In the Shadows: Resistance in France 1943 – 1944
In the Shadows: Resistance in France 1943 – 1944, que nous appellerons pour la suite In the Shadows, est à l’origine un jeu créé par Daniel Bullock et Joe Schmidt lors d’une Consim Game Jam en 2020 et maintenant édité par GMT Games pour être intégré à leur gamme Lunchtime Games, qui inclut entre autres Flashpoint: South China Sea et Red Flag Over Paris.
Une gamme dont je suis assez friand – The Bell of Treason: 1938 Munich Crisis in Czechoslovakia, le petit dernier, devrait d’ailleurs faire prochainement l’objet d’un article – car idéale pour de courtes sessions ou même pour initier les néophytes aux Card Driven Games.
Une fois n’est pas coutume et à ma grande surprise, Madame a accepté de se joindre à moi et a endossé à chaque fois le rôle de l’occupant nazi, me laissant la Résistance. Je conseille d’ailleurs cette configuration lorsque vous initiez quelqu’un, ce dernier rôle étant plus difficile à maîtriser.
Comme son nom l’indique, In the Shadows vous propose une lutte entre la Résistance française et l’occupant allemand, aidé par des informateurs et la Milice. Pendant 9 tours et sur une carte divisée en 3 grandes zones, les deux camps vont s’affronter et tenter soit de piller un maximum de ressources françaises, pour les méchants allemands, soit de saboter l’autorité allemande pour les Résistants.

La séquence de jeu est simple : chaque joueur pioche jusqu’à avoir 2 cartes en main. Oui oui, deux cartes seulement. Celles-ci comprennent comme il se doit un événement, favorable à l’un des deux camps, une valeur en Points d’Action et un symbole, apparaissant dans une des trois régions de la carte. Chaque joueur joue une carte, la plus haute valeur en Points d’Action donnant l’initiative à son propriétaire, qui décide alors qui débute le tour. Ce qui peut être de la plus haute importance, certains effets de carte courant sur plus d’un tour.
L’ordre du tour déterminé, le joueur actif résout l’événement puis dépense les Points d’Action apportés par sa carte. Une fois ceux-ci épuisés, on passe au joueur suivant qui fait de même. Après une petite phase d’administration, on passe au tour suivant jusqu’à soit une victoire subite de l’occupant, soit la fin du neuvième tour.

Avant de détailler les différentes actions possibles, voyons les particularités du plateau de plus près. La France est, comme indiqué précédemment, découpée en 3 zones elles-mêmes découpées en 4 régions chacune. Au milieu de la carte et partant d’Ile de France vers l’Allemagne, une voie de chemin de fer, symbolisant les ressources confisquées par l’Occupant. Cette voie dispose de 4 étapes, avec un petit jeton permettant de voir où se situe le convoi. A chaque fois qu’il parvient en Allemagne, on avance la jauge des Ressources Confisquées, jusqu’à atteindre un maximum de 7.
En plus des habituels compteurs de tours et de Points d’Action, vous remarquerez sur la gauche une petite roue, divisée en trois : c’est ce marqueur que la Résistance va avancer en réalisant des Sabotages. Il a trois positions : deux favorisant les opérations clandestines et un permettant de faire diminuer la jauge d’Autorité. C’est cette dernière, couplée à la jauge des Ressources Confisquées, qui va déterminer les conditions de victoire.

Par exemple, si la jauge d’Autorité est à 6 à la fin du jeu, alors l’Occupant gagne si son marqueur de Ressources Confisquées est à au moins 3 et si la Résistance a moins de 6 unités en jeu. En toute logique, les conditions de victoire sont de plus en plus difficiles pour l’Occupant au fur et à mesure que la jauge d’Autorité diminue. Le plan est donc simple pour ce dernier : piller au maximum les ressources françaises tout en empêchant les Résistants de saboter à tout va. Bien entendu, tout faire à la fois est impossible et il va falloir faire des choix…
Revenons à notre séquence de jeu et aux actions possibles pour chaque joueur. L’Occupant, qui dispose de troupes allemandes (les cubes noirs) et de la Milice (les cubes bleus), peut déplacer ses troupes d’une région à l’autre, peut faire avancer le convoi d’une étape, peut tenter de révéler une unité de la Résistance, peut tenter d’arrêter une unité révélée, peut révéler un Informateur (qui révèle à son tour toutes les unités de la Résistance situées dans la même région que lui) et enfin, dans une région où l’alerte a été donnée et où il a un cube noir, il peut révéler toutes les troupes de la Résistance.

Vous noterez deux choses dans le précédent paragraphe : je parle d’informateur et de tenter de réaliser une action. La première chose est très thématique : certaines troupes de la Résistance (qui qui commencent toutes face cachée), sont en fait des informateurs de la Gestapo. Tant qu’elles sont sur leur face cachée, elles sont jouées par la Résistance comme des troupes normales. Une fois révélées par contre, elles passent sous contrôle allemand et participent au succès de certaines actions.
Deuxième point notable : certaines actions ne réussissent pas automatiquement et nécessitent de vérifier en tirant une carte du deck de Résolution. Chaque carte fournit les résultats des actions selon qui les a entreprises. Car oui, quel intérêt d’avoir des troupes différentes sinon ? La Milice aura plus de chances de réussir à révéler une unité, alors que les Allemands l’arrêteront plus facilement.

