Atelier Yumia: The Alchemist of Memories & the Envisioned Land
Fut un temps, il existait au Japon une petite série de RPG qu’on qualifierait de particulièrement kawaii et gentiment fauchée qui suivait tranquillement son chemin, à l’écart des grosses franchises comme Dragon Quest chez Enix, Final Fantasy chez Squaresoft ou encore Tales of chez Namco. Cette série, c’était celle des Atelier réalisée par l’équipe plus modeste de Gust. Elle fête aujourd’hui plus de 25 ans d’existence.
Depuis Atelier Marie: The Alchemist of Salburg (1997), elle a su imposer sa recette singulière : un mélange de RPG léger, de crafting poussé via l’alchimie, et de narration douce centrée sur la croissance de ses héroïnes. Atelier Yuma: The Alchemist of Scales s’inscrit dans la lignée directe de la trilogie Secret (Atelier Ryza), tout en amorçant une nouvelle direction artistique et scénaristique, exclusive à la PlayStation 5.

Pour faire court, Gust a créé plusieurs trilogie au cours des deux dernières décennies : la trilogie Arland (2008-2011) dans laquelle les bases modernes sont posées, avec une progression structurée autour de missions d’alchimie et d’un timer omniprésent. La trilogie Dusk (2012-2014), marquée par une ambiance plus mélancolique et des systèmes d’alchimie complexes. La trilogie Mysterious (2015-2017) qui opère un retour à une atmosphère plus lumineuse, avec des protagonistes plus jeunes.
Et, enfin, la trilogie Secret (2019-2023) qui, avec Atelier Ryza, prend un virage plus dynamique avec des combats modernisés, un monde semi-ouvert, et des graphismes plus travaillés et qui, surtout, découvre les joies du fan Service, des designs aguicheurs et des angles de vue suspects. Et le miracle survint puisque la transition a fonctionné puisque la série a trouvé un second souffle et un public nouveau.

Le succès public lui permettra d’ailleurs de donner naissance à deux suites sorties respectivement en 2021 et en 2023. Aujourd’hui, c’est le tout dernier de la série, Atelier Yumia : The Alchemist of Memories & the Envisioned Land (Atelier Yumia pour la suite du test) qui débarque sur nos consoles et nos PC. Soyons clair, ce n’est pas ici que vous admirerez la meilleure utilisation du rutilant moteur Unreal Engine 5 d’Epic.
D’ailleurs, si vous le pouvez, préférez largement les versions consoles puisque l’optimisation PC reste, n’ayons pas peur des mots, assez calamiteuse plus d’un mois après la sortie du jeu. Mais nous y reviendrons plus tard.

Dans Atelier Yumia, vous allez donc suivre l’histoire de Yumia (qui l’eut cru), une jeune alchimiste à laquelle l’armée locale a donné une chance de faire ses preuves, alors même que l’alchimie, jugée responsable d’une catastrophe majeure intervenue quelques décennies plutôt et considérée comme anathème, est largement honnie par la population.
Vu qu’on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même, voici le synopsis repris directement du site officiel : « L’empire aladissien. Jadis, il prospérait sur un certain continent et avait atteint un développement remarquable grâce à l’alchimie qui tenait les autres nations à l’écart. Cependant, un cataclysme soudain et mystérieux mit fin à l’empire.Les années ont passé, et quelques siècles plus tard… L’alchimie est devenue un art dangereux qui engendre la destruction et qui est considérée comme maléfique et taboue dans cette nouvelle ère. C’est sur ces terres désormais interdites et périlleuses, qu’une alchimiste solitaire pose le pied. Elle s’appelle Yumia Liessfeldt ». Autant vous dire que la brave petite Yumia part avec la côte de popularité d’un Président français en fin de mandat.

C’est dans ces conditions qu’on va lui adjoindre deux sbires, un frère et une sœur, qui vont être chargés de suivre ses progrès mais également de prévenir tout débordement de sa part. Mais avant d’aller plus allant dans la description de l’intrigue et du gameplay, il est plus que temps de s’intéresser à l’éléphant dans la pièce dont il est impossible d’ignorer l’existence. Alors voilà, jouer à Atelier Yumia sur un PC est un exercice de patience et de relativisme.
Sur une configuration qu’on qualifiera de moyenne (SSD M.2, Carte graphique Radeon RX7800 XT, 32 go de mémoire DDR5 et processeur Ryzen 7600) c’est la foire au stuttering et ce, quel que soit le niveau de détails et/ou la résolution adoptée. Alors que le jeu pousse parfois jusqu’à 170 images par seconde et tourne régulièrement autour des 100 fps en 1440p, il souffre de saccades régulières et ce, tout particulièrement sur les passages en open world. Les combats ne sont pas épargnés avec des chutes de framerate assez importantes que la pyrotechnie ne saurait justifier.

