The Twelfth Battle: the Caporetto Campaign 1917
L’éditeur français Hexasim a décidément une attirance certaine pour la Première Guerre Mondiale (et les titres à rallonge), car quelques mois après Assault on Gallipoli: the ANZAC Landing Campaign 1915, The Twelfth Battle: the Caporetto Campaign 1917 vient à son tour rejoindre Marne 1918: Friedensturm et Great War Commander. Un bien beau roster qui vient dorénavant s’agrémenter d’un titre purement solo, d’un auteur particulièrement à l’aise dans cet exercice.
En effet, Hermann Luttmann est l’homme à qui on doit (entre autres) Invaders from Dimension X, Les fantastiques The Plum Island Horror et Dawn of the Zeds pour ne citer que des titres solos. Autant vous dire que c’est du lourd, du très lourd même et qu’avoir ce nom sur une boîte est un gage de qualité. Une excellente surprise donc venant de l’éditeur français.

Si comme moi vous ne connaissez pas la campagne de Caporette, menée par les forces des Empires Centraux contre des forces Italiennes qui se feront rouler dessus et qui seront sauvées par un changement de commandement, une défense réorganisée plus au Sud et des renforts franco-britanniques.
Alors qu’habituellement les jeux d’Hermann Luttmann nous mettent dans les bottes des défenseurs devant repousser des assaillants arrivant par plusieurs axes, ici c’est à vous de tenter de faire mieux que les forces germano-austro-hongroises et de faire s’effondrer l’armée italienne. Vous serez opposé à des troupes gérées par un système de cartes où différents ordres seront inscrits.

La très grande carte montre donc le nord-est de l’Italie avec ses frontières sur lesquelles sont réparties les armées allemandes, austro-hongroises et italiennes. Une mise en place relativement figée mais rapide à mettre en place, qui laisse apparaître les futurs axes de progression. On s’aperçoit très vite que l’axe principal sera le long de la côte Adriatique et que les autres armées sont là pour détourner les éventuels renforts italiens.
Si le déroulement est classique, avec un jeu alterné entre les deux camps, il y a tout de même des innovations qui démarquent le jeu et rendent ses parties uniques. En effet, vous allez déterminer, au début de chacun de vos tours, un nombre de points d’action via le jet de deux dés. Et ensuite vous déciderez quelle armée activer. Un faible résultat ? Activez une armée secondaire. Un gros score ? C’est le moment de lancer votre assaut principal. Vous pourrez même décider quand jouer votre marqueur événement, qui vous permet de tirer aléatoirement un… événement.

Et entre chacune de vos activations, un marqueur d’activation d’armée italienne sera tiré, ou un ordre du commandement suprême. Ce dernier fera très très mal à vos plans avec de nombreuses choses à gérer : résolution d’événement, création de renforts, retranchement des troupes… Les armées italiennes, lorsque leur jeton est tiré, doivent suivre un des ordres listés sur chaque carte d’un deck dédié, qui sont : attaquer, défendre, faire un assaut, abandonner la position, action de retardement, tenir à tout prix… Chaque ordre s’applique aux unités de l’armée en question et est détaillé sur une aide de jeu dédiée très bien fichue.
Petit aparté pour parler du matériel du jeu : c’est comme d’habitude avec Hexasim un quasi sans faute (oui il faut bien que je trouve une ou deux bricoles, en bon pinailleur) : la carte papier est grande et aérée, les jetons sont clairs et bien épais et les aides de jeu sont aussi nombreuses que claires. Les règles sont quant à elles bien écrites et si les débuts sont un peu hésitants, du fait de nombreuses exceptions selon les situations, on n’y revient que très peu. Mais quand on y retourne, on aurait aimé avec un petit index pour retrouver facilement les informations. Oui je pinaille je sais ! Dernière info, si la copie reçue était en anglais, il existe un kit pour passer votre jeu en français, ce qui devrait rassurer les réfractaires à la langue de Lady Gaga.

Donc, voilà votre première armée activée et un large éventail de possibilité devant vous : chaque unité de cette armée peut effectuer 3 actions et toutes doivent se partager le pool de nombre d’action déterminé par le jet de dés. Vous allez pouvoir avancer d’une case, bombarder une case adjacente, réparer un pont, percevoir des renforts ou mener un assaut.
Première Guerre Mondiale, inutile d’espérer prendre une position sans préparation d’artillerie ni soutien. Dans The Twelfth Battle, c’est donc quelque chose à toujours garder en tête : les unités doivent se soutenir les unes les autres et le joueur doit exploiter au mieux leurs forces et faiblesses. Chaque unité a pour caractéristiques des Points de Force, un Facteur d’artillerie, une Valeur de Moral et un Valeur de Défense. Chacune de ces caractéristiques va servir dans une situation particulière, tout comme le terrain bien entendu et les niveaux de ravitaillement.

Si on ne fait guère attention à ces derniers au début de l’offensive – les unités étant parfaitement ravitaillées – au fur et à mesure que l’on progresse en territoire ennemi les actions vont coûter plus cher, notamment la perception de renforts et l’utilisation de l’artillerie. Ce qui voudra dire moins d’actions, ce qui simule parfaitement une offensive qui perd son élan.
Le terrain modélise aussi parfaitement les contraintes : les montagnes et villes sont extrêmement favorables aux défenseurs, tout comme les tranchées qui permettent de minimiser les pertes dues à l’artillerie. Comme l’offensive débute partout dans les Alpes, on s’acharne à ramollir au maximum les troupes en face avant de lancer l’assaut. Ce qui implique de perdre un temps précieux, le nombre de tours étant limité à 10.

