The Hundred Line: Last Defense Academy
Soyons honnêtes. La vie des pigistes non rémunérés, maltraités par un boss tyrannique, est difficile au sein des locaux de Dystopeek. Le fait que les deux tiers d’entre eux aient subitement disparu n’est guère rassurant non plus. Et, voyez-vous, cette cave toujours fermée à double tour dont s’échappe un léger fumet de viande faisandée, ne l’est pas plus. La dernière fois que j’ai demandé au patron où était passé Ruvon, il m’a forcé à tester Recycling Waste simulator. Depuis, j’ai pris le plus grand soin de ne PLUS poser de questions. C’est ainsi que je me suis retrouvé avec The Hundred Line: Last Defense Academy entre les mains.
Parfois, essentiellement les jours de pleine lune, ce métier ingrat peut réserver de belles surprises. Ainsi, lorsque le sinistre individu qui rythme la vie de Dystopeek m’a tendu ce nouveau jeu en disant « Tiens, c’est pour toi. Ici, personne n’a envie de jouer à des RPG japonais. On préfère les hexagone moches et les wargames. T’acceptes, sinon tu récures les WC ». J’ai donc opté pour le moindre mal en prenant le jeu, tout en disant que j’allais passer un sale quart d’heure.
Ce que j’ignorais encore, c’est que le destin venait de m’attribuer la dernière production des auteurs de Danganronpa (de Monsieur Kazutaka Kodaka) et de Zero Escape (de Monsieur Kotaro Uchikoshi) donc je n’avais strictement jamais entendu parler, bien qu’étant très fan de ces deux séries. Vu que ce test arrive après la guerre, comme d’habitude, vous avez peut-être déjà eu vent du drama qui s’est déroulé sur Internet. Les producteurs du jeu se sont fendus de messages très alarmistes sur les réseaux sociaux que si le jeu ne se vendait pas et ne leur rapportait pas un max de thunes, c’était un game over définitif pour le studio Too Kyo Games qu’ils avaient créé.
Et vu que le jeu est sorti pile poil au moment où débarquaient le remake d’Oblivion et le fabuleux Clair Obscur : Expedition 33, autant vous dire que c’était quand même assez mal engagé pour Too Kyo Games. Entre-temps, les choses ont l’air de s’être nettement améliorées, de telle sorte que nos braves producteurs n’auront pas à espérer que ce magnifique test soit leur planche de survie.

Avant d’entrer dans le cœur du sujet (dit-il après une page de disgressions), il est peut-être nécessaire de vous dire pourquoi j’attendais beaucoup de ce The Hundred Line: Last Defense Academy.
Ce bref rappel serait probablement inutile pour les amateurs de jeux japonais (lesquels pourront, comme dans un livre dont vous êtes le héros, passer directement six paragraphes en dessous), il n’est pas invraisemblable que les autres soient passés complètement à côté des deux séries aussi underground que magnifiques que sont Zero Escape et Danganronpa.

La première, qui se décline en trois jeux, pour la forme d’un escape game complètement barré dans lequel un groupe hétéroclite de personnages, préalablement kidnappés sans la moindre raison apparente et sans lien les uns avec les autres, se retrouvent piégés dans des endroits lugubres dont ils vont tout faire pour s’échapper. Le hic, c’est que leur kidnappeur compte bien les faire jouer malgré eux à un jeu qui les forcera progressivement à éliminer les plus faibles d’entre eux.
Dans Danganronpa, le postulat de départ n’est pas tellement éloigné puisqu’une petite dizaine de lycéens japonais se retrouvent, sans trop savoir comment, enfermés dans ce qui semble être un lycée désaffecté. Là aussi, les choses vont prendre une tournure bien plus sinistre quand une sorte d’ourson dégénéré et psychopathe les rejoindra. Le sous-titre de la série étant The Killing Game, je vous laisse en tirer la conclusion qui s’impose. Oui, ça va saigner.