Après un bref passage sur les forums Steam, la série Atelier semble assez réputée pour son manque d’optimisation sur PC, à tel qu’un développeur indépendant avait créé un patch permettant de limiter ces saccades bien connues des habitués de la série. Le hic, c’est que le passage sur Unreal Engine 5 rend le patch inopérant sur ce dernier opus. On espère donc qu’il sera rapidement adapté à ce nouveau moteur 3D ou qu’un autre palliatif apparaîtra pour limiter la gêne ressentie.
Compte tenu de ce que le jeu affiche à l’écran, avec des décors assez modestement mis en images, un character design en cell shading plutôt réussi mais basique et un monde qui ne brille pas par sa beauté, (surtout quand on joue au magnifique Clair Obscur : Expedition 33 en parallèle), on a un peu du mal à comprendre les raisons de ce fiasco technique. Cela dit, je vois que KOEI TECMO a gentiment omis de mentionner Gust sur la page steam du jeu. De là à penser que le naufrage technique n’est pas imputable au développeur japonais mais à une équipe de seconds couteaux, il n’y qu’un pas…

Alors certes, le jeu a mis le paquet sur les effets de lumière, avec notamment des effets atmosphériques et des combats qui se transforment généralement en feux d’artifice mais l’adjonction de ces apparats visuels ne justifie pas les difficultés techniques rencontrées. Soyons clair, je ne vais pas être très sympathique sur ce point vu que j’ai joué – et terminé – en parallèle le sublime Clair Obscur : Expedition 33 (oui, je me répète et ce n’est, malheureusement pour Gust et KOEI TECMO, pas terminé). Au regard de la qualité visuelle des deux jeux (qui tournent sur le même moteur 3D), la différence de performance entre les deux jeux est abyssale.
Je veux bien croire que les développeurs japonais ne soient pas particulièrement à l’aise sur PC (la série des Resident Evil démontre le contraire), mais le manque d’optimisation de cet Atelier Yumia est proprement lamentable et impacte directement le plaisir d’y jouer. À vrai dire, j’aurais terminé ce test avant d’avoir débuté Clair Obscur (je vous avais prévenus), les choses auraient peut-être été plus positives. Là, la comparaison entre une formule JRPG fatiguée à l’extrême et la proposition rafraîchissante de la petite équipe française de Sandfall met en exergue tous les poncifs et problèmes que rencontre le RPG japonais depuis maintenant une bonne vingtaine d’années.

Oublions donc les Lolita opulentes et les angles de vue problématiques, oublions la technologie défaillante et l’optimisation inexistante sur PC pour nous concentrer sur l’essentiel. Et l’essentiel, dans un RPG, c’est l’univers, la trame scénaristique, les personnages et leurs parcours et interactions les uns avec les autres. L’air de rien, les développeurs japonais qui nous ont régalés dans les décennies 1980 à 2000 semblent aujourd’hui en panne sèche d’inspiration.
Il est bien loin le temps où un Final Fantasy 6 (ou 3 si vous aviez importé une version américaine) réussissait à créer une véritable émotion avec ses personnages « super deformed » et graphismes mignons en 2D. Il est également loin le temps où les développeurs japonais nous en mettaient plein la vue avec des productions grandioses qui s’inspiraient de plus en plus du cinéma et de l’animation à l’image de ce Final Fantasy VII, opus magnum qui a traumatisé toute une génération de joueurs. Bien évidemment, il reste encore aujourd’hui quelques exceptions notables comme les deux épisodes d’Octopath Travelers ou Live a Live, même si ce dernier n’est qu’un remake du jeu de 1994.

