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ShowGunners

Le futur dystopique et cyberpunk a-t-il un avenir ? Question philosophique, pompeuse et un peu tire-au-flanc, s’il en est. Mais c’est aussi une question qui donne envie de remplir trois copies doubles « recto verso et vous respecterez une marge à gauche de 3cm avec une thèse, une antithèse et une synthèse, à rendre pour jeudi ». Bref, c’est un peu la question que je me suis posée en testant Showgunners, un jeu de combat tactique se déroulant dans un monde dystopique et cyberpunk. Ah ben ça alors, si je m’attendais ?!

L’histoire sans fin (esse)

Comme je suis feignant, et que je n’aime pas paraphraser, voici le pitch du jeu tel que vous pouvez le lire sur sa page Steam : « Dans un futur dystopique (sic.) dirigé par des entreprises cupides, une émission de télé-réalité brutale est le divertissement le plus excitant disponible ! Mettez-vous dans la peau de Scarlett Martillo, une candidate assoiffée de vengeance. Pour gagner, vous devrez traverser de dangereuses arènes urbaines jonchées de pièges mortels et faire face à des hordes de psychopathes armés jusqu’aux dents. »

Du jamais vu, n’est-ce pas ? Attendez, ce n’est pas fini ! Je vous ai dit que notre héroïne était une ancienne policière ? Et qu’elle a vu toute sa famille se faire massacrer par un tueur psychopathe ? Et que le tueur est devenu la star du jeu de télé-réalité en question ? À ce stade vous devriez vous douter de la suite : notre protagoniste rejoint volontairement le jeu pour pouvoir gravir les échelons, se retrouver face au tueur et lui faire la peau.

Bon OK, on va laisser l’histoire de Showgunners de côté et on va s’intéresser au jeu. Parce qu’après tout, c’est surtout pour ça qu’on est là, non ?

Running (gag) Man

Showgunners est un tactical au tour par tour qui alterne des phases de combat et des phases d’exploration libre. Le tout se présentant en 3d vu du dessus appelée aussi « à l’isométrique » par certains journalistes professionnels (à qui nous piquons allègrement le terme tant il correspond bien).

Comme nous sommes dans un jeu vidéo moderne, on peut bien sûr zoomer et dézoomer à volonté et… ah ben uniquement pendant les phases de combat. Dommage. Visiblement le zoom à la molette pendant l’exploration ce n’était pas utile… Bref. Au-delà du zoom, vous pouvez également faire tourner votre caméra autour de votre personnage, y compris en mode combat tactique. Là encore, c’est classique.

Showgunners a deux phases. Il a également deux types de déplacement. Le classique vu de dos, que nous nommerons « phase TPS » et le déplacement tactique sur une grille, que nous nommerons « phase tactique ». Seule cette dernière est soumise au tour par tour, la première étant en temps réel.

Histoire de rajouter un peu plus de complexité à la confusion, vous rencontrerez des pièges pendant la phase TPS mais également pendant la phase tactique, mais des différents. Par contre, toute rencontre d’un ennemi vous fait automatiquement passer en phase tactique. Petite précision, si vous avez pensé que la transition entre les deux phases se ferait de façon fluide et invisible ; vous avez mal pensé.

Fight club (hic)

Dans un tactical, il semble couler de source que les phases de combat sont le coeur du jeu. C’est le point à ne pas rater ; c’est un équilibre ténu entre décisions difficiles, placements précis, probabilités savamment calculées. Mais il faut aussi que le jeu soit prenant, lisible et qu’il reste fun à jouer. Des tas de paramètres, des tas de façons de se foirer. Est-ce que Showgunners a foiré cette partie ? Clairement, non. Principalement parce que les développeurs n’ont pris strictement aucun risque. Ils ont choisi de bien cocher toutes les cases du jeu tactique au tour par tour. Points d’action, pourcentages de réussite, mise à couvert, zone d’effet, cut scenes sur une péripétie spectaculaire, tout est bien à sa place et arrive quand on s’y attend.

Pourtant j’ai trouvé l’ensemble sans saveur. À l’instar de son scénario d’une platitude absolue, le coeur de Showgunners l’est également. Rien n’est vraiment raté. Rien n’est vraiment réussi. L’action se veut trépidante, elle est seulement agitée. Le scénario se veut subversif, il est seulement oubliable. Les combats se veulent tactiques, ils trainent uniquement en longueur.

Ce qui est d’autant plus dommage que techniquement le jeu est propre et reste fluide dans toutes les situations, même les plus chargées visuellement. La direction artistique n’est pas désagréable et lorgne vers les comics US, où chaque protagoniste est facilement identifiable dans son archétype. L’habillage dans les menus est efficace et fait le job.

On passera rapidement sur le sound design sans fausse note. Et on va aborder le point qui fâche : le présentateur… ah le présentateur ! Si l’équipe de développement avait prévu de le rendre agaçant, c’est une franche réussite ! Et à l’instar du pistolet-alien dans High on Life, à l’instar des commentateurs dans Blood Bowl, à l’instar de la voix off de Shredders, il parle sans arrêt, commente action, et c’est pénible. De plus, puisqu’on fait quasiment tout le temps les mêmes actions, et qu’il a un répertoire limité, il répète les phrases en boucle jusqu’à vous rendre fou. La plupart du temps il s’agit de la description moqueuse de ce qui vient juste de se passer. C’est rarement autre chose et ce n’est jamais plus intéressant que ça.

Voyage au bout de l’(en) nuit

Ce dernier point est à mon avis un condensé du gros problème que représente ce titre. Sous son habillage coloré et ses tentatives de second degré, il n’a en fait rien à dire et pas grand-chose à faire jouer. Chaque aspect du jeu tombe à plat, chaque embranchement narratif qu’il choisit de prendre et qui nous laissait espérer un début de quelque chose, ne mène à rien d’autre que du convenu sous prétexte que « hey tu as vu on fait un jeu hommage aux séries Z des 90’s ! ».

Et le pire là-dedans c’est qu’on sent qu’ils ont voulu bien faire. Ils ont créé tout un background avec des corporations, des fans en délire, des personnages secondaires travaillés et une DA très propre. Ils ont même pensé à rajouter un mode streamer plutôt bien fichu où vous pouvez demander à vos viewers de rajouter des pièges, faire apparaître des ennemis ou au contraire vous apporter un peu d’aide. Bref, un titre bien pensé pour toute sa partie technique, mais qui a malheureusement oublié qu’un jeu c’est aussi raconter une histoire et entretenir l’interêt.

Vous savez qui a fait la même erreur et pour un résultat identique ? Cyberpunk 2077. Et eux avaient même foiré leur partie technique… Alors à la question initiale, je répondrais, en paraphrasant Frank Zappa, que le futur dystopique et cyberpunk dans le jeu vidéo a probablement un avenir, mais que pour le moment il sent drôle.

Genre : Tactical, Solo, Tour par tour

Développement : Artificer

Éditeur : Good Shepherd Entertainment

Date de Parution : 2 Mai 2023

Prix : 28.99€

Plateforme : PC

Testé sur une version presse fournie par l’éditeur

CekterDown

Fasciné par Sherlock Holmes et le mythe de Cthulhu, j'aime également la science-fiction et tout ce qui s'y rapporte, je ne réponds qu'aux superlatifs et ne désespère pas qu'on me voue un culte un jour. J'aime surtout m'entourer de gens plus talentueux que moi.