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Knights in Tight Spaces

Emporté par la voix sensuelle de Shirley Bassey, je repense à cette folle carrière au sein de la section 11. À ce gang de motards grâce à qui j’ai pu faire mes armes, à cette prison libérée malgré l’hostilité des gardiens, à cette secte asiatique loufoque neutralisée avec une surprenante fermeté… Tout cela seul et à mains nues. C’était le bon temps… Et maintenant tout cela se situe derrière moi.

Mais alors que je range mon costume dans l’armoire, le téléphone sonne. Un appel à l’aide, lointain. Des bruits de masse, des épées qui s’entrechoquent… il me faut peu de temps pour comprendre. Le repos touche à sa fin, me dis-je, en enfilant ma cotte de maille.

Telle une suite spirituelle, Knights in Tight Spaces revisite la formule de Fight in Tight Spaces (FITS) et la transpose cette fois dans un univers médiéval fantastique. Un bref aparté pour les chanceux qui ne connaissent pas cette série, il s’agit d’un roguelike deckbuilder dynamique dans lequel on affronte une ribambelle d’ennemis dans des espaces en 3D restreints. On se déplace sur l’échiquier, offrant de généreuses mandales aux adversaires sur notre passage et manipulant ces derniers pour qu’ils s’attaquent entre eux. Un mélange entre Slay the spire et Into The Breach version film d’action. Et c’est très, très bon.

Si l’on retrouve dans cette suite les lieux exigus et la mécanique de deckbuilding propres au premier volet, le jeu réussit à créer sa propre identité. Exit l’ambiance monochrome et épurée des agents secrets champions de kung fu, Ground Shatter nous catapulte dans un passé haut en couleurs et détaillé, au style « fait-main » particulièrement convainquant. Les gangs laissent place aux chevaliers, voleurs et entités surnaturelles, formant un bestiaire varié que nous affronterons dans les environnements typiques de ce type d’univers. Ce changement artistique et temporel ne représente cependant que la pointe de l’iceberg, car si l’on décèle au premier coup d’œil la ressemblance avec son aîné, Knights in Tight Spaces réussit à s’en démarquer avec brio.

À contrario du premier épisode qui allait à l’essentiel en proposant un enchaînement de combats sans fioritures, Knights in Tight Spaces étoffe son enrobage. Le jeu devient narratif, avec des dialogues interactifs réguliers entre deux niveaux qui influeront sur vos gains et débloqueront des combats annexes aux récompenses intéressantes. L’itinéraire habituel du roguelike prend la forme d’une carte sur laquelle on progresse, les actes deviennent des quêtes et l’ensemble du système de jeu subit une refonte pour ressembler à un rpg (léger).

Si l’agent 11 maîtrisait l’art du poing à la perfection, il a fallu attendre le DLC Weapons of choice pour le voir une arme en main. Knights in Tight Spaces revoit la copie avec l’intégration de 8 classes, chacune dotée d’un style précis et capable d’équiper diverses pièces d’équipements dont des armes. Avec son minimalisme assumé le pugiliste rend hommage à l’agent 11, quand les guerriers, roublards, sorciers et autres (surprise…) laissent une plus grande liberté de personnalisation.

Afin de gérer ce nouvel aspect du jeu, vous possédez dorénavant un inventaire pour stocker vos armes, protections et consommables, que vous obtiendrez sous forme de récompense ou via un passage à la forge. N’hésitez donc pas à scruter quelle menace vous rencontrerez lors du combat suivant afin d’équiper le matériel adéquat.

Fait appréciable, les classes s’abordent de façon réellement différente du fait de cartes propres à chacune. Un ressenti radical dès la première mission, tant dans l’approche offensive que dans la gestion du mouvement, exacerbé selon l’arme équipée. En effet, les cartes offensives se cantonnent dorénavant à un type d’arme. Une attaque à l’arc devient injouable si vous équipez une épée et inversement. Le deckbuilding gagne ici en complexité puisqu’il faudra construire votre jeu selon les armes que vous équiperez, sans pour autant devenir punitif en raison de la nouveauté majeure qui suit.