Mais il ne faut pas se cacher l’évidence en dehors de ces quelques bonnes surprises, le marasme est général du côté du J-RPG. Et malheureusement, malgré des aspects sympathiques et une volonté de s’ouvrir à un plus large public, ce nouvel épisode de la série Atelier ne changera pas fondamentalement la donne. On voit pourtant que les développeurs ont cherché 1. à améliorer leur recette (les mauvaises langues parleront de simplification) et 2. à élargir leur public.
Du côté de l’amélioration ou de la simplification de la recette, selon que vous soyez un habitué ou non, Atelier Yumia décide de rendre plus aisées les recettes alchimiques, ce qui facilite l’entrée dans cette série pour les nouveaux venus comme votre humble serviteur. Du côté de l’élargissement à un nouveau public, on note la création de bases et leur ameublement. De là à penser que Fortnite, Fallout 4 et les Sims ont laissé des traces, il n’y a qu’un pas. N’y trouvant qu’un intérêt relatif, je ne vais pas m’appesantir sur cet aspect.

En revanche et s’il y a bien un aspect particulièrement intimidant dans ce jeu, c’est le loot (collecte de butin obtenu de manière plus ou moins légitime et avec plus ou moins de violence). En fait, on est clairement en train de jouer à Loot Simulator 2025. C’est simple : ça dégueule de partout à l’écran et il y a tellement d’indications qui vous submergent que les développeurs d’Ubisoft regretteraient presque d’avoir été aussi mesurés. Entre ce qui se cueille, se ramasse, se creuse ou se récupère en tirant dessus, vous n’aurez pas une seule seconde de tranquillité, si vous souffrez d’un trait de caractère en tant soit peu obsessionnel.
En ce qui concerne l’intrigue nous nageons, là encore, en plein classicisme avec une histoire qui amènera notre jeune alchimiste à faire preuve de ses talents malgré les très fortes suspicions qui pèsent sur elle en raison de son appartenance à la caste honnie (et pratiquement disparue) à des alchimistes. Et bien évidemment, le jeu, après un prologue intrigant, nous fera suivre une série de quêtes basiques servant, en réalité de tutoriel déguisé, et nous poussant à explorer les environnements immédiats du camp du corps expéditionnaire.

Bien évidemment, ce sera également l’occasion de se familiariser avec les commandes des phases de combat qui s’avèrent très bourrines, en temps réel, et proches d’un Star Ocean. En gros, vous dirigez une équipe de trois personnes qui disposent chacun de plusieurs coups qui ne peuvent être réutilisés qu’à l’issue d’une période de cooldown.
Tout aussi classiquement, chaque personnage dispose d’une esquive et de la possibilité de contourner ses ennemis mais, petite subtilité, il est également possible de passer à l’avant ou à l’arrière-plan et d’utiliser ainsi autres pouvoirs, à plus longue portée cette fois, tout en se protégeant des attaques de l’adversaire. Bien évidemment, vos ennemis sont tout à fait capables de changer de plan, ce qui inverse ainsi les zones de premier et arrière-plan durant le combat et vous oblige à adapter le placement de vos troupes.

Vous ne dirigez qu’un simple personnage mais vous avez la possibilité d’alterner entre les différents membres du groupe à tout moment lors des affrontements. Une fois de plus, la comparaison avec le récent Clair Obscur (ça y est, vous en avez marre ?) ne lui rend pas service tant ce dernier semble plus intéressant sur les phases de combat, où chaque personnage dispose de pouvoirs et d’actions réellement très différents les uns des autres (non, je ne cèderai pas à votre grammaire déviante).
Et je ne parle même pas de l’intrigue qui s’avère bien plus intéressante et dynamique dans la production française, tandis que les premières heures d’Atelier Yumia semblent interminables.
Bref, si vous devez jouer aux deux jeux, je vous recommande franchement de commencer par Atelier Yumia. Autrement, le choc risque d’être un peu rude. La suite sera heureusement meilleure avec une histoire certes classique mais suffisante pour donner envie de progresser dans le jeu et des protagonistes suffisamment hauts en couleur pour qu’on s’y attache.
En définitive, je ne conseillerai Atelier Yumia qu’aux seuls amateurs de J-RPG. Les autres feraient mieux d’attendre un sérieux rabais avant de s’y plonger.
Genre : J-RPG
Développeur : Gust Co. Ltd.
Editeur : KOEI TECMO GAMES CO., LTD.
Date de sortie : 21 mars 2025
Testé sur une version presse fournie par l’éditeur