À noter que cette série a également connu trois épisodes et des spin-off. Bref, je n’en dis pas plus mais je recommande très fortement aux joueurs un tant soit peu curieux et/ou nipponophiles (je vous jure, c’est un vrai mot) de s’intéresser de très près à ces deux séries. Mais revenons donc à nos moutons ou plutôt à The Hundred Line: Last Defense Academy, cette étrange Dolly, brebis génétiquement modifiée pour fusionner les traits les plus bizarroïdes des deux séries et les délires de leurs créateurs respectifs.
The Hundred Line: Last Defense Academy débute alors Takumi Sumino, jeune lycée déambule, accompagné de son amie d’enfance, Karua Kashimiya. Leur vie (Lycée, sorties, dodo) ressemble au train-train de vie relativement classique de jeunes lycéens tokyoïtes… à ceci près qu’ils résident dans un complexe souterrain qui semble être une très libre reconstitution de l’antique ville de Tokyo.

Ici, les journées sont paisibles, toujours rythmés par le même soleil sous le ciel artificiel de ce Tokyo Residential Complex troglodyte. Les nuits artificielles succèdent à des jours qui le sont tout autant. À quoi bon souffrir la pluie, la neige, les orages, la grêle et autres manifestations de colère de la nature quand on peut s’éviter tous ces petits tracas ?
La vie de notre jeune lycéen et de son amie d’enfance, dont les sentiments à son égard semblent avoir quelque peu bifurquer depuis le jardin d’enfants, aurait pu s’avérer particulièrement inintéressante si une armée de monstres au character design dégueulasse n’avait surgit brutalement pour zigouiller tout le monde.

Sauvé in extremis par une sorte de Monsieur Patate translucide (à ce stade, c’est presque un test de Rorschach que d’essayer de le décrire), Takumi ne devra son salut qu’à la manifestation d’un étrange pouvoir dont il ne jouira que brièvement afin de tomber dans les vapes. Il va alors se réveiller dans un tout autre lieu qui rappellera probablement des souvenirs aux amateurs de la série Danganronpa.
Et soyons clairs, si hybridation il y a eu entre les deux séries susnommées, c’est clairement Danganronpa qui a pris l’ascendant. Ainsi, lorsque le jeu débute enfin (ouais, comme mon test), une dizaine de lycéens se retrouvent dans une sorte de version alternative de ce qui paraît être un bâtiment d’enseignement, sans trop savoir comment ils ne sont arrivés là, ni pourquoi ils sont là. Ce n’est qu’au retour de notre étrange bonhomme translucide, Sirei, que la vérité va enfin leur être révélée.

Ils ont tous été choisis pour accomplir un rôle mystérieux qui consiste à se battre une centaine de jours contre un envahisseur qui ne l’est pas moins et à protéger leur Tokyo Residential Complex dont ils sont désormais bien loin. Vous n’êtes pas plus avancé avec ça ? Ne vous inquiétez pas, c’est normal.
Je n’irai pas plus loin dans l’histoire ni dans la description des personnages, tous très stéréotypés mais non dénués de surprises, car il s’agit d’un des aspects les plus intéressants du jeu. Et c’est là que je suis un peu gêné aux entournures. Car, voyez-vous, ce nouveau titre fait irrémédiablement penser à un spin-off de Danganronpa qui aurait décidé de se mettre au Tactical RPG plutôt que poursuivre les traditionnelles et mortelles joutes verbales qui ont fait la réputation de la série.

Alors oui, il reste bien sûr des passages (relativement chiants) durant lesquels notre héros tentera, en choisissant les bons mots, de persuader ses alliés de rejoindre la lutte contre l’ennemi, mais le gros du gameplay portera sur les phases de combat qui se déclencheront à chaque nouvelle attaque de l’adversaire sur cette base qui doit absolument tenir 100 jours pour sauver l’humanité. Et c’est bien mon problème avec ce The Hundred Line: Last Defense Academy.
J’aime beaucoup l’histoire et les personnages, malgré le côté légèrement redondant de nos 100 journées, toujours rythmées par les mêmes phases (on se réveille, on se rejoint tous à la cafétéria pour faire le point, on utilise son temps libre pour tenter de récupérer du matériel dans les alentours de la base et/ou d’améliorer les compétences et armements de nos personnages au sein du lycée puis, on se couche et bis repetita). Le problème, c’est que malgré certains aspects plutôt malins, j’ai du mal à m’intéresser aux phases de Tactical RPG.

