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Cerbère : Gare au gardien.

Il y a des jeux dans la vie qui attirent de suite mon regard. Cerbère en a fait partie par son thème accrocheur et ce mélange compétition/coopération. La boîte de jeu et Origames se sont associés pour éditer ce qui devait être une sorte de course entre chaperons rouges (vert, bleu, rose …) pour éviter de se faire manger par le grand méchant loup à la base selon mes sources. Le concept n’a pas fondamentalement évolué, mais le thème oui.

De la compétition dans mon coopératif

Un début classique dans Cerbère.

Pour faire simple, chaque joueur va jouer un aventurier qui tente de prendre une place dans la barque qui l’attend au bout du chemin. Sauf qu’il y a trois barques avec soit une, deux ou trois places, que le jeu peut aller jusqu’à sept joueurs et que les joueurs dévorés par Cerbère se retournent contre leurs compagnons d’infortune pour les empêcher de se barrer. Mais attention, les places sont chères parce que tous les morts ne pourront pas devenir Cerbère et surtout tout le monde ne pourra prendre la barque sauf à jouer avec le minimum de joueurs, c’est à dire trois. Configuration que je ne conseille pas parce qu’elle limite grandement l’intérêt du jeu surtout si les joueurs sont trop gentils.

Cerbère : le bon cap (copyright Sig’) ?

Cerbère commence toujours comme ça : restons groupés !

Et oui, le groupe de joueurs va faire beaucoup quant à l’appréciation du jeu. Il faut accepter de passer le cap de la coopération pure du début du jeu à la compétition qui va s’installer quand chacun va défendre son bout de gras pour espérer prendre une place dans la barque.

Défaut ou qualité ? C’est difficile de trancher tant les joueurs autour de la table vont faire le sel de la partie. avec des joueurs trop dans la coopération et prêts à se sacrifier pour faire gagner les autres, le jeu perdra de sa saveur. Si les joueurs sont résolument fourbes et souhaitent devenir Cerbère très vite, c’est la même chose. Il y a un fragile équilibre à trouver pour que la partie ne soit pas à sens unique et un peu pénible. Cet équilibre n’existerait pas sans la qualité du gameplay et son accessibilité.

Cerbère aboie et la barque passe (Copyright Flad).

V’là la bonne barque.

Maintenant que le but du jeu est expliqué, il convient de voir comment y arriver. Chaque joueur a les mêmes cartes (double face) qu’ils vont jouer du côté aventurier. L’autre face étant réservée quand Cerbère vous a dévoré. Chacun son tour, les joueurs vont jouer une carte de leur main de départ et appliquer les effets. La subtilité vient du fait que chaque carte peut se jouer de deux manières suivant le sens où vous la jouez. La plupart consistent à favoriser les autres joueurs ou à la jouer plus égoïste. Il n’y a pas vraiment une bonne façon de jouer puisque l’utilisation des cartes s’apprécie en fonction de la situation et de la connaissance que l’on a du nombre de places dans la première barque.

Mon royaume pour une bonne carte.

Comme si cela ne suffisait pas, il y a un paquet de cartes survie qui pourront être piochées selon le pouvoir des cartes action. Il est possible d’en utiliser une par tour. Et elles ont un second pouvoir qui peut être utilisé en remplacement de celui de base contre la défausse d’autres cartes survie. Autant vous dire que la coopération et la négociation bat son plein avec les autres joueurs pour qu’ils acceptent de se défausser de leurs cartes.

Dans le cas de figure où les joueurs ont été dévorés par Cerbère, ils retournent leurs cartes action et se défaussent de leurs cartes survie. Elles seront remplacées par les cartes Cerbère qui permettront de faire passer le gardien des Enfers de simple chihuahua à un pitbull.

Et ce n’est pas tout.

Les gars, j’ai cassé le pont.

L’auteur n’a pas ménagé ses efforts puisque le terrain apporte son lot de surprises avec des obstacles plus ou moins difficiles à traverser (pont qui s’écroule, ascenseur, téléporteur). Les situations sont variées et supposent de la part des aventuriers une véritable coopération ou de laisser le trop crédule pour prendre de l’avance pendant qu’il reste sur l’interrupteur.

