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Meet Your Maker

De la rouille, des chairs difformes et mécanisées, du sable brûlant, un soleil de plomb, des pièges vicieux, des architectures délirantes, du multi asynchrone et encore plus de rouille. Voilà ce que vous promet Meet Your Maker dès les premières secondes de jeu. Quand en plus on sait que c’est le dernier jeu de Behaviour Interactive, à qui on doit le tout autant asynchrone et jubilatoire Dead By Daylight, autant vous dire que je lui ai sauté dessus comme la misère sur le pauvre monde. Est-ce une réussite ? Est-ce aussi créatif que ça en a l’air ? Est-ce que l’usage d’une expression aussi surannée valait bien le coup dans le contexte ? Est-ce que je vais encore utiliser des effets de manche foireux pour mes chapeaux (je me comprends) ? C’est ce que vous découvrirez si vous arrivez au bout de ce long article trop riche en chapitres (le 6e va vous étonner).

Come Crawling faster

Dès l’introduction, le jeu nous place dans la peau d’un gardien de la chimère. Cette dernière étant une sorte de gros fœtus qui baigne dans une cuve translucide, et qu’on nous présente comme le dernier espoir de l’humanité pour notre terre ravagée. Comme on le sait depuis Mary Shelley et sa créature de Frankenstein, dès qu’on fout un truc qui bloblote dans une cuve, ça veut consommer du matériel génétique. Ne me demandez pas pourquoi mais c’est ainsi.

On n’échappe pas à la règle puisque votre condition de gardien, en plus de vous avoir réincarné en une sorte de guerrier mutant de chair et de métal, vous oblige à mener deux combats de front : d’un côté aller piller les ennemis afin de récolter le fameux MatGen, et de l’autre concevoir et fortifier vos bases afin de faire fructifier votre chimère et d’éviter que l’on vous pille en retour. Le tout dans une belle ambiance poisseuse, qui sent le sang, la cuve d’épuration des eaux usées, le sable et l’huile de vidange. On est à la croisée d’un Mad Max vu par Carpenter, Jeunet et Kojima. C’est absolument dégueulasse et c’est génial !

Your life burns faster

La première partie, qui sert également à mettre en place le monde et vous apprendre à jouer, demande d’aller récupérer les ressources des avant-postes créés par les autres joueurs. Vous partez, armé d’une grosse épée du futur, d’un lance projectiles à deux coups du futur, et de votre indéfectible optimisme… du futur. Le premier contact est rude : tout à la saveur et l’apparence d’un FPS des plus classique. Vue à la première personne, HUD réduit au minimum, les contrôles répondent bien. On dirait qu’on est là pour défoncer du streum. Sauf qu’il n’y a pas de monstre, qu’on fait trois pas et qu’on se fait fumer au premier piège, heureusement on reboot instantanément et on y retourne.

On commence à comprendre que ce piège est en fait esquivable, qu’il y a un temps de latence entre la détection et le déclenchement, et que ce temps peut être mis à profit. On prend confiance, on échappe aux autres pièges, on avance et… On se fait fumer par une monstruosité mi-organique, mi-robotique, greffée de partout et surtout très belliqueuse. Oh jeu, tu commences à sérieusement me mettre le cerveau en ébullition ! L’alternance de ces phases de progression prudentes et de FPS bourrin fonctionnent à merveille. C’est déstabilisant, excitant, frustrant mais également très accrocheur.

How I’m killing you

La deuxième partie vous met cette fois dans la peau du concepteur. Armé de vos ressources (misérables au départ) et de votre imagination, vous allez devoir concevoir un avant-poste à l’aide de cubes. Celui-ci doit répondre à certains critères (vous avez un nombre de « points de construction » limités), et à certaines obligations, comme par exemple le fait que votre esclave extracteur de ressources doit pouvoir avoir un chemin viable entre l’extérieur et le « trésor » au cœur de votre avant-poste. Cette dernière règle, toute simple, permet de forcer votre base à rester vulnérable. Autre règle de conception : il doit y avoir un minimum de protections présentes pour valider l’ensemble.

Pour le reste, vous êtes libre de créer le lieu de votre choix, simple machine à tuer ou véritable ode au baroque grandiose, ou pourquoi pas les deux. L’aspect tower defense ne doit en aucun cas être négligé. Pour progresser dans le jeu, et donc dans l’histoire, vous devez être tout aussi mortel qu’attirant pour les adversaires joueurs. Et toute la difficulté est là : comment créer un avant-poste qui sera aussi efficace dans son massacre que plaisant à jouer ? Car au delà de l’aspect fonctionnel (ramener des ressources), vos adversaires vont pouvoir noter vos bases selon 4 critères allant du fun à l’artistique en passant par le brutal et l’ingéniosité.

Leading on your death’s construction

Que vous soyez bâtisseur ou pilleur, vous allez améliorer peu à peu votre matériel. De nouveaux pièges, de nouvelles capacités, de nouveaux monstres, mais aussi des améliorations esthétiques, l’ensemble de ce que vous propose le jeu se débloque au fur et à mesure. Pour ça il est indispensable d’alterner pillage et construction, attaque et défense. Privilégier l’un au détriment de l’autre est non seulement se priver de la moitié du jeu, mais également prendre le risque d’un game over rapide.

Pourtant, vous pouvez ne pas vous sentir l’âme d’un constructeur ou d’un pilleur, et là aussi le jeu a pensé à vous. Vous pouvez vous associer avec un ami et décider d’avancer ensemble. Soit en vous répartissant les tâches, soit en participant à ces deux phases ensemble. Et en cas de manque d’inspiration vous êtes fortement incité à aller visiter les avant-postes des autres joueurs. Pourquoi pas en allant chercher les bases conçues par vos streamers préférés, grâce à un moteur de recherche tout à fait agréable.