Sans rentrer dans les détails – je vous laisse aller lire le manuel disponible en ligne – les bombardements et assauts nécessitent de bien connaître la procédure et les différents points de détail selon les troupes impactées. Cela demande un peu de réflexion au début mais au fil des tours les réflexes viennent et on arrive assez vite à savoir si on va essuyer un échec ou pas.
Le système de pertes est quant à lui très bien trouvé, avec 5 pas différents (d’ébranlée à décimée, le 5ème signifiant la destruction de l’unité ou son passage côté usé) qui amènent des malus aux différentes valeurs. Chaque unité perd donc du potentiel avec les pertes reçues et si vos troupes peuvent être définitivement perdues, les armées italiennes reviennent inlassablement. Usées mais toujours là !

Cette attrition empêche donc l’emploi d’une armée bélier qui roulerait sur tout le monde, en avant des autres. Seules, les unités ne peuvent pas vraiment faire de différence, notamment du fait de leur limitation à 3 actions. Il faut donc progresser intelligemment, combler les pertes et bombarder à bon escient.
Au fur et à mesure que les tours passent et que vous repoussez les Italiens, vous allez provoquer un événement qui va vous desservir : le limogeage du général Cadorna et l’arrivée des troupes franco-britanniques. On change alors de deck pour les Italiens et ceux-ci durcissent le ton et deviennent bien plus combatifs. Et comme cela se produit alors que vous être loin de vos bases arrières, et donc moins bien ravitaillé, cela complique bien plus les offensives. Le terrain s’y met aussi, avec de nombreux ponts qui entravent vos mouvements et minimisent les avantages de la plaine.

On pourrait croire que l’essentiel de l’action dans The Twelfth Battle se passe le long de la côte Adriatique, ce qui est vrai au début. Mais l’obligation de jouer chaque armée à la suite et le durcissement du front le long de la côte oblige le joueur à tenter la percée et l’encerclement sur le reste du front. Les armées auxiliaires étant plus faibles, les faire attaquer dans le dos des troupes défendant les cols permet de limiter la casse en annulant les avantages défensifs.
Par contre, s’il y a une chose à ne surtout pas faire dans The Twelfth Battle, c’est sous-estimer le bot : ses ordres ne sont certes pas toujours logiques, mais ils peuvent vous prendre au dépourvu, notamment avec les ordres d’attaque qui peuvent faire très mal contre vos troupes amoindries. Entre les tirages aléatoires d’activation et les ordres variés, aucun risque de vivre deux fois la même partie !

Il y a de nombreux autres détails dans The Twelfth Battle : les Sturmbataillons et l’artillerie lourde – côté allemand – qui permettent de faire de gros dégâts avant un assaut mais sont en quantité limitée, les garnisons de cité ou de tranchées, les arrière-gardes et autres destructions de pont côté italien. Malgré cette densité de détails et situations particulières, une fois les termes maîtrisés tout le déroulé du tour se fait sans accroc. On sent que l’auteur a voulu un titre facile à sortir, avec des règles simples, mais offrant quand même une simulation la plus complète possible.
Par contre, et je ferai le même reproche à The Plum Island Horror, les parties durent bien plus que les deux heures annoncées sur la boîte. Je sais que je ne suis pas le joueur le plus rapide du monde mais n’espérez pas boucler le scénario principal en moins de 3h. Il y a par contre un scénario court en 5 tours – qui se joue uniquement le long de la côte Adriatique – par lequel je vous recommande chaudement de débuter votre prise en main du jeu. Il vous permettra de vous faire la main sur les spécificités des différentes situations et de prendre la mesure du tempo.

Les principales forces de The Twelfth Battle: the Caporetto Campaign 1917 sont donc sa facilité de prise en main, avec des règles claires et bien rédigées et sa grande rejouabilité. Chaque partie est unique et l’expérience aidant, le joueur saura trouver le rythme et anticiper la faiblesse progressive de ses troupes. Si les débuts donnent l’impression que l’on va pouvoir rouler sur l’adversaire, les renforts continuels, la lente attrition de vos troupes et ces satanés événements font que l’on se retrouve à faire des choix pour tenter de grignoter un maximum de terrain, à défaut d’objectifs, ce qui est le principal apport en points de victoire. La gradation de la victoire selon le total obtenu permet de voir si l’on progresse et oblige à varier les stratégies.
Pari réussi – encore une fois ai-je envie de dire – pour Hexasim, qui en s’associant avec un auteur de classe mondiale vient enrichir son catalogue d’un titre solitaire de qualité. The Twelfth Battle: the Caporetto Campaign 1917 permet en plus de mettre un petit coup de projecteur sur une bataille peu connue, chose dont nos amis pousseurs de pions sont friands, au tarif très attractif de 50€. Notez que leur prochain jeu se nommera La Der des Ders et que je me demande bien sur quelle période il portera…
Auteur : Hermann Luttmann
Artiste : Sébastien Brunel
Editeur : Hexasim
Un joueur
120 minutes
Testé sur une version presse fournie par l’éditeur