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Let’s Build a Zoo

Espèce en voie d’apparition

17 ans. 17 ans que j’attends Zoo Tycoon 3. Vous allez me dire, naïvement : “Et Planet Zoo ?” Bien essayé, mais c’est bien trop réaliste, et donc triste. Un peu comme si Prison Architect était en 3D photoréaliste, dans une reproduction fidèle du centre pénitentiaire de Fresnes. Quant au Zoo Tycoon de 2013, soyons sérieux deux minutes. Let’s Build a Zoo nous fera-t-il retrouver tout le fun de l’exploitation animale à des fins touristiques ? Son style, gros pixels même-pas-isométrique, promet en tout cas le fun et la liberté. Et le plus important, c’est peut-être la liberté. Enfin, n’allez pas dire ça trop fort devant mes 150 lapins qui piétinent 100m2 de gazon.

30 millions Damidot. La liberté, donc, de créer un très grand pré pour deux capybaras. De placer manuellement 30 potées le long d’une allée, en alternance : tulipe-jonquilles-tulipes-jonquilles. Libre d’hésiter entre six couleurs de sol, de tracer des chemins biscornus pour perdre ses visiteurs. Au début tout est réduit : le terrain, le choix des bâtiments, des bestioles. Mais très vite, les nouveautés se multiplient à la vitesse d’une colonie de lemming au printemps. L’argent rentre, les points de recherche pleuvent et débloquent des variantes cosmétiques à foison, des joujous pour animaux par milliers. Au bout de deux heures, me vient aux lèvres la formule d’un Ruvon relevant le nez du pochon, l’air approbateur : “C’est de la bonne”. 

Ce plaisir de décoration n’est quasiment pas contraint par les exigences de gestion du terrain. Sur ce point le jeu fonctionne très simplement, par des filtres visuels qui affichent le rayon d’action des pompes (pour l’eau des enclos), des poubelles, des éléments de décoration (chaque section de terrain possède un score d’agrément). Tout ça est bien réglé, et il suffit pour le vérifier de voir s’accumuler les ordures sur les 3m2 de pavé où l’on aura omis d’assigner un concierge. 

À l’école primaire, on nous emmena un jour visiter le Zoo de Branféré. Lors d’une halte devant l’enclos d’une espèce de singes indéfinie évoluant en semi liberté, je fus victime du premier et dernier racket de ma vie. Un jeune macaque s’empara de ma veste en jeans (c’était les années 90) négligemment posée sur un rondin. Perché en haut d’un arbre, il prit un plaisir particulièrement vicieux à en sucer les boutons pression. Sous les coups de perche d’un brave gardien, l'obscène animal finit par lâcher prise. Juste à temps pour rentrer dans l’autocar du retour. J’y pris place vêtu de mon seul t-shirt. Mais enveloppé d’une haine farouche à l’encontre de ce soi-disant cousin génétique. 

Tycoon zen en apparence, Let’s Build a Zoo possède néanmoins le rythme cardiaque d’un écureuil. Son découpage en journées y est pour beaucoup. En vitesse normale, un jour d’exploitation dure quelques minutes, pendant lesquelles s’enchaînent les notifications : proposition de bus supplémentaires, visite d’une star à impressionner, une nouvelle espèce à sauver… Les esthètes mettront donc obligatoirement sur pause pour mener leur chantier créatif en toute quiétude. Le bilan financier de fin de semaine arrive très vite, et sonne l’endettement de celui ou celle qui n’aura pas prévu le coussin financier pour amortir la sortie des salaires. Chaque jour amène aussi son lot de décisions, plus ou moins importantes.

SPA ou Buffalo Grill. C’est une des originalité du jeu : certains choix nous créditent de points de morale, ou de méchanceté. Exemple : faire un don à une association de protection est considéré comme bon. En revanche, travestir un chien abandonné pour en faire un lion, ou utiliser les chimpanzés pour garnir ses burgers, un peu moins. Ces crédits spéciaux donnent accès à des éléments exclusifs. Soyez gentils, et alors à vous l’agriculture céréalière. Soyez sans pitié, et vous pourrez construire un joli abattoir et poursuivre tranquillement votre route vers le carré spécial de l’enfer qui attend les PDG de Bigard ou Le Gaulois.

Encore en chantier : la gestion
Évidemment, les animaux ne sont qu’un appât pour vendre de la malbouffe et des souvenirs en plastoc à nos clients. “Tiens, regarde comme elles sont heureuses, mes hyènes !” Allez, maintenant va-donc manger un bretzel ou un smoothie à 5$ en roucoulant. Cet aspect micromanagement du jeu est le plus concerné par son statut d’accès anticipé.

La gestion individuelle des commerces permet de régler le curseur de chaque échoppe, de la meilleure qualité (peu rémunératrice), au discount (marge élevée, mais produit peu satisfaisant). Si les possibilités sont là, le jeu est à ce stade un peu avare en feedback de nos clients sur ce point précis. Un petit vomi de temps en temps permettrait par exemple de susciter une réflexion sur la composition actuelle des hot-dogs. En attendant, on ne peut que surveiller l’évolution des ventes.

Idem pour l’aspect “ressources humaines” de chaque échoppe. Les employés disposent tous de caractéristiques évolutives (motivation, conscience professionnelle, politesse…) dont on ne mesure guère l’impact sur le terrain. Fun Fact : les créateurs du jeu (qui n’aime probablement pas les employeurs qui prennent des risques pour offrir du travail aux gens) ont implémenté le concept d’indemnités de licenciement. Réfléchir avant d’employer une vendeuse de barbapapa acariâtre prend donc tout son sens.

Darwin revient, ils sont devenus fous. La possibilité de croiser les animaux, très mise en avant par les devs, ajoute un aspect collecte de Pokémon. Si l’on rigole à la vue du premier Canard-capybara, cette petite touche de folie n’impose rien au joueur. “Mais alors dis-moi Jamy, comment ça marche, l’eugénisme ?” Et bien c’est tout simple. Il suffit de compléter la recherche du génome d’un animal, en acquérant toutes ses variantes de skins. Concrètement, vous les laissez s’accoupler entre lapins blanc, marrons, tachetés, etc, jusqu’à donner naissance à toutes les variantes possibles. L’animal est ensuite disponible au catalogue de l’hybridation dans l’espèce de centrifugeuse génétique onéreuse disponible à l’achat. C’est beau, la nature !

Une chose est sûre : Let’s Build a Zoo n’est pas terminé. Le découvrir maintenant, c’est se gâcher un peu le plaisir, la faute à l’interface erratique notamment. Voilà pour l’avis sage et mesuré. L’acheteur impulsif en moi n’a cependant aucun regret : je me suis amusé comme un fou pendant 15h, et déjà certain de le relancer après ce test. Pour les centristes : le titre de Springloaded mérite au moins votre wishlist.

let's build a zooLet’s Build a Zoo

Genre : Gestion de zoo foufou

Développeur : Springloaded (Singapour)

Éditeur : No More Robots

17€

Bofang

J'écris pour justifier le temps perdu à jouer pendant que d'autres montent des start-up.