Enfin, vous pourrez apprendre à améliorer vos créations en regardant le replay des joueurs qui sont venus vous piller. Cette fonction, loin d’être gadget, vous aidera à corriger les défauts de vos créations, et vous montrera les techniques de progression, parfois retorses, de vos adversaires. Il existe d’autres fonctions pour juger de la qualité et de l’efficacité, comme celle d’inviter quelqu’un à venir parcourir vos pièges, ou celle de tester vous-même tout ou partie de vos œuvres de mort.

Blinded by me, you can’t see a thing

J’ai à peine esquissé les possibilités créatrices et jubilatoires du jeu. D’abord parce que cet article n’est pas un guide, et ensuite parce que je ne veux pas vous gâcher les petites trouvailles très intelligentes qui parsèment Meet Your Maker.

En ce qui concerne la jouabilité, la partie FPS est excellente, très fluide et je n’ai rencontré que quelques petits bugs d’affichages rarissimes. On bouge vite, les commandes répondent bien et la lisibilité est bonne. Les graphismes tout en cubes et en rouille font qu’on peut parfois être un peu déstabilisé dans sa progression, mais c’est aussi ce qui nous incite à une progression prudente plutôt qu’à un speedrun débridé.

Côté bâtisseur, la manipulation des blocs, leur empilement et, d’une façon générale, la mise en place des éléments, se fait assez instinctivement. Là encore les concepteurs du jeu font preuve d’intelligence et de clairvoyance en se basant sur une conception très cubique de l’espace et de sa composition. Toutefois, la créativité n’est pas en reste et, comme on l’a dit, les nombreux éléments cosmétiques déblocables permettent de magnifiques réalisations.

Les graphismes de Meet your Maker sont simples mais beaux (pour peu qu’on apprécie le genre), et le jeu reste fluide en 1080p sur une machine un peu dépassée (la mienne). Le son est également assez travaillé, et les passages où les sons industriels viennent agresser vos oreilles apportent une bonne dose de stress dans les moments les plus délicats.

Twisting your mind and smashing your dreams

Mais pour charmé que je sois, je dois reconnaître que Meet Your Maker n’est pas exempt de défauts. On peut lui reprocher sa répétitivité : se casser les dents 10 fois de suite sur le même avant-poste est une épreuve pour les nerfs, devoir placer toujours les mêmes pièges pendant un bon moment parce qu’on n’arrive pas à avancer dans l’arbre de progression l’est tout autant. Les décors, cubiques et ternes, peuvent aussi lasser au bout d’un moment. L’ambiance générale, qui est totalement déprimante et glauque, n’est peut-être pas à mettre entre toutes les mains. Et, comme on l’a vu, les sonorités industrielles peuvent finir de vous irriter.

Toutefois, mon plus gros reproche, et même si c’est intrinsèque au jeu, est la nécessité de jouer tout le temps en ligne. J’aurais aimé un mode hors ligne, pourquoi pas en téléchargeant des bases créées par d’autres. Mais l’équilibrage serait probablement un casse-tête pour les développeurs, donc tant pis pour moi.

Enfin, j’ai un peu peur que le jeu tourne rapidement en rond si du contenu n’est pas ajouté régulièrement. En effet, en une dizaine d’heures de jeu, on voit 7 ou 8 pièges différents et une poignées de créatures. Même si je ne doute pas des possibilités du titre, il faudra quand même penser à alimenter le jeu si on ne veut pas provoquer une hémorragie de joueurs après la hype initiale. Toutefois, le jeu étant disponible sur PC, Playstation et Xbox, et étant à priori cross platform, vous aurez de quoi faire pendant encore un bon moment. De plus, les développeurs semblent avoir conscience de ces limites et proposent déjà un DLC, inclus dans la version Deluxe du jeu, contenant de la déco et des cosmétiques.

Obey your master

Vous l’aurez compris, j’aime beaucoup ce jeu, et je vous le recommande si son prix de 40 euros ne vous rebute pas. C’est un de ces rares jeux où on a autant de plaisir à regarder les autres y jouer, qu’à y jouer soi-même. Voir une partie de Meet Your Maker donne des idées que l’on brûle d’envie d’appliquer dans sa propre partie. C’est également un de ces jeux dont on émerge huit heures plus tard, l’œil rouge et la vessie pleine, à se demander pourquoi c’est déjà le matin.

Alors ai-je bien fait de chouiner auprès d’Harvester me jeter sur Meet your Maker ? Définitivement oui. Fallait-il pour autant utiliser une formule d’un autre âge en introduction ? Encore oui. Et pourquoi avoir utilisé les paroles de Master of Puppets de Metallica comme intertitres ? Aucune idée, mais j’ai eu ce morceau en tête pendant toute la rédaction de cet article, alors avouez que ça aurait été dommage de pas vous en faire profiter.

P.S. : Pour des raisons indépendantes de ma volonté, mais comprenant les mots « saleté d’ordi de chie » et « je vais tout casser », je n’ai malheureusement pas pu faire mes propres screenshots. Vous avez donc droit à des tas de très jolis screens d’autres gens. C’est ça aussi l’esprit des jeux vidéo asynchrones !

Genre : Construction/Pillage – Asynchrone 

Développement : Behaviour Interactive inc.

Éditeur : Behaviour Interactive inc.

Date de Parution: 4 avril 2023

Testé sur une version presse fournie par l’éditeur

CekterDown

Fasciné par Sherlock Holmes et le mythe de Cthulhu, j'aime également la science-fiction et tout ce qui s'y rapporte, je ne réponds qu'aux superlatifs et ne désespère pas qu'on me voue un culte un jour. J'aime surtout m'entourer de gens plus talentueux que moi.