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Landlord’s Super

Qui n’a jamais rêvé de vivre dans une caravane miteuse dans la campagne britannique des années 80, au bord d’une maison en ruines et son jardin en friche ?

Cette maison, j’en ai hérité, et malgré ça mon portefeuille crie famine, je n’ai même pas de quoi me payer une pinte. Hérésie. J’ai même une dette de plusieurs milliers de livres, comme me l’apprend le courrier que je reçois dès le réveil.

La première chose que je vois en sortant, en plus du temps triste et froid, c’est un margoulin armé d’un pied de biche qui tente de forcer la porte de la bicoque. Ce moustachu va me servir de tutoriel. Il m’apprendra à gagner des sous en trimant comme un damné, mais surtout à réparer la baraque.

Après m’avoir filé sa brouette, il m’encourage à ramasser toutes les saloperies que les gens balancent dans la rue, les jardins et les terrains vagues du village. On peut les refourguer à la décharge du coin ou les balancer dans la benne qui jouxte notre propriété contre des centimes.

C’est l’occasion de découvrir la physique de Landlord’s Super, complètement pétée. Faire tenir des coussins moisis et des éviers fendus dans la brouette tient plus de la magie noire que du talent.

Mais cette activité est chronophage et peu valorisante, alors qu’on doit acheter du matériel pour reconstruire la maison en ruines. Je passe donc à l’agence de l’ANPE Pôle Emploi France Travail locale qui propose des petits boulots de construction pour lesquels… j’ai besoin d’outils que je n’ai pas les moyens d’acheter.

Heureusement, la taverne du coin cherche aussi quelqu’un pour faire la plonge, et, miracle du capitalisme, me voilà en train de trimer de 12h à 23h pour gagner 1,5£ de l’heure. Le jeu m’épargne le lavage à la main et se contente de faire passer le temps contre de l’argent, mais aussi une partie de mon énergie et de mon hygiène corporelle. L’occasion pour moi de vous parler de la composante « survie » de Landlord’s Super.

L’énergie est donc notre capacité à agir dans la journée. On en perd quand on porte un truc ou qu’on utilise un outil, et on en regagne en dormant ou en se nourrissant. Landlord’s Super gère d’ailleurs les calories ingurgitées : celui qui mange trop à la cantine pourra finir obèse et perdre la capacité de courir.

Avoir une hygiène trop basse attire les mouches et certains habitants refuseront de nous parler si on sent trop le poney. Un petit tour sous la douche de la caravane règlera ça facilement. Un autre moyen, qui ne sera pas approuvé par l’Ordre des Médecins, sera de fumer une petite clope.

J’ai parfois eu recours à cette méthode quand, après quelques heures de plonge, mon énergie ne me permettait plus de continuer à bosser. Je voulais grignoter quelques chips pour y retourner, mais je puais trop et la tenancière refusait de me servir, rapport aux mouches.

Alors qu’elle n’aura aucun problème si je commande à boire en étant déjà bourré comme le coin d’une queue de pelle. Par contre n’espérez pas conjuguer boisson et travail, la patronne ne vous laissera pas approcher de l’évier tant que vous ne serez pas sobre.

Bref, on est dans les années 80, c’est donc accoudé au comptoir mais la gorge sèche que je me grille une cigarette et la voilà à nouveau encline à prendre une partie de ma paye contre un fish and chips. Je vais pouvoir travailler encore un peu et rentrer chez moi en courant plutôt qu’à la vitesse d’un escargot asthmatique.

La dernière donnée à gérer, plus anecdotique mais qui illustre bien l’humour bas du front de Landlord’s Super, ce sera notre vessie. Même si passer aux toilettes ou marquer son territoire en prenant la rue pour le métro parisien, c’est rigolo la première fois, moins ensuite.

A force de ramasser des ordures et laver des casseroles, j’ai amassé assez de thunes pour commencer les travaux : monter des fenêtres, du placo, fabriquer du mortier dans une bétonnière, poser des briques…

Tout ça coûte très cher et j’ai trouvé une méthode bien plus simple, à peine moins amusante et tout aussi répétitive pour gagner ma vie : on trouve dans le bar un bandit manchot mal réglé.