Vous pouvez dorénavant constituer un groupe jusqu’à 3 personnages. De classes identiques ou différentes, et tous présents dans l’arène pour chaque session castagne. Si chacun possède son propre inventaire et ajoute une poignée de cartes à votre jeu, le deck et l’énergie restent communs. Et vous choisissez qui fait quoi. Utilisez la carte Course pour retirer votre guerrier d’un danger, lancez une frappe lourde avec le pugiliste, puis poussez un ennemi par-dessus le muret avec votre roublard.

Mais la cerise sur le gâteau reste la synergie possible entre vos troupes. Lorsque vous attaquez un ennemi, vos autres unités adjacentes (ou ayant ligne de mire) à la cible l’attaqueront ensuite gratuitement. À vous de bien positionner vos forces ou de déplacer avec ingéniosité vos ennemis pour occasionner de jolis combos. Je suis sous le charme de cette nouvelle formule. Elle ouvre le jeu tout en conservant le concept original. En cas de mort d’un coéquipier, la partie continue avec la possibilité – occasionnelle – de le ressusciter ou de recruter une nouvelle personne à la taverne. Seule la mort de la totalité de vos effectifs comptera comme un échec définitif.

Et que les loups solitaires se rassurent, rien n’oblige à recruter des unités supplémentaires. Mon amour pour Knights in Tight Spaces enfin dévoilé, je dois tout de même vous annoncer que tout n’est pas rose dans notre relation…

Rien de grave, rassurez-vous. Mais je me dois de vous en parler. Je reproche dans un premier temps au jeu une certaine redondance, en partie due à l’élaboration des décors et au fil conducteur de l’histoire. À quelques détails près, les mêmes arènes et les mêmes combats reviennent au même moment dans chaque partie, au risque de lasser prématurément le joueur. C’était moins le cas sur FITS, avec une génération plus aléatoire des combats et le côté discret et monochrome des environnements.

Ensuite, l’histoire s’avère plus longue. Comptez entre 4 et 8h par run selon votre expérience et votre aisance, soit le double de FITS. Je reprocherai enfin au titre une répartition inégale de la difficulté, avec un véritable parcours de santé sur les trois quarts du voyage suivi d’une augmentation abrupte de la difficulté capable de vous éjecter de façon soudaine vers le game over. Tous ces éléments réunis freinent – légèrement – l’envie de relancer une partie alors que c’est le but même du roguelike. Mais on teste une nouvelle classe, puis une autre, on s’essaye aux défis quotidiens, au mode infini… On se laisse prendre au jeu.

Je trouve également les sensations de combat moins claquantes, moins grisantes que sur FITS. Il y avait pourtant matière à produire quelque chose de grand avec l’intégration des armes. Mais non, le jeu m’apparaît plus édulcoré. Et pour finir, je me tapais d’incessants crashs avec retour immédiat sur le bureau. J’avais beau reprendre le combat 20 secondes plus tard sans perte de données, le désagrément demeure difficile à ignorer. Un premier patch corrige en partie le problème, espérons que les développeurs parviennent à l’éradiquer.

C’est malgré tout avec enthousiasme que j’accueille ce nouvel opus de la licence de Ground Shatter. Avec sa direction artistique unique et l’ouverture tactique apportée par les classes, l’inventaire et le jeu de groupe, Knights in Tight Spaces renouvelle de façon brillante la formule de son prédécesseur sans pour autant le supplanter.

Je saurai lancer l’un comme l’autre pour les qualités propres à chacun, pour profiter de leur ambiance différente ou de leurs mécaniques spécifiques, bien que cette suite se révèle plus élaborée. Une excellente pioche pour les amateurs du genre.

Genre : Roguelike / Deckbuilder

Développeur : Ground Shatter

Éditeur : Raw Fury

Date de sortie : 04 Mars 2025

Testé sur une version presse fournie par l’éditeur

Krev

Passionné par le jeu de stratégie sous toutes ses formes. Aime y jouer... et joue à écrire dessus !

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