avec beaucoup de retours à la règle pour les mots-clés et depuis je dépasse très rarement 1h30 pour voir mon inévitable défaite. Les 40 minutes annoncées par joueur me semble un peu trop optimistes (sachant que je suis du genre rapide à jouer) pour la réflexion demandée par le jeu.

Un aperçu de la mise en place du marché (plateau maison pour la photo)

En effet, le choix lors de son tour de jeu peut avoir des conséquences importantes pour la suite. Au bout de quelques tours, on finit par savoir rapidement ce que l’on va faire lorsque vient son tour. Le choix de faire les trois actions payantes peut prendre du temps puisque cela consiste généralement à poser des cartes dans sa zone de jeu et elles vont avoir des effets à résoudre. A contrario, acheter une carte du marché et renvoyer des cartes Instabilités se fait en quelques secondes. Lors de la première partie, la tentation est grande de ne faire que les trois actions + épuisement + action gratuite, mais suivant le peuple joué ou les cartes en main, elle peut s’avérer peu rentable. Au fil des parties, on se rend compte qu’un tour de pacification (renvoyer les cartes Instabilités) est plus intéressant pour éviter une fin de partie prématurée ou d’acheter cette carte du marché pour son effet plus tard.

Pour finir la manche, il y a une phase de Solstice qui se résoudra en faisant les actions sur les cartes où le mot-clé solstice apparaît. La phase est simple et rapide. Il y a encore quelques subtilités comme le mélange de sa défausse avec l’ajout/achat d’une carte de son deck Dynastie, le passage de Barbare à Empire que je ne développe pas parce que là encore, les peuples ont des spécificités (l’asymétrie est présente partout). Après les premiers tours, c’est assimilé très rapidement et cela fait aussi partie du plaisir de la découverte.

Le plateau joueur

La fin de partie peut intervenir de plusieurs façons : pile principale vide, carte Roi des rois jouée, pile d’Instabilités vide ou pile du joueur vide. Suivant les factions jouées, la fin de partie peut arriver très rapidement, notamment si on ne fait pas attention à la pile des Instabilités. Et c’est là la grande qualité, comme le défaut principal, d’Imperium. Même si la fin de partie peut être précipitée par un joueur, il est très difficile de savoir où chacun se situe dans la partie ce qui amène trop souvent à tenter de rallonger ou non la partie à l’aune de son ressenti exclusivement. Pour un jeu qui se veut « expert » dans son approche, ce manque de vision peut gêner certains joueurs habitués à maitriser leur partie du début à la fin et/ou générer une frustration quand on est persuadé d’être devant.

En plus de cela, le décompte final a été souvent cité comme un défaut parce qu’il est tout sauf intuitif et demande un minimum de rigueur pour ne pas se tromper. Pour faire simple, suivant où les cartes sont placées à la fin de la partie, elles ne valent pas toujours le même nombre de points de victoire (PV). Cela suppose pour le joueur habitué à prendre toutes les cartes en main et compter ensuite les PV indiqués sur les cartes à les laisser où elles sont pour compter chaque emplacement séparément. Si un bloc de score avait été fourni, ce petit inconvénient passerait beaucoup mieux, mais il faut faire sans. Passé deux ou trois parties, le décompte n’est plus un problème et se fait rapidement.

Feuille de score bien utile.

Avant de poursuivre avec les sensations de jeu, l’aspect visuel du jeu a été particulièrement travaillé. On retrouve The Mico aux pinceaux. Sa patte particulière est bien présente et le nombre très important d’illustrations différentes rendent les factions identifiables sans une impression de redite. Les cartes communes à certaines factions (Gloire, Prospérité…) ont des illustrations en lien avec leur faction alors qu’il aurait été plus simple de garder la même. Ce souci du détail pourrait sembler anecdotique et l’est pour certains joueurs, mais il a contribué à m’immerger dans le jeu. Les icônes, les bandeaux de couleur (servant à donner le type de carte) et les textes des cartes ne sont pas sacrifiés pour mettre en avant la beauté des illustrations. Il y a un bel équilibre qui rend le jeu beau et lisible.

Les éléments les moins beaux du jeu.

Au niveau des sensations de jeu, Imperium est un jeu qui demande un investissement plus important qu’une seule partie sur un coin de table pour être apprécié. Il faudra passer cette partie laborieuse d’initiation et parfois la seconde pour enfin appréhender Imperium pour ce qu’il est : un jeu de civilisation caché sous un deckbuilding. Les règles n’aidant pas les joueurs peu enclins à faire l’effort d’aller plus loin que leur ressenti initial et ceux qui s’attendaient à un « petit jeu » de cartes asymétrique. Pour l’apprécier, il va falloir accepter de se faire malmener les premières parties et d’investir du temps. Quand les mécaniques sont bien appréhendées, les tours s’enchaînent très rapidement et le plaisir prend le pas sur les défauts.

Pas indispensable, mais très pratique.

Le mode solo a été pensé pour conserver l’asymétrie des factions. Chaque peuple a son tableau d’actions en fonction des cartes qui vont sortir. De loin, cela peut sembler lourd avec le dé à lancer, les cartes à retourner et les actions à faire, mais à l’usage, cela se révèle aussi fluide que rapide. La règle solo apporte quelques modifications mineures dans le cours du jeu et aussi sur le décompte. Les sensations sont excellentes avec une mise en place aussi rapide qu’en multi, un niveau de difficulté ajustable et une maintenance de la C.I.V. (l’automa) qui se veut aussi simple que possible. Une vraie réussite et mon mode de jeu principal.

Plateau de la C.I.V.

En conclusion, Imperium est un jeu avec d’énormes qualités pour qui accepte de s’y investir. Il est rapide à mettre en place, finalement simple à jouer et fluide. Passées les premières parties et les règles mal foutues, il révèle une vraie profondeur. Le solo est tellement bien pensé que chacune des seize factions a son schéma de jeu et semble même être le mode principal. Pour autant, le jeu est parfaitement jouable à plus. Même si je ne le conseillerais pas à plus de deux joueurs, il est possible d’aller jusqu’à quatre joueurs. Une très bonne surprise.

Quelques liens pour « améliorer » son expérience de jeu :

Genre : Deckbuilding civilisationnel

Auteurs : Nigel Buckle et Dàvid Turczi.

Editeurs : Osprey Games pour la version originale et Origames pour la version française

Nombre de joueurs : 1 à 4.

Age : 14+

Durée de partie : 40 minutes par joueur en théorie (45 minimum en pratique)

Prix : 31,50€

Machiavel

Toujours à l'affût de ce qui peut piquer ma curiosité, peu importe le domaine avec une légère préférence pour les jeux vidéo, le cinéma, la littérature, les séries TV, les jeux de société, la musique, la gastronomie, les boissons alcoolisées et quelques autres petites choses . Ma curiosité est telle le tonneau des danaïdes, sans fond.

2 réflexions sur “Imperium Antique et Légendes

  • Bonsoir, très bel article, je suis totalement d’accord avec vous. Je pense que ce jeu même s’il est possible d’y jouer à 4, prend toute sa saveur à 2 , j’ai peur qu’à 4, la durée soit beaucoup trop importante.
    Le mode Solo est remarquable. Quant aux critiques vis à vis de la traduction, je les trouve exagérées.
    Enfin, pour compléter, il existe un site pour faciliter le décompte final , je vous mets ce dernier https://imperiumscorer.surge.sh/

    • Machiavel

      Bonjour, merci pour le compliment. Je ne peux qu’être d’accord. L’application pour le décompte est très utile. Merci pour le lien.

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