L’Année des Cinq Empereurs
Un jeu de société fait en partenariat avec un musée pour une exposition qui parle d’une période assez méconnue de l’Antiquité. L’Année des Cinq Empereurs avait tout pour me plaire. En plus, le logo de Gameflow est une tortue avec une carapace en forme de dé. Le jeu part avec toutes les voyants au vert.
L’Année des Cinq Empereurs est un jeu avant tout pensé pour le musée de Lyon et une exposition sur l’Antiquité, plus particulièrement la période qui suit la mort de Commode, Empereur de son état. Il a oublié de désigner un successeur avant de passer de vie à trépas donc cinq dignitaires se sont « disputés » pour prendre sa place. C’est dans ce contexte assez original que le jeu se déroule. Chaque joueur pourra incarner un de ces dignitaires et tenter de devenir empereur à la fin de la partie en remportant quatre objectifs. Rien de très original, mais le thème fonctionne particulièrement bien dans ce mélange de deckbuilding/ contrôle de territoires/ course à objectifs.
Concernant le matériel, la boîte n’a pas de thermoformage et fait partie de la catégorie pleine de vide. Malgré le plaisir de découvrir la magnifique couverture du jeu dans une taille raisonnable, je suis toujours circonspect par ce choix de laisser l’air prendre autant de place dans une boîte. Au delà de ce petit écueil, le matériel est qualitatif avec des cartes de bonne qualité, des plateaux joueurs et un plateau ergonomique en adéquation avec le thème.
Point d’esbrouffe avec des jetons ou autres compteurs de points pour gonfler la liste du matériel. Le jeu contient un livret de règles et un autre rappelant les différents termes utilisés dans le jeu. C’est simple et efficace.
Au niveau gameplay, l’Année des Cinq Empereurs se sépare en deux phases principales : l’achat de cartes pour construire son paquet de cartes. Certaines auront plus de valeur que d’autres et permettront d’acheter des cartes de plus en plus chères. Système assez classique dans les jeux du genre, même si le jeu se pare d’une petite originalité : il n’y a pas de cartes spécifiques pour représenter la monnaie. Chaque carte vaut une pièce d’or sauf mention contraire (iconographie très claire et bien pensée).
Cela permet de donner une valeur minimale à chaque carte. Les premiers tours du jeu se résumeront à acheter des cartes dans les différentes provinces. En effet, la classique rivière de cartes (ou marché) est représentée par des paquets province où la première carte est disponible à l’achat. Ainsi, les paquets se renouvèlent directement sans passer par une phase d’entretien. Relativement original et bien pensé, cela permet d’éviter la petite phase de renouvèlement et chaque paquet va se centrer sur une particularité, sans non plus tomber dans une asymétrie extrême.
A chaque début de tour, le joueur actif peut décider de passer empereur. Pour cela, il va devoir retourner son plateau joueur et choisir une province de départ. A partir de cet instant, la valeur d’achat des cartes augmente de deux dans les autres provinces. Handicap qui est compensé par le fait que les cartes de son paquet ne sont plus utilisables uniquement pour leur valeur pécuniaire.
Elles peuvent servir à débloquer des étoiles pour atteindre les objectifs. Ils serviront à gagner la partie quand ils seront quatre dans la main d’un joueur. Résumé grossièrement, les joueurs vont acheter des cartes dans la première partie et dans la seconde, vont les utiliser pour atteindre des objectifs.
Concernant les sensations de jeu, l’Année des Cinq Empereurs est assez classique avec cette idée de construire son deck et de pouvoir l’utiliser pour atteindre la victoire. Le twist consistant à choisir le moment où devenir empereur est une excellente idée pour donner aux joueurs un semblant de contrôle. Il est apparu évident au fil des parties qu’un joueur choisissant de devenir empereur va entraîner très vite la même décision chez les autres pour éviter d’être à la traîne et de se faire ravir certains objectifs.
La première phase d’achat est assez rapide pour des joueurs habitués au deckbuilding, même si elle est peu intéressante au final, les choix se limitant à acheter ce qui est disponible. La phase empereur dynamise le tout et obliger les joueurs à bien choisir leur province est une excellente idée. En effet, devoir payer deux pièces de plus (donc potentiellement deux cartes) pour acheter ailleurs que dans sa province est loin d’être anodin, surtout que les cartes les plus puissantes demandent elles aussi un coût en cartes pour être activées. La fin de partie est assez abrupte puisque dès qu’un joueur a quatre objectifs, c’est fini et cela peut arriver très vite.
Au rayon des qualités du jeu, je trouve l’esthétique et l’iconographie du jeu très claires. Cette dernière est simple et compréhensible immédiatement. Les plateaux joueurs ont toutes les informations dont le joueur a besoin et ce peu importe à quel moment de la partie il se trouve. J’aime beaucoup le fait de donner une valeur pécuniaire par défaut aux cartes.
Cela évite des manipulations inutiles et donne de l’intérêt aux cartes en toutes circonstances. Il y a aussi cette idée de pouvoir passer empereur et d’avoir simplement à retourner son plateau qui est excellente. Aucune maintenance particulière ou de tri de cartes. Je passe empereur, je choisis ma province en posant ma « base » et une légion, et je peux continuer à jouer. C’est tout simple et ça fonctionne parfaitement.
Au rayon des réserves, la première phase d’une partie manque d’intérêt avec simplement des achats de cartes. Quand les tours se limitent à « j’ai tant, je prends ça et à toi de jouer », c’est peu palpitant. A noter aussi qu’il n’est pas toujours simple de savoir comment positionner ses cartes pour valider un objectif. En effet, certaines cartes demandent des coûts en carte pour valider les étoiles présentes. Comme il est possible de les poser sans les valider, la confusion est possible pour les joueurs. Rien de grave, mais c’est à souligner. L’absence d’asymétrie même légère entre les différents personnages est compréhensible pour un jeu se destinant à un public peu enclin à jouer aux jeux de société. Par contre, cette absence nuit, à mon avis, au plaisir de jeu après quelques parties. Le jeu est répétitif et n’invite pas à varier ses stratégies.
En résumé, l’Année des Cinq Empereurs est un jeu qui a toute sa place dans la boutique du musée de Lyon. Je suis beaucoup plus réservé sur sa place en boutique au milieu de la pléthore de sorties. Non pas qu’il soit inintéressant, mais sa visibilité risque d’être très faible alors qu’il ferait un très beau cadeau pour les amateurs de la période (joueurs ou non).
Il est agréable visuellement et mécaniquement. Il ne cherche pas à renouveler le genre et ne fera pas de l’ombre aux classiques du genre. Il ne me semble pas en avoir la prétention non plus. Le jeu est à prendre pour ce qu’il est, c’est à dire un jeu de société destiné à mettre en avant une période historique méconnue et une exposition pour un musée. A ce titre, le contrat est rempli et de fort belle manière.
Edit : A noter qu’il existe la possibilité d’enlever les cartes avec des anneaux en bas à droite dans les paquets province pour une première partie. Cela permet d’avoir une première approche moins experte du jeu. Je conseillerais de le faire si vous êtes un profane en deckbuilding et que vous souhaitez une première partie plus simple. Si vous êtes déjà un joueur habitué ou un pro du deckbuilding, il vaut mieux les intégrer de suite.
Genre : Deckbuilding antique
Auteurs : Clément Leclercq, Roméo Hennion, L’équipe ludique
Illustratrice : Floriane Bodereau
Editeur : Gameflow
Prix : 35€
Testé sur une version presse fournie par l’éditeur