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The Gallery

Non, je ne vais pas vous parler aujourd’hui d’un jeu VR ou de l’album culte de Dark Tranquillity (ce qui est, au demeurant, fort dommage) mais d’un jeu en Full Motion Video ou FMV, sorti en 2022, soit une bonne vingtaine d’années après l’heure de gloire de ce genre de productions que mon irascible boss m’a forcé à tester. J’écris donc de la cave où il m’a enfermé ET sous la menace d’un rationnement pour palier à tout manque d’inspiration.

Pour ceux qui ignorent de quoi je parle, le FMV est un genre de roman photo étrange, plus ou moins interactif dans lequel de vrais acteurs vont jouer leurs rôles dans diverses scénettes filmées en vidéo et reliées les unes aux autres par de brefs passages au cours desquels le joueur, légèrement assoupi, aura l’opportunité de prendre des décisions qui influeront à plus ou moins long terme sur le déroulement de l’intrigue.

Oui, il s’agit effectivement d’une sorte de livre dont vous êtes le héros pour ceux qui n’aiment pas lire ou, pour les plus mauvaises langues, d’un petit cousin un peu dégénéré et fauché du septième art.

Pour le joueur moderne, le genre évoquera plutôt les jeux Telltale (The Walking Dead, The Wolf Among us, Tales from the Borderlands, Batman etc.) avec, toutefois, beaucoup moins d’interactions possibles (non, ce n’est pas la peine de commenter). Comme je le disais un peu plus haut, les scènes sont, dans un FMV, filmées en prise de vue réelle avec des acteurs allant de confirmés à amateurs.

Et c’est là le premier écueil propre au genre. Bien ou mal écrit, un jeu en FMV peut se vautrer magistralement en fonction du degré d’amateurisme (ou de nullité, c’est selon) des acteurs et/ou du metteur en scène. Internet est votre ami si vous souhaitez vraiment voir ce qui a pu se faire de pire. Je décline toute responsabilité quant aux traumatismes engendrés par le visionnage des pires nanars.

Certains, comme votre humble serviteur, sont restés durablement traumatisés par le second Gabriel Knight (The Werewolf Within) de Sierra qui sabotait joyeusement l’héritage du premier opus et une bonne intrigue par des performances d’acteurs et de doubleurs (Rhaa les doublages français, j’en fait encore des cauchemars) passablement calamiteuses. Inversement, ça a pu donner des choses très recommandable comme Under a Killing Moon et la série des Tex Murphy).

Tombé en disgrâce au début des années 2000, le FMV avait purement et simplement disparu des écrans, à quelques exceptions près (Conspiration et un reboot de Tex Murphy notamment). Étrangement, il a connu une résurgence et une certaine réévaluation au cours de la dernière décennie, essentiellement du fait de productions indépendantes.

On a ainsi pu voir débarquer ces dernières années les très chouettes The Infectious Madness of Doctor Dekker, The Shapeshifting Detective, The bunker, les jeux de Sam Barlow (Her story, Immortality, bien que le gameplay soit ici un peu différents.) etc. Et encore, j’en oublie un bon nombre.

Bref, The Gallery débarque sur un marché où l’offre est bien plus élevée qu’elle ne l’a été depuis des années. Et malheureusement, au bout de plusieurs heures de jeu et même si j’apprécie le caractère intrigant du scénario qui se déroule à deux époques distinctes, je me demande bien ce qui va m’inciter à poursuivre l’aventure et à tenter de découvrir les multiples fins et scènes qui composent le jeu.

Sans être mauvais, le jeu ne se démarque pas suffisamment de la concurrence et la mise en scène et le jeu d’acteur restent du niveau d’une petite série télévisée un peu fauchée, les deux acteurs principaux ayant une vague tendance à surjouer. Impression renforcée par le casting très réduit et la quasi unité de lieu.

En dehors de ce léger cabotinage, on peut relever quelques autres défauts tels que l’absence de prise en charge du Steam Cloud, (ce qui l’air de rien m’a bien gêné) de rembobinage de la scène, de flowchart et, surtout, une interaction assez limitée et l’impression de ne pas avoir tellement de prise sur certains passages de l’histoire.

Petit aparté : le flowchart, qu’on retrouve malheureusement trop peu souvent et essentiellement dans les Visual Novels (qui sont un peu les cousins nippons du FMV) permet de visualiser les choix faits par le joueur et les embranchements empruntés. C’est évidemment très pratique pour ne pas refaire tout le temps les mêmes passages et pour chercher les différentes fins.

Alors bien entendu, le joueur peut prendre des décisions très différentes aux moments cruciaux, comme dans à peu près tous les autres jeux du genre mais, en testant plusieurs options possibles, j’ai eu l’impression très nette que le jeu vous dirigeait, lors de certains passages, là où il le souhaitait quel que soit le choix que vous aviez fait. Bref, comme dans certains Telltale, on a parfois plus l’illusion du choix que le choix.

De la même manière, le joueur a le choix d’opter pour l’une des deux réponses proposées mais également la possibilité de garder le silence. Là encore, j’ai pu constater que ce silence gardé était parfois interprété par le jeu comme l’une des deux réponses proposées et non comme une alternative. Enfin, et c’est assez subjectif, j’ai eu beaucoup de mal à apprécier les personnages principaux qui m’ont semblé assez antipathiques et aux motivations particulièrement floues.

C’est bien entendu un des ressorts du scénario mais ça a, dans ce cas précis, considérablement nui à l’immersion et à l’envie de relancer le jeu pour découvrir les différents embranchements et fins multiples. Comme toujours dans ce genre de productions, il est très difficile d’évoquer le scénario, à base prise d’otage, et les personnages sans divulgâcher (j’aurais un mot à dire à l’Académie Française) le jeu.

Sachez seulement que le milieu de l’art et la création artistique y tiennent une place prépondérante et que l’essentiel de l’intrigue se déroule dans une… galerie. Ah, vous ne l’aviez pas vue venir, celle-là ! Notez bien que ce choix atypique est un gros plus qui permet au jeu pour se démarquer de la concurrence.

Comme vous êtes vifs, chers lecteurs, vous avez déjà compris les histoires des deux personnages, qui se déroulent à 40 ans d’intervalle, vont bien entendu faire écho l’une à l’autre. Bien entendu le choix des deux époques et le climat politique qui règne en Angleterre en 1981 sous l’ère Thatcher et 2021 post Brexit et post Covid n’a rien d’anodin et aura une incidence certaine sur le scénario et permettra d’évoquer en creux les grands changements sociétaux.

Alors, plein de bonnes idées et une volonté certaine de sortir du lot mais, au final, je suis étonnamment mitigé vis-à-vis de ce jeu. Son ambiance et son thème lui octroient une place à part du reste de la production mais les défauts précédemment cités m’empêchent d’y revenir et de vous le recommander véritablement.

Sans être mauvais, le jeu n’apporte rien de suffisamment notable et son scénario particulièrement elliptique risque de n’enthousiasmer que le public restreint des seuls amateurs de FMV.

Genre : Full Motion Video

Développeur : Aviary Studios

Editeur : Aviary Studios

Plateforme : Steam

Prix : 14,99€

Testé sur une version presse fournie par l’éditeur

 

Baalim

Vieux joueur, atariste convaincu, collectionneur de trucs bizarres et hétéroclites, geek à ses heures perdues, pratiquement certain de n’avoir rien signé et de ne pas être payé, il se demande encore ce qu’il fait là.