Voyons donc comment ça fonctionne : à chaque combat, une ou plusieurs escouades, placées stratégiquement autour de générateurs dont il convient d’assurer la survie, doivent faire face à des vagues successives d’ennemis au design assez déroutant (d’autres testeurs moins complaisants diraient très moche), jusqu’à ce que, enfin, un terrifiant Boss se décide à les latter comme de gros misérables et à couper court à tout espoir de survie pour l’humanité.
Chacun de nos lycéens dispose de pouvoirs bien spécifiques dont les zones d’impact varient du tout au tout, de spécialisations (guerrier, guérisseur, soutien etc.) et de super pouvoirs qui seront disponibles dès lors que nos personnages auront effectué plusieurs actions offensives au cours du combat. Histoire de compliquer les choses, chaque personnage ne peut se déplacer que sur un certain nombre de cases et, bien évidemment, les capacités de déplacement varient drastiquement d’un combattant à l’autre.

Histoire de corser encore un peu les choses, l’équipe dispose, à chaque tour, d’un nombre de points d’actions qui sont partagés entre tous les membres présents et qui peuvent être partiellement régénéré en tuant certains ennemis spécifiques. Il va donc falloir bien réfléchir ses actions et calculer plusieurs coups à l’avance si l’on éviter de se prendre trop de baffes.
N’oublions pas, enfin, que l’utilisation d’un super pouvoir mettra provisoirement K.O. son utilisateur et que chaque personnage tombé au champ d’honneur quittera définitivement le petit théâtre des opérations combat mais pourra faire l’objet d’une résurrection à l’issue des combats.

Sur le papier, le jeu pourrait être tout aussi plaisant qu’un vieux Shining Force (Sega, Megadrive) ou un Final Fantasy Tactics (Square soft, Snes puis PSP) mais, manette en main, ça ressemble tout de même nettement plus à une sorte de puzzle game que de tactical RPG et ça, ça m’emballe tout de suite beaucoup moins.
Vous admettrez que c’est un brin fâcheux. L’ambiance du jeu me plaît, les personnages me plaisent, le scénario m’intrigue et m’incite à pousser toujours plus loin l’exploration mais l’élément qui devrait être le cœur du jeu s’avère, en ce qui me concerne, être le moins plaisant. Et ça, c’est un peu problématique.

D’autant que cette partie de gameplay n’est pas forcément très simple et que certains combats peuvent s’éterniser en multipliant, au delà du nécessaire, le nombre de vagues d’ennemis. Fort heureusement, les développeurs ont prévu une option pour rendre les combats plus aisés, option que je n’ai guère rechigné à activer après une dizaine d’heures de jeu. En définitive et arrivé au 52ème jour, je suis assez partagé sur ce nouveau titres de Messieurs Kazutaka Kodaka et Kotaro Uchikoshi qui me plait beaucoup pour son univers et son intrigue mystérieuses mais dont les phases de gameplay ont tendance à me taper sur le système.
Coup de pot, The Hundred Line: Last Defense Academy reste essentiellement un VN truffé de (plus ou moins) petits morceaux de Tactical RPG plutôt que l’inverse. Et ça, ça me convient plutôt bien. Je ne peux que vous inviter à tester cette nouvelle production japonaise atypique , histoire de voir si l’ambiance du titre vous séduira autant que moi. Avec un peu de chance, le gameplay vous conviendra mieux. La bonne nouvelle, c’est que ses géniteurs ont eu l’excellente idée de proposer une démo sur Steam. Cela dit, Messieurs Kodaka et Uchikoshi, j’aimerais autant, si ça ne vous gêne pas, que le prochain jeu prenne la forme d’un Visual Novel croisé au jeu de baston ou au shoot’em up…
Genre : Visual Novel X Tactical RPG
Développeur : Too Kyo Games
Editeur : Media.Vision Inc. / Aniplex
Date de sortie : 24 Avril 2025
Testé sur une version presse fournie par l’éditeur