Ajoutez à cela un dé qui ne sera pas là pour le hasard ou faire plaisir aux joueurs de Strike, mais pour servir à donner le nombre de cases que Cerbère va parcourir quand on lui lâchera la laisse et à avancer sur la piste au début du plateau de jeu. Et oui, jouer une carte a un coût et très souvent, c’est une avancée sur la piste qui rapproche Cerbère de la liberté. Quand il arrive au bout, il se déplace d’autant que le dé indique et s’arrête avant seulement si un aventurier se fait dévorer. Ensuite, il recule jusqu’au checkpoint (pas au début, ce serait trop simple) et le dé retrouve son niveau de départ, ainsi que sa place sur la piste sauf si un ou plusieurs a été dévoré alors les pions joueurs prennent une place sur la piste ( En clair, quand un aventurier meurt, il prend sa place sur la piste de Cerbère et réduit la piste de 1 donc cerbère peut arriver plus vite) . Plus le jeu avance, plus l’haleine puante de Cerbère se fait sentir, ce qui permet de maintenir la tension jusqu’à la fin du jeu.

Cerbère rien pour attendre (Copyright SA_Avenger)

Rien ne sert de courir, il faut arriver à point.

On pourrait se dire que si tout le monde coopère, Cerbère n’a aucune chance de gagner et la course se transforme en promenade de santé. C’est clairement un risque sauf que le jeu fait tout pour amener des choix et de la fourberie parce que jouer des cartes ne favorise pas tout le groupe mais seulement quelques uns (c’est moins vrai dans la configuration à trois), le nombre de places dans la barque étant limité, il y aura des morts et surtout, jouer Cerbère est la bonne idée du jeu. C’est suffisamment rare pour être souligné, mais perdre dans le jeu n’est pas une défaite en soi. Au contraire, c’est l’occasion de rappeler que vous éliminer de la course n’était pas la meilleure chose à faire ou qu’ils ont fait exactement ce que vous vouliez.

Et c’est pour moi, la très grande qualité du jeu : la fourberie est encouragée. Il est certain que vous perdrez vos amis, votre famille et votre groupe de joueurs ou plus simplement, vous leur révélerez votre vraie nature. J’ai la chance d’avoir des joueurs qui adorent ça et se prennent au jeu de la négociation, de la fourberie et des coups bas.

Cerbère : Trois qualités / Trois défauts.

Quand un plan se déroule avec accroc.
  • Le matériel est fonctionnel (pour moi, le rangement est important), de qualité, magnifiquement illustré et il y a un meeple Lassie.
  • Le jeu est accessible : règle du jeu claire, aide de jeu et iconographie explicite (pas besoin de revenir dessus après la première partie).
  • Le jeu est court, fun et modulable : 30 à 45 minutes avec une tension dès le départ, le plateau a plusieurs tuiles double face pour varier les parties et la difficulté.
  • Un jeu qui gagne ou perd de sa saveur suivant les joueurs : tous les jeux sont comme ça, me direz vous. Oui, mais Cerbère est particulièrement soumis à la volonté des joueurs de « jouer le jeu ». La partie peut vite devenir chiante ou au contraire fabuleuse suivant le bon vouloir de la tablée.
  • Un jeu calibré pour minimum quatre joueurs : et oui, tout le monde n’a pas la possibilité de jouer à quatre ou plus. La configuration à trois joueurs n’est pas optimale. A voir si une extension ne pourrait pas la rendre plus intéressante.
  • On en veut toujours plus : plus de pièges, plus de cartes et pourquoi pas la possibilité de revenir dans la partie ?
  • Bonus « inutile donc totalement indispensable » : il y a des succès à débloquer et une pierre tombale où l’on peut nommer les aventuriers tombés, avec ou sans aide, dans l’une des gueules de Cerbère.

Oui, non, peut être : A quelle tête se vouer ?

Quand un plan se déroule sans accroc.

Oui pour moi. J’adore ce jeu qui sort régulièrement pour des parties où ça grogne, ça râle, ça négocie, ça fait mourir celui d’en face parce qu’il vaut mieux lui que soi.

Cerbère fait partie de mes coups de cœur en jeu de société. Il faut avouer qu’un jeu de ce genre plaît beaucoup à mes joueurs nains.

Joueur nain 1 (dans la phase j’aime rien) : « Dis qu’il est bien. De toute façon, vous ne m’avez pas laissé devenir Cerbère ».

Joueur nain 2 : « C’est trop bien Cerbère surtout quand je suis le premier dans la barque ».

Joueur nain 3 : « Pffff, c’est toujours moi qui me fait bouffer par Cerbère. On refait une partie quand ? »

Merci Pierre Duty, P. Plès, J. Dubost, La boîte de jeu et Origames pour cet excellent jeu.

Machiavel

Toujours à l'affût de ce qui peut piquer ma curiosité, peu importe le domaine avec une légère préférence pour les jeux vidéo, le cinéma, la littérature, les séries TV, les jeux de société, la musique, la gastronomie, les boissons alcoolisées et quelques autres petites choses . Ma curiosité est telle le tonneau des danaïdes, sans fond.