Ce tirage de carte est une méthode bien plus sympathique qu’un simple lancer de dés pour déterminer si on parvient ou pas à nos fins. Et avant que vous ne vous mettiez à compter les cartes, sachez qu’une d’entre elles vous oblige à remélangeant le deck entier, défausse incluse !
Le Résistant peut, quant à lui, déplacer ses troupes (Maquis ou Cellules), qu’elles soient face cachée ou non, dissimuler une unité retournée, recruter de nouvelles unités, tenter une embuscade, non pas pour éliminer les troupes ennemies mais pour soit les repousser vers une autre région (dans le cas de la Milice) soit les renvoyer en Allemagne (pour les troupes allemandes) et enfin tenter un sabotage. Le résultat de ce dernier peut être très variable, allant du simple échec au succès, avec la pose éventuelle d’un marqueur d’alerte. Chaque succès permet de faire avancer la roue des opérations et ainsi diminuer la jauge d’Autorité.

Ce marqueur va s’avérer très vite capital : sa présence non seulement empêche la Résistance de commettre d’autres Sabotages, mais il permet aux troupes allemandes de se déplacer dans la région concernée sans payer le moindre Point d’Action. Sauf que… à chaque fois qu’une troupe de l’Occupant pénètre dans une zone où un marqueur d’alerte est présent, ou à chaque fois qu’il tente une arrestation, ce marqueur est supprimé.
On assiste donc très vite à un jeu du chat et de la souris, où le Résistant va se déplacer d’une zone à l’autre pour tenter un maximum de sabotages alors que l’Occupant va tenter de quadriller la carte en évitant d’enlever ces marqueurs. Cerise sur le gâteau, comme lorsque le Résistant réussit une embuscade il peut repousser une Milice dans une région adjacente, il va s’en servir pour enlever les marqueurs d’alerte au grand dam de son adversaire.
In the Shadows a donc tout du Card Driven simple et efficace : son nombre de Points d’Action limité à chaque tour ne permet pas de faire tout ce que l’on voudrait et le gameplay asymétrique oblige à toujours garder en tête ce que l’adversaire est susceptible – et capable de faire. Impossible pour un des deux camps de se focaliser sur un plan bien défini, il va falloir s’adapter.
Parce que les événements viennent à chaque tour mettre un peu de chaos, d’une part, mais aussi parce que chaque action majeure n’est pas certaine de réussir. Cette incertitude oblige à toujours essayer de mettre toutes les chances de son côté : l’Occupant favorisera la Milice pour démasquer et les troupes allemandes pour arrêter, le Résistant utilisera le Maquis pour saboter plus facilement.

Mais à vouloir minimiser les risques on perd aussi en flexibilité et on gaspille énormément de points, surtout que je n’en ai pas reparlé mais une action réalisée dans une région dont le symbole ne correspond pas à celui de la carte jouée coûtera plus de Points d’Action. Oui, un facteur de plus à prendre en compte.
Dernier point, qui va dissuader l’Occupant de se focaliser uniquement sur la progression de la jauge des Ressources Confisquées : à chaque palier franchi, un Maquis (ou une Cellule) est rajouté dans le pool de recrutement du Résistant. C’est thématique, plus l’Allemand confisque, plus il se met la population à dos.
La solution de se focaliser sur la capture des troupes du Résistant semble assez viable, l’anéantissement total des troupes de ce dernier étant la condition de victoire immédiate. Il va donc falloir voir quel objectif est le plus accessible et tenter de minimiser les actions de l’adversaire.

Le rôle des Résistants semble donc simple à appréhender – saboter, recruter et échapper à l’ennemi – mais plutôt difficile à réaliser tant l’Occupant a de moyens à disposition. Le Résistant va donc devoir jongler en permanence avec la possibilité de Saboter, quitte à faire apparaître des marqueurs d’alerte, et le mouvement pour échapper à l’ennemi. Le Recrutement est aussi très délicat car il ne se fait que là où il y a déjà une troupe alliée (ou à Lyon), ce qui aura pour conséquence d’attirer l’Occupant qui ne pourra que difficilement résister à ce regroupement.
L’obligation de laisser le rôle du Résistant au plus aguerri des deux joueurs est donc avérée, à moins de préférer jouer en miroir. Vu le temps de jeu, c’est largement faisable en un après-midi, une partie ne durant pas plus d’une grosse heure.
In the Shadows est donc parfaitement à sa place dans la gamme Lunchtime Games, plus du côté de Flashpoint: South China Sea que de Red Flag Over Paris d’ailleurs, avec des parties rythmées et relativement équilibrées. On pourrait reprocher un deck d’événements un peu maigre – il aurait été appréciable d’avoir quelques cartes à écarter aléatoirement à chaque partie – il faut avouer que pour le reste c’est un sans-faute : deck dédié pour le jeu en solo, matériel de qualité, illustrations superbes signées Terry Leeds et prix très contenu.
Le thème est quant à lui parfaitement utilisé et on appréciera les incontournables notes historiques et de conception expliquant les différentes mécaniques de jeu. A noter également le texte informatif sur chaque carte d’événement, toujours utile pour éduquer les plus jeunes. Je recommande donc In the Shadows à tous ceux qui, tentés par ce thème fort (surtout pour nous autres, Français), désirent un jeu rapide à expliquer et à jouer avec les membres les plus jeunes de leur famille. Idéal pour amener cet été et tester sur un coin de table au camping !
Auteurs : Daniel Bullock & Joe Schmidt
Artiste : Terry Leeds
Editeur : GMT Games
1 – 2 joueurs
30 à 45 minutes