Normalement ces machines du diable sont là pour te sucer implacablement tout ton pognon. Mais celle-ci est généreuse et aligner trois symboles est fréquent.

Couplé à un système de pari supplémentaire pour faire monter les gains, j’ai réussi à faire péter le jackpot tous les jours, pour gagner dix à vingt fois ce qu’une journée de travail honnête m’aurait rapporté. Un petit souci d’équilibrage dont je ne me suis pas plaint puisque j’ai ainsi pu finir mon chantier plus vite.

Une fois la maison à peu près terminée, on place quelques meubles et de l’électroménager acheté à prix d’or ou trouvé dans la rue. On peut si on le souhaite s’offrir une petite session House Flipper Damidot en peignant les murs.

Ensuite, direction l’agence immobilière tenue par un cousin britannique de Satan (sans les cornes, mais avec les dents qui rayent le parquet) pour qu’il nous trouve un locataire et qu’on puisse enfin s’adonner à notre activité préférée : rien foutre en attendant que le loyer tombe.

La suite, c’est vendre la bicoque et en racheter une autre plus grande (puisqu’on ne peut en posséder qu’une à la fois, ce qui est très dommage) pour la retaper et la louer à son tour pour plus tard prendre sa retraite, décontracté du slibard et les fouilles en or.

Avec son ambiance entre le vide et le désespoir de la campagne britannique, les dialogues incompréhensibles remplis d’argot local, les graphismes hommage à la PS1, le fait de ne pouvoir sauvegarder qu’en allant dormir et sa physique pétée qui t’oblige à monter sur des meubles pour poser des briques en hauteur, Landlord’s Super est un jeu déstabilisant.

Tout est bancal, mal expliqué, l’interface est une purge et les habitants du coin hostiles. Je vous ai épargné nombre de mes péripéties, comme quand je me suis fait choper à frauder pour toucher le chômage, quand j’ai oublié où j’avais garé ma bétonnière après avoir fait des travaux chez un particulier ou quand j’ai détruit ma maison d’un clic malheureux. Ce qui n’a pas gêné le locataire, confortablement assis dans son canapé, unique relique restante après le passage du bulldozer.

J’ai parfois été payé en mixtapes de musiques de l’époque, oscillant donc entre la pop, la darkwave et le punk. Elles sont l’oeuvre de Jeremy Warmsley et vous pouvez les retrouver ici. Je les écoutais, cheveux au vent, écumant les terrains vagues en poussant ma brouette, truelle à la main en talochant du mortier ou lors de mes voyages en bus jusqu’à la ville.

Précision qui peut avoir son importance, Landlord’s Super est l’oeuvre de Minskworks, studio évidemment britannique basé à Bristol, qui a déjà commis le spécial mais inventif Jalopy. Ce qui n’est finalement pas une surprise qu’on y retrouve la même passion pour le WTF, et ce même si le studio a doublé ses effectifs entre les deux puisqu’ils sont passés de une à deux personnes.

Hypnotisé par Landlord’s Super pendant beaucoup trop d’heures, j’ai même fini par m’amuser en jouant à cette blague de mauvais goût où on ne sait pas toujours différencier un bug d’une feature. Le jeu a pourtant passé presque trois ans en Early Access, une période durant laquelle j’ignorais tout de son existence.

Je ne sais pas si j’irais jusqu’à vous le conseiller, mais ça reste une expérience surprenante, qui t’amène une grosse plâtrée de bonnes idées sur un plateau penché et qui trébuche volontairement pour que tu te les prennes dans la gueule.

Genre : Construction / Sandbox

Développeur : Minskworks

Editeur : Yogscast Games

Plateforme : Steam

Prix : 19,50€

Non disponible en français

Date de sortie : 25 mai 2023

Testé sur une version presse fournie par l’éditeur

Ruvon

Chaologue pas encore retraité, traître renommé, survivant accompli. Mon domaine, c'est le jeu vidéo, du FPS hardcore au point&click niais, et depuis toujours amoureux du tour-par-tour.