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Agony

En décembre 2016, le jeune Harvester regardait une page Kickstarter en se demandant s’il allait backer un jeu d’horreur, promettant monts et merveilles avec un protagoniste devant s’échapper de l’Enfer, armé seulement d’une torche et d’un stock de caleçons propres. Pris d’un éclair de lucidité, il ne s’engagea pas, arguant que le jeu passerait bien en promo, s’il voyait le jour… Grand bien lui en a pris car deux années après, c’est un Harvester un peu moins jeune (ouais ouais, c’est bon, un vieux…) qui désinstalle avec un immense plaisir un jeu qui l’a frustré pendant une dizaine d’heures. Non franchement, je crois que c’est la première fois que je suis aussi content de me débarrasser d’un jeu depuis… au moins deux ans. Et pourtant je joue à Call of Duty chaque année, c’est pour dire… 

Sur papier, Agony a les arguments pour appâter le fan d’horreur : un perso faible, jeté au milieu de démons qui rêvent de le dépecer, des décors glauques à souhait, bref, de quoi enterrer la série des Outlast. Et comble du bonheur, il est sorti avec seulement 2 mois de retard, un exploit pour un projet Kickstarter.

Découpé en quatre chapitres, Agony va donc vous faire traverser l’Enfer à la recherche de la Déesse Rouge, parce que… je ne sais pas trop en fait, je suis allé nourrir le chat qui miaulait pendant l’intro. Mais bon, vous voyez le principe. Aller de A à B en serrant les fesses, en vous glissant dans l’ombre pour éviter tous les ennemis vous cherchant des noises. Et il y en aura un petit paquet croyez-moi, même s’ils n’appartiennent finalement qu’à quelques catégories distinctes. C’est un peu dommage d’ailleurs, il y avait moyen de faire un bestiaire varié et un peu dément. Mais bon… Dans le slip troué d’un Damné, vous allez donc devoir résoudre des puzzles pour ouvrir des portails vous bloquant, en retrouvant soit des crânes et autres membres humains à poser sur une balance, soit en traçant des Sigils, des glyphes qu’il vous faudra mémoriser et qui sont gravés dans le décors. Ça semble compliqué mais rassurez-vous, les éléments à obtenir sont bien souvent près du portail. Au temps pour la partie réflexion… Heureusement qu’il y a l’ambiance et l’exploration me direz-vous !

Et c’est là que, de la plus délicate des manières, j’essaie de vous faire comprendre que comment dire, voyez-vous ça n’est pas que c’est un peu raté, c’est plutôt que… carrément foiré. Le premier monde, par exemple, est une torture avec des décors rougeâtres, une direction artistique peu inspirée et un level design d’une platitude impressionnante. Ajoutez à cela un gamma qu’il faut régulièrement changer à la volée pour franchir certains passages trop obscurs (les développeurs ont d’ailleurs prévu les touches pour diminuer et augmenter le contraste, pour vous dire que même eux se sont aperçu du souci), des dialogues qu’un ado trouverait puérils et convenus et vous aurez une idée de ce qui vous tombe dessus quand vous débutez le jeu. Le joueur persévérant, qui veut croire que ça ne peut que s’améliorer par la suite, découvrira bien vite grâce à des phases de plateformes dispensables qu’il y a un obstacle de plus vers son plaisir : les contrôles. Ils sont lourds, mal gérés, avec des bugs de collision dignes du début des années 2000. Vous courrez pour échapper à un démon ? Pas de souci, on va vous arrêter avec 3 pixels qui dépassent pour vous apprendre la maîtrise de soi et voir si votre clavier survit longtemps…

Crise de nerfs dans 5, 4…

Les trois autres chapitres sont un peu plus agréables (ou devrais-je dire moins pénibles) à jouer avec quelques passages presque sympathiques. Mais le souci est que le joueur a bien du mal à s’investir dans l’aventure tant les développeurs de Madmind Studio se sont ratés à tous les niveaux. Agony n’est pas un jeu d’horreur car il n’y a aucune tension, ce n’est pas non plus un jeu d’infiltration à cause d’une IA aléatoire qui fera qu’un démon vous repèrera à 15m ou vous ignorera même si vous êtes collé à lui et surtout, Agony n’est absolument pas un jeu d’action… Au fil du jeu vous allez certes pouvoir brièvement contrôler des démons de plus en plus puissants, mais la lourdeur des personnages rend les « combats » inintéressants. Une des rares idées à m’avoir plu est que lorsque vous mourrez, votre âme s’échappe de votre corps et vous pouvez alors trouver un nouvel hôte, généralement un martyr. Ceux-ci ont d’ailleurs une capuche sur la tête qu’il vous faudra penser à enlever, sans quoi vous ne pourrez les posséder. Cela oblige le joueur à observer un minimum son environnement. C’est léger mais pour une fois que je trouve un point positif à ce jeu…

Agony est donc une immense déception. Le premier jeu des Polonais de Madmind Studio tente de manger à pas mal de râteliers et échoue à remplir le cahier des charges dans chaque catégorie. La direction artistique est l’exemple parfait de ce qu’il ne faut surtout pas faire avec une utilisation abusive de symboles sexuels (pénis à l’air et compagnie) et autres crucifixions pseudo-gores. Je sais que cela se passe en Enfer mais sérieusement, croiser tous les 2m un gars éviscéré n’a jamais provoqué un quelconque sentiment d’horreur.

Oh des couleurs !

Surtout quand le jeu se paie le luxe d’être optimisé à la truelle et laid comme un pou. Et dire que les développeurs avaient promis une ambiance exceptionnelle… C’est peut-être ça le problème avec Agony. L’engouement autour de ce titre sorti de nulle part a été tel que tout le monde l’a attendu comme le messie. Alors qu’au final ce n’est que le premier jeu d’un jeune studio, même si formé de vétérans. Et ça pourrait d’ailleurs bien être leur dernier tant l’échec de leur première réalisation a été retentissant.

C’est peut-être une leçon à prendre en compte pour les jeunes studios : ne pas promettre monts et merveilles à la communauté, qui demandera de toute manière toujours plus de fonctionnalités, et s’atteler à développer un titre à la portée de leurs compétences, et non de leurs ambitions. Et tester leur jeu avant de le commercialiser. C’est pas mal ça aussi…

Spoiler alert, c’est Satan le boss final. Vous êtes surpris hein ?

 

 

Genre : Action, aventure

Développeur : Madmind Studio

Éditeur : Madmind Studio

Date de parution : 29 mai 2018

 

Version presse fournie par l’éditeur.

Harvester

Collectionneur compulsif et un peu trop passionné, accumule jeux et livres en essayant d'entraîner un maximum de gens dans ses vices...