Undeadly
Je ne suis pas fan de zombies (personne n’est parfait), mais étant accro aux jeux tactiques, le jeu vidéo de survie en milieu zombie Undeadly, me faisait de l’œil (vitreux) depuis pas mal de temps. Longtemps disponible en accès anticipé, il est sorti depuis peu en version finale. Ce petit jeu, créé par un seul développeur néo-zélandais, vous met dans la peau des survivants d’une invasion de morts-vivants. Il s’agit d’un jeu de combat tactique en solitaire, en tour par tour, sur une carte isométrique (zoomable et pivotable) divisée en cases, les personnages utilisant des points d’action, afin de se déplacer et combattre sur la carte. Du classique à la X-Com ou Jagged Alliance donc, avec également la possibilité de créer une base et de crafter (comme on dit en bon français) des objets. Alléchant sur le papier, mais je vais rapidement briser le suspens : le jeu aurait gagné à rester en accès anticipé un peu plus longtemps et c’est dommage et frustrant tant Undeadly aurait pu être une véritable réussite. Alors voyons ce qui va et ce qui cloche.
Do you speak zombie ?
Undeadly est entièrement en anglais, mais vu qu’il n’y a pas de dialogues ni beaucoup de textes dans le jeu, cela ne devrait pas s’avérer rédhibitoire aux allergiques à la langue de Peter Jackson. La traduction du jeu dans d’autres langues, non précisées, est sur la feuille de route du développeur. Le jeu bénéficie d’un tutoriel expliquant comment bouger et faire agir vos personnages, appelés survivants. Leurs activités consistent principalement à butter du zombie et à chercher du matériel pour créer des armes, des munitions, et des pièges afin de… butter du zombie. Mais ce tutoriel s’avère bien léger, passant sous silence de nombreux mécanismes de jeu, qu’il faudra découvrir au fur et à mesure ou à l’aide de l’encyclopédie du jeu, d’une taille assez peu encyclopédique.
Beau comme un zombie tout neuf
La bande son d’Undeadly est assez quelconque avec une musique d’ambiance plutôt discrète, ce qui n’est finalement pas plus mal, et des effets sonores à l’avenant. Du côté graphisme, un coup de chapeau au développeur pour la modélisation 3D, réalisée grâce au moteur de jeu Unity. Les décors, les personnages et plus encore les zombies, bien qu’en low-poly, sont très réussis. Il en va de même pour les animations, fluides dans l’ensemble. De ce côté-là rien à redire, même s’il ne faut pas s’attendre à quelque chose de somptueux (nous n’avons pas affaire à un grand studio) on sent bien que le créateur y a mis tout son cœur. Le problème est que d’autres aspects du jeu sont moins réussis.
Les zombies ont-ils une âme ?
Certains jeux de tactique en tour par tour ont un fort contenu narratif, avec un arrière-plan fouillé, une campagne, des personnages développés et des objectifs précis afin d’atteindre la victoire. Ce n’est absolument pas le cas dans Undeadly. Vos survivants (à un apocalypse dont on ignore les causes et la nature) sont parachutés dans une ville au milieu d’une invasion de zombies. Leur seul objectif est de survivre le plus longtemps possible, en créant un abris (leur QG) où ils pourront fabriquer des armes, des pièges et des munitions tout en pouvant se soigner et gagner des compétences. Ajoutons qu’il n’est pas possible de donner un nom ou de customiser l’aspect visuel et les caractéristiques des survivants et que leur équipement de départ leur est attribué de manière obligatoire. Simple et efficace, Undeadly est avant tout un bac à sable rempli de morts-vivants, mais sans vraiment d’histoire ou d’âme à la clé et l’on a du mal à s’attacher à ses survivants.
La nuit appartient aux zombies. Et, le jour aussi
Le jeu est découpé en tours durant lesquels chacun de vos survivants aura trois points d’actions à dépenser pour combattre les zombies et/ou chercher du matériel dans différents lieux. Il y a des tours de jour durant lesquels les zombies sont relativement calmes (tout est relatif) et les tours de nuit durant lesquels ils vont converger, à toute allure, vers la position de vos survivants, mais aussi apparaitre en nombre de plus en plus croissant. Cerise sur le gâteau, une fois assez proches de vos personnages, les zombies ne les lâcheront plus d’une semelle, même de jour.
Survivre
Au départ vous commencez avec quatre survivants, dotés d’armements divers : armes de tir (principalement des pistolets, ou plus rarement un fusil de chasse ou un fusil à pompe), armes de corps à corps (couteau, pelle, batte de baseball, etc). Ces armes ont bien sûr des effets différents. Un fusil de chasse permettra de toucher plusieurs zombies dans un arc de tir assez large. Une pelle permettra de les assommer (les empêchant d’agir), un couteau les fera saigner (ils perdront des points de vie à chaque tour), etc.
