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Flashpoint: South China Sea

La série des Lunchtime Games de l’éditeur américain GMT Games continue de s’enrichir avec un nouveau titre, tout aussi original que l’était celui de Red Flag Over Paris, Flashpoint: South China Sea. Son thème est inscrit dans le titre : les tensions entre Américains et Chinois en Mer de Chine. Sorti l’an passé, il se veut accessible et jouable en moins d’une heure et, avant même de poursuivre, sachez qu’il est très abstrait et ne simule pas un seul affrontement.

Setup presque fini

Voilà c’est dit. Pas de petits hexagones, pas de tables de combat. Pas de grandes manœuvres, juste des petits cubes et des cartes, comme les deux jeux précédents de la série, Fort Sumter et Red Flag Over Paris (j’exclus volontairement les Battle Line qui sont, à mon avis, bien à part). Les Grognards hurleront au jeu pour casu, taxant le jeu d’abstrait. J’y vois pour ma part un titre à posséder dans sa ludothèque et je vais vous expliquer pourquoi.

Je pense inutile de vous expliquer les règles dans le détail, il y a des vidéos qui font cela beaucoup mieux et plus clairement qu’un texte. Je vais tout de même vous donner quelques grandes lignes afin que vous compreniez à quel point le jeu est simple et malin.

Une main de départ pas terrible

Comme tous les Card Driven Games, Flashpoint: South China Sea voit s’affronter les joueurs grâce à un deck formé de cartes Evénements de 3 couleurs différentes : le noir, symbolisant les événements neutres et une pour chaque camp (Rouge pour la Chine, bleu pour les USA).

Chaque joueur va piocher au début de chaque campagne (les tours) une main de six cartes dans ce deck commun et les exploiter au mieux pour prendre l’avantage.

Le but du jeu est d’avoir, à l’issue de ces trois tours, plus de points de victoire que l’adversaire en dominant cinq pays différents (l’Indonésie, la Malaisie, le Vietnam, les Philippines et Brunei) selon deux critères différents : l’économie et la diplomatie. Ajoutez la possibilité de dominer votre adversaire de manière maritime (en revendiquant des îles côté Chinois et en montant des opérations navales côté américain) et vous aurez une bonne idée de ce qui vous attend.

A tour de rôle, les joueurs vont donc jouer une carte de leur main, soit pour l’événement – Event Description ci-dessous – (s’il leur est favorable ou neutre) soit pour sa valeur en Opérations – Operation Value ci-dessous – , soit pour son Mode – Mode ci-dessous -ou enfin pour le Scoring – Scoring Impact ci-dessous – . Jouer l’événement est le plus simple, on applique tous les effets qui peuvent l’être et on suit le texte de la carte.

Jouer les points d’opérations permet de placer de l’influence – économique ou diplomatique – dans un pays, de mener une offensive politique et ainsi verrouiller un pays à son avantage ou encore de faire des réclamations territoriales et monter des opérations navales selon votre camp.

Certaines actions font grimper ou diminuer une jauge de Crise – Tension Impact ci-dessus – qui impacte le coût des opérations futures – Comme montré ci-dessous -, jusqu’à en interdire certaines. Cela permet de simuler le côté « tu pousses le bouchon un peu loin, Maurice » sans aller jusqu’à l’affrontement armé.

Les aides de jeu indispensables

Jouer une carte pour son Mode nécessite que l’événement visible de la défausse soit de la bonne couleur et que son mode soit le même que celui de la carte défaussée. Si ces deux conditions sont remplies, le joueur peut soit jouer l’événement soit jouer la carte pour le Scoring. Il faut donc ne pas se réjouir trop vite en utilisant une carte adverse pour sa valeur en opérations ou le Scoring car elle peut vous revenir en pleine figure. Toutefois, la nécessité d’avoir des Modes identiques laisse planer le doute quant à la faculté de votre adversaire de profiter de la défausse.

Ce qui nous amène au Scoring, et c’est là que pour moi le jeu est très malin. Habituellement, les points sont marqués soit à la fin du round (comme dans Red Flag over Paris), soit lorsqu’une certaine carte est jouée (comme dans Twilight Struggle). Dans Flashpoint: South China Sea, les sept cartes de Scoring sont disponibles pour chaque joueur et réinitialisées à chaque manche. Cela veut dire que chacun sait où les points peuvent être marqués et qui peut potentiellement les marquer.

Par exemple, si la carte Scoring Vietnam est face visible et qu’un joueur joue une carte dont le Scoring concerne le Vietnam (pour rappel, chaque carte événement peut permettre le Scoring), alors on compte les cubes de chaque joueur dans ce pays-là, en incluant les îles rattachées et on fait une simple soustraction. En clair si l’Américain a 4 cubes en tout (diplomatie, économie et maritime) et que le Chinois n’en a que 2, alors l’Américain marque 2 points. Il y a une carte de Scoring par pays, une pour le maritime et une pour l’économie globale et chacune n’est jouable qu’une seule fois par campagne.

