Gary Grigsby’s War in the East 2
La série de Gary Grisby ( War in the West, War in the East et War in the Pacific: Admiral Edition sont les trois derniers en date) fait partie de ces wargames mastodontes un peu indétrônables. Si ces jeux peuvent paraître austères au premier abord, ils brillent par la profondeur de leur gameplay et le fourmillement de détails à disposition des joueurs. Il faut comprendre que s’il y a une abstraction obligatoire due au fait que, ben c’est un jeu, il n’en reste pas moins qu’on atteint ici une précision historique épatante. Chaque division, son armement, sa chaîne de commandement est modélisée dans War in the East 2, il en découle donc des parties de grandes envergures et assez chronophages.
Cela veut dire, qu’à l’heure où j’écris ces lignes, je n’ai pas encore complètement assimilés tous les mécanismes de War in the East 2 (de nombreux ont été modifiés par rapport au premier opus), que je me sens encore comme un bleu plongé en pleine bataille de Stalingrad et que je suis loin d’avoir pu terminer une partie (surtout que j’ai voulu jouer les deux côtés afin d’avoir une appréciation des opportunités tactiques).
Ceux qui connaissent la série ou qui ont aimé le premier War In the East seront déjà convaincus et je pourrais presque m’arrêter là (le chef me fait signe que non). Alors voyons voir le tout avec un peu plus de détails. Le jeu propose une dizaine de scénarios avec pour le plus imposant la campagne de 1941 qui démarre au lancement de l’opération Barbarossa en juin 1941. Comme je n’aime pas être limité et que faire les choses graduellement ce n’est pas mon truc, c’est bien évidemment celui que j’ai lancé en premier.
Le Front de l’Est a cette particularité d’être immense et assez rectiligne, pas question ici de contourner l’ennemi ou te tenter un débarquement où bon vous semble pour ouvrir un second front, le tout a un côté très asymétrique et dirigiste : un joueur Allemand se devra d’être sur l’offensive pendant les deux premières années de la guerre avant de passer à la défensive et inversément pour le joueur Russe. Autre particularité, le joueur allemand aura presque l’obligation de faire un premier tour très efficace pour espérer pouvoir l’emporter. Le but est bien ici de simuler le conflit comme il s’est déroulé (tout en laissant une certaine liberté au joueur) et non pas de permettre à celui-ci de complètement changer les forces en présence (pas de réelle gestion de production ou de diplomatie).
Cela a l’avantage de simplifier le conflit et de le rendre accessible mais a comme inconvénient de forcer le joueur à jouer d’une et d’une seule manière pendant des heures et de tout faire pour optimiser l’utilisation de ses forces. Cela peut sembler logique à tout fin stratège mais on est ici face à un titre qui pardonne peu et qui laisse très peu de répit aux joueurs qui aiment prendre leur temps. Une erreur stratégique ou même une hésitation trop longue et vous pouvez dire adieu à vos chances de victoire. A ce niveau, j’aurais aimé un peu plus de flexibilité et pourquoi pas des événements avec choix qui auraient permis un peu plus d’influence sur les événements.
Cela fait un bout de temps que la série a fait un tournant du système de jeu de WEGO vers IGOUGO (depuis War in the East en fait), WITE2 continue donc sur cette lancée, ce qui veut dire qu’au lieu d’avoir les deux adversaires donner leurs ordres et de voir le résultat simultanément (ce qui amène un côté épique et de nombreuses surprises) on a un système plus abordable et classique qui permet à chacun de jouer à son tour. Vous faites votre tour et puis l’IA. La largeur du front et le nombre d’unités en jeu font qu’on ne gagne pas vraiment de temps avec ce système mais il permet cependant de pouvoir profiter de certaines éléments tactiques (comme le fait de faire une percée et de l’exploiter directement). Ce n’est pas le système de jeu qui a ma préférence mais c’est le plus répandu.
Au niveau des nouveautés, on notera surtout une refonte complète du système de gestion aérienne, qui a maintenant sa propre phase de jeu. Vous pouvez laisser le contrôle à l’IA ou donner vous-même des ordres à chaque QG de forces aériennes afin d’apporter du soutien, de lancer un bombardement stratégique ou de vous assurer la supériorité aérienne sur une zone. C’est un peu perturbant de commencer le tout premier tour avec cela et ne de pas voir tout de suite qu’on ne peut pas donner d’ordres aux unités terrestres et un code couleur de l’interface aurait pu être un plus mais de manière générale on sent que l’interface a été repensée et qu’un effort a été fait pour rendre le jeu plus accessible. Le niveau de préparation est aussi très important, une unité qui reste sans bouger dans une zone ravitaillée va ainsi avoir plus de puissance, ce qui avantage un peu le joueur soviétique mais évite les assauts à outrance et force le joueur à ne pas s’aventurer trop loin des lignes de ravitaillement.
Mais il n’est pas nécessaire d’être un mordu de feuilles excel pour jouer au jeu. Le principe est assez simple, sélection (soit d’une seule unité soit de plusieurs en laissant la touche shift appuyée) et puis un clic droit qui va lancer soit un déplacement soit une attaque. Mais vous l’aurez compris, le jeu offre la possibilité au joueur de micromanager le tout de manière beaucoup plus fine (un manuel de 500 pages accompagne le jeu, comme quoi la complexité est bien au rendez-vous) ce qui sera évidemment plus efficace mais prendra aussi plus de temps. Le niveau de détails est très impressionnant : équipement, date de renfort ou de retrait, niveau de ravitaillement ou de préparation, gestion de proximité de QG, etc.
Que ce soit de par son prix d’entrée ou son niveau de détail élevé, War in the East 2 n’est évidemment pas pour tout le monde. C’est un jeu pour les amoureux du détail, de la période et du front l’Est. C’est une très bonne évolution comparé au premier opus, avec de nombreux éléments qui peuvent être laissés à l’IA, une carte superbement détaillée et des centaines d’heures de jeu en perspective. C’est donc une recommandation facile, techniquement le jeu est solide (à part un écran noir lorsque la mise en veille de mon pc s’activait) et si j’aurais aimé pouvoir passer les animations de déplacements pour pouvoir accélérer le temps nécessaire pour chaque tour (entre 20 minutes et 1h30 par tour quand même, chaque tour représentant une semaine de jeu). Je ne peux qu’être impressionné par la richesse du gameplay offert par les développeurs de 2By3. On est donc bien face à un incontournable du genre disponible pour l’instant sur le site Matrix/Slitherine mais qui devrait débarquer sur Steam dans les mois qui viennent.
Editeur : Slitherine Ltd
Genre : Wargame
Date de sortie : 25 Mars 2021
Prix : 71,99€
Testé sur une version presse fournie par l’éditeur