C’est bien pensé et oblige à bien choisir l’arme la mieux adaptée à la situation tactique du moment. Les survivants disposent aussi d’équipements tels que pièges à ours (idéal pour ralentir les zombies), cocktails Molotov, mines, grenades improvisées, bref tout ce qu’il faut pour avoir une conversation constructive avec nos amis les morts-vivants. Là aussi cela permet une bonne variété de choix tactiques, d’autant que par la suite il est possible de construire de nouveaux types d’armes. Chaque survivant a aussi des compétences particulières lui permettant par exemple de créer des équipements, de plus facilement fouiller une maison, etc. A noter qu’il est possible de recruter de nouveaux personnages à partir d’un panneau d’affichage présent, quelque part, dans la ville.
Un bon mort-vivant est un mort-vivant mort !
Les combats sont classiques. Vos survivants agissent, puis c’est le tour des zombies. Vos personnages ont des points de vie et les zombies aussi. Vos armes font des points de dégâts (aléatoires) et une fois les points de vie d’un zombie épuisés par vos multiples coups de pelle ou de chevrotine, il ne meurt pas (normal il est déjà mort) mais se transforme en ‘rampant’ (crawler) : un zombie n’ayant plus qu’un point de vie et se déplaçant lentement en rampant (d’où son nom), mais toujours apte à faire passer vos survivants de vie à trépas. Bon, une fois un rampant tué, cette fois-ci il n’y reviendra pas, au suivant.
Une manière rapide de se débarrasser d’un zombie, est, comme chacun le sait, d’avoir recours au traditionnel tir dans la tête (head-shot). Pour cela il faut que votre survivant vise la tête d’un zombie avant de presser la détente. Le problème est que les chances de toucher, bien que généralement évaluées à 60%, sont dans les faits ridiculement faibles, à moins d’être très près de la cible. C’est logique, mais voulez-vous vraiment prendre le risque de rater votre tir alors qu’un zombie est adjacent à l’un de vos personnages ? Dans la plupart des cas, si l’on veut avoir un résultat, il est préférable de tirer en mode normal (où le tir est sûr de toucher), quitte à dépenser plus de munitions. Au final, le tir dans la tête s’avère un gadget souvent inutile, à n’utiliser qu’à l’abri derrière une fenêtre ou une clôture afin d’éviter les risques de riposte zombie au prochain tour.
Assez bizarrement, il est impossible de pratiquer le tir d’opportunité (overwatch) classique des jeux tactiques en tour par tour, consistant d’habitude à garder des points d’action durant son propre tour pour pouvoir tirer sur les ennemis en mouvement durant leur tour. Ici, les tirs ne peuvent s’effectuer que durant votre tour. Un choix peut-être guidé par un souci d’équilibre ludique. Par contre, il est possible de mettre vos survivants en garde (en français dans le jeu) afin qu’ils attaquent automatiquement au corps à corps tout zombie s’approchant d’eux.
La foire aux zombies
Le concepteur d’Undeadly a eu la bonne idée de mettre en jeu une grande variété de morts-vivants : zombies rapides, zombies lents, zombies costaux, zombies faibles, zombies toxiques (évitez toute relation avec eux), zombies brulants, zombies glacés (idéal pour l’été), zombies blindés (bénéficiant d’une armure), zombies éthérés, etc. Chacun a ses forces et ses faiblesse et est plus ou moins vulnérable à un type d’arme ou de munitions. Par exemple privilégiez les munitions perce blindage (Armor Piercing) face aux zombies blindés. Il existe même des combinaisons de plusieurs types de zombies. Essayez donc le zombie infernal blindé lourd, idéal pour mettre le feu à vos soirées, vous m’en direz des nouvelles !
Enfin, à un rythme aléatoire, toute sortes de phénomènes surnaturels vont apparaitre en jeu. Boules de flammes et nuages toxiques se déplaçant sur la carte, failles (rifts) dont vont surgir des zombies, vague d’énergie permettant de soigner vos survivants ou leur donnant des munitions ou des compétences additionnelles, etc. Oui, on ne s’ennuie pas à zombie-ville.
Trop de zombies tuent le zombie
Il existe quatre modes de jeu. Un jeu d’exploration sans zombies, à l’intérêt très limité, mais utile pour se faire une idée de la géographie de la ville, un mode survival, un mode lock and load et un mode customisable. Le mode survival est celui qui vous permet d’explorer la ville à la recherche de ressources, de construire votre QG et de crafter des équipements. Dans le mode lock and load vous contrôlez un groupe de personnages surarmés qui doit tenir le plus longtemps possible et massacrer le plus de zombies avant de succomber. Tout en finesse donc.