Ce système est très intelligent car vous aurez beau avoir la main mise sur un pays, si vous ne jouez pas la carte de Scoring, alors vous n’aurez pas les points. Marquer dépend donc entièrement de vous. Faut-il attendre pour grappiller quelques points de plus ou aller chercher ce que l’on peut ? Faut-il se concentrer sur un domaine ou essayer de contrer l’adversaire partout ?

Une fois les mains des joueurs épuisées, le marqueur de Crise est abaissé d’un cran et tous les cubes symbolisant l’influence économique sont enlevés dans chaque pays, sauf un – pour représenter les investissements financiers temporaires de chaque pays. C’est rude mais ça n’est pas tout : si les Chinois gardent leurs revendications territoriales, les Américains perdent quant à eux tous les cubes représentant les opérations maritimes.

C’est un gros coup dur pour le joueur américain qui devra avoir conscience que tous les investissements consentis dans ce domaine ne seront que très temporaires. Ensuite, les cartes de Scoring sont remises face visible et on repart pour une campagne. A l’issue de la troisième campagne, que les cartes de Scoring aient été jouées ou pas, on les joue une à une (et c’est donc à ce moment-là que l’Américain pourra investir de manière pérenne dans les opérations navales.

Flashpoint: South China Sea est un jeu très simple, je viens de vous donner 95% des règles en quelques lignes et très rapide à jouer. J’ai eu le plaisir de faire une partie en aller-retour avec Jacques Rabier (auteur entre autres de l’excellent The Lost Valley: the Siege of Diên Biên Phu dont il faut vraiment que je vous parle), qui n’y avait jamais joué et cela a duré moins de 2h, explication de règles incluse. Certes il ne débute pas vraiment dans le hobby…

Flashpoint: South China Sea n’est pas pour autant un jeu simpliste comme on peut le lire parfois. Certes il est très abstrait et certes il ne simule en fin de compte aucun conflit, sinon une lutte d’influence, mais il n’a pas été créé pour ça. Il lui est aussi reproché d’être déséquilibré en faveur du joueur Chinois et quand on regarde rapidement, c’est le cas avec les revendications qui, même si elles coûtent cher, restent toutes la partie contrairement aux opérations navales américaines.

C’est pour cela qu’au début de chaque partie chacun va miser des points de victoire pour jouer avec les Chinois. Ainsi, l’Américain part avec un avantage au score que le Chinois devra combler. Et comme les parties sont courtes, vous allez vouloir faire le match miroir et voir si vous vous en sortez mieux que votre adversaire.

Et si vous n’en avez pas, et cela arrive malheureusement bien trop fréquemment, sachez qu’un excellent et indispensable mode solo, disposant de son propre livret de règles et deck de cartes, développé par Jason Carr (à qui on doit plusieurs systèmes solo, gage de qualité) est fourni dans la boîte. Il nécessite une petite phase d’apprentissage mais s’avère être d’un niveau convenable.

Harold Buchanan, dont je ne connaissais qu’un seul jeu, l’excellentissime Liberty or Death: the American Insurrection prend donc les gens à contre-pied avec un jeu très accessible (moins de 10 pages de règles très aérées) et prouve qu’il est un auteur malin et imaginatif avec son troisième jeu (tout en laissant de côté le thème de la guerre d’Indépendance américaine) qui fait honneur à cette nouvelle gamme.

Le matériel est de toute beauté (bon ok, faut aimer les photos de personnalités politiques) comme d’habitude avec GMT Games, la carte montée est claire et aérée, la boîte est, contrairement à Red Flag Over Paris, d’un format conventionnel et même si le thème peut ne pas parler au plus grand nombre, je vous conseille – que dis-je, je vous pousse sans ménagement – de l’essayer.

Surtout que le prix est tout doux (comptez une quarantaine d’euros). Seul bémol : devoir passer par une boutique spécialisée, ce genre de jeux n’étant que très rarement disponible chez votre crémier.

Et avant que vous ne me posiez la question dans les commentaires : Flashpoint: South China Sea et Red Flag Over Paris sont tellement différents que les posséder tous les deux n’est pas redondant.

Je sais pas qui est ce gars mais il a une bonne tête…

GMT Games réussit donc pour le moment son pari de créer une gamme de jeux jouables par le plus grand nombre pendant leur pause repas. Au moment d’écrire ces lignes, une version light de Twilight Struggle, Twilight Struggle Red Sea (centrée sur la pointe de l’Afrique) est en cours de livraison et trois autres jeux sont en cours de conception avec des thèmes aussi variés que la crise de Munich en 1938 ou la Résistance française.

De plus, si une version informatique de Red Sea doit voir le jour, rien n’a filtré concernant Flashpoint: South China Sea et c’est bien dommage car j’aurais bien mis une fessée à Machiavel dessus. A moins que je n’arrive à le décider d’installer Vassal…

Auteur : Harold Buchanan

Artiste : Terry Leeds

Editeur : GMT Games

De 30 à 60 minutes

1 à 2 joueurs

Dès 13 ans

Harvester

Collectionneur compulsif et un peu trop passionné, accumule jeux et livres en essayant d'entraîner un maximum de gens dans ses vices...