Dans tous les cas le jeu est plutôt punitif. Vous aurez en effet rapidement à faire face à de véritables hordes de zombies. Et c’est là que le bât blesse car les morts-vivants sont tellement nombreux, qu’en fait, vous n’aurez en mode survival guère de temps pour réussir à faire la seule chose susceptible de permettre à vos survivants de résister avant d’être submergés : récupérer du matériel dans les divers bâtiments abandonnés afin de construire une base incluant un atelier et une armurerie pour leur permettre de crafter de nouvelles armes, des munitions, des pièges, etc.
A ceci s’ajoute le fait que de nombreux zombies ont en moyenne plus de points de vie que vos survivants et bénéficient d’armures, ce qui les rend difficile à tuer rapidement. La solution : rester mobiles et distancer les zombies, plutôt que de chercher à les affronter dans des espaces confinés. Mais à un moment ou un autre il faudra revenir à la base (de préférence de jour) pour se ravitailler en munitions (que l’on aura pris le soin de fabriquer au préalable), et il faudra donc faire le ménage (oui, car les zombies ne savent pas ranger). Le jeu offre donc un défi tactique conséquent et finalement c’est une bonne nouvelle.
Heureusement, pour les moins masos, il existe un mode de jeu permettant de customiser de nombreux paramètres : que ce soit le nombre de zombies ou de survivants, la longueur des jours et des nuits, ou encore le nombre de points d’actions disponibles pour vos personnages. Cette option est une très bonne idée et permet d’avoir une vraie liberté pour finement ajuster la difficulté du jeu.
Artisanat de défense
Que serait un jeu de survie sans la possibilité d’artisanat (crafting) ? La création d’objets faits à la main, en petites séries, dans le plus grand respect des traditions ancestrales. Oui, bon dans le cas présent il ne s’agit pas tant de décorer des bols en faïence de Quimper que de produire des munitions à pointe creuse. Dans Undeadly les survivants ramassent des ressources (scrap), les reliquats abandonnés d’un monde maintenant disparu, afin de produire armes, explosifs, pièges, munitions, mais aussi pour construire l’indispensable base de survie aménagée dans un local idoine.
Le jeu ne fait pas la distinction entre les différents types de ressources, ainsi une vieille poêle à frire peut tout aussi bien servir à la confection d’un fusil d’assaut, d’un masque à gaz ou d’une grenade à fragmentation. On a l’impression (si j’ose dire) que les survivants disposent d’une imprimante 3D plutôt efficace. Sentiment renforcé par le fait que pour produire certains objets il est indispensable de disposer de leurs schémas de construction (blueprints), que l’on peut dénicher sur la carte ou en fouillant les cadavres de zombies. Une ressource unique a le mérite de simplifier grandement le processus de crafting, ce qui de mon point de vue est plutôt une bonne idée, comparé à certains jeux ou l’absence d’un simple ingrédient peut bloquer la partie.
Mais avant de pouvoir équiper sa petite armée il est indispensable de construire un atelier, une armurerie, mais aussi une infirmerie et même une bibliothèque (oui la culture c’est important). L’atelier permet de produire des objets, ensuite disponibles dans l’armurerie où ils sont stockés. L’infirmerie permet de soigner les survivants. Enfin, la bibliothèque leur permet d’apprendre de nouvelles compétences, telles que comment utiliser un fusil par exemple. Croyez-moi, dans le jeu c’est très utile. Le problème est qu’étudier cela prend du temps et que les voisins, s’ils ne sont pas très bruyants, sont très intrusifs et vous dérangent constamment, ce qui fait que la progression des personnages est très lente.
L’interface est votre ennemi
Dans Undeadly vous combattez des zombies, mais devez aussi faire face à un ennemi bien plus coriace : l’interface de jeu. Et là, pas de pitié, cela commence dès la sélection de vos survivants. En principe il suffit de cliquer sur un survivant pour le sélectionner. Facile, non ? Le problème est que cela ne fonctionne pas toujours. De ce fait, vous avez certaines fois l’impression d’avoir le contrôle d’un personnage, mais en fait c’est le survivant que vous avez précédemment sélectionné qui agit. On comprend pourquoi le concepteur a, heureusement, ajouté des boutons permettant de passer d’un personnage à un autre.
D’autres fois le survivant avec lequel vous voulez réaliser des actions va se désélectionner de lui-même après une seule action et il faudra cliquer sur celui-ci à nouveau. Cela devient vite énervant, car on ne compte plus les fausses manœuvres que ces problèmes provoquent, et l’impact que cela a sur la santé des survivants. Tel que ce personnage se précipitant au bon milieu d’un groupe de zombies, suite à un mauvais clic, parce qu’on pensait tirer au pistolet avec un autre survivant.
L’interaction avec les objets n’est pas plus pratique. En principe des icones spécifiques indiquent avec quels éléments du décor vos survivants peuvent interagir (pour ramasser des objets, fouiller une pièce, défoncer une barricade, etc.). Oui, mais voilà, cela n’est pas toujours le cas, et qui plus est de manière aléatoire. Certaines fois, ces icônes sont non opérantes et Il faut alors zoomer/dézoomer ou faire pivoter la carte pour pouvoir agir.
Le plus agaçant concerne les zombies eux-mêmes. Chacun d’eux est identifié par une icône indiquant son nombre de points de vie. Mais comme vous l’aurez sans doute maintenant deviné, ces icônes ont une certaine tendance à disparaître ou à se déplacer à un endroit où le zombie n’est pas, en particulier lorsque les zombies rampants sont au contact de vos survivants. Vous allez me dire que c’est peut être un choix de conception, après tout rien ne ressemble plus à un mort-vivant mort qu’un mort-vivant vivant. Toujours est-il qu’il est très désagréable de voir ses personnages attaqués par un zombie passé inaperçu à cause de cela.
Les personnages disposent d’une roue de sélection, afin de pouvoir choisir différents équipements présent dans leur inventaire. C’est pratique à l’usage, mis à part lorsque l’on veut changer un équipement dans cette roue. Là, plutôt qu’un simple et classique glisser/déposer pour transférer un objet de l’inventaire à la roue de sélection (ou vice versa) il faut laisser le curseur de la souris dans le cadran de la roue où l’on veut placer l’objet puis parcourir les différents objets de l’inventaire grâce aux touches du clavier Q et E. Le concepteur, bien que Kiwi, semble vouloir faire sien un principe bien connu de l’Administration française: Pourquoi faire simple lorsque l’on peut faire compliqué ?
Autre choix d’une logique discutable, si vos personnages sont capables de produire des engins explosifs improvisés complexes sans problème, ils sont trop bêtes pour savoir clouer quelques planches pour barricader une porte. Résultat les zombies entrent dans votre QG comme dans un moulin (sans parler des courants d’air). On a envie de dire aux survivants : « Apprenez à fermer les portes ! Non aux passoires thermiques à zombies ! ». La création de barricades est apparemment sur la feuille de route du développeur, mais on aurait préféré que cette possibilité soit présente dès la sortie du jeu.
Ajoutons que des personnages adjacents n’ont pas la possibilité d’échanger directement des objets entre eux. Pour cela il faut que l’un jette l’objet à terre pour que l’autre puisse le récupérer. Un conseil, n’essayez pas cette méthode dans la vraie vie, surtout avec des verres en cristal.
J’aurais d’autres exemples de l’aspect peu pratique de l’interface, tel que le fait qu’il faille terminer individuellement le tour de chaque survivant avant de passer au tour suivant : non, il n’existe pas de fin de tour automatique même si tous vos survivants sont à court de points d’action. Mais autant arrêter les frais, je pense que vous avez compris que jouer à Undeadly nécessite une patience d’ange (à cette occasion j’ai d’ailleurs eu la confirmation que je ne suis pas un ange).
Mais il y a pire, si l’on peut dire : le fait que malgré son interface, une fois que l’on a maitrisé celle-ci (en prenant bien soin de zoomer/dézoomer et faire pivoter la carte avant toute décision importante par exemple) le jeu se révèle être une vraie pépite hautement addictive, incitant après chaque défaite, à recommencer pour optimiser sa tactique, son crafting, son placement de QG, etc. Mais avant cela il faut insister et accepter de tâtonner et de voir ses équipes de survivants massacrées à de multiples reprises du fait de fausses manœuvres provoquées par une interface très perfectible.
Quelque chose de pourri au royaume des zombies
Au final, le jeu laisse plutôt un goût de frustration. Certes, Undeadly est tout à fait jouable et l’aspect tactique est intéressant et l’on sent que le concepteur a fait de réels efforts et a travaillé dur pour renouveler le thème du TZK (Tactical Zombie Killing, terme que je viens juste d’inventer). Mais s’il a très bien réussi dans certains domaines, il a raté certains autres.
A l’heure actuelle le jeu est malheureusement aussi bancal qu’un zombie unijambiste et il est difficile de le conseiller en l’état, car il risque de dégoûter de nombreuses personnes dès le début, à cause de son interface peu pratique, ce qui serait dommage. S’agissant visiblement d’une œuvre bâtie avec amour, on peut raisonnablement espérer que dans les mois à venir le concepteur, très à l’écoute des retours d’expérience, suivra sa création et corrigera le tir. D’ici là patience, mais comme on dit : tant qu’il y a du zombie, il y a de l’espoir.
Genre : Tactique en tour par tour
Développeur : Irreflex Studios
Editeur : Irreflex Studios
Date de sortie : 26 juin 2024
Prix : 20€