Vlad Circus: Descend Into Madness
Qu’y a-t-il de mieux qu’un clown pour faire peur ? On a répondu à cette question depuis « Ça » de Stephen King. Contrairement à ce que croient les adultes (qui ont visiblement oublié qu’ils étaient des enfants), un clown c’est flippant. Derrière son gros nez rouge, son maquillage outrancier et sa drôle de perruque, se cache un être inquiétant et pathétique. Non, ce ne sont pas les blagues de « Rigolus le clown » qui font rire les enfants. Ils rient pour ne pas hurler, parce qu’ils ont une dignité, eux au moins. Gardez bien ça à l’esprit alors que je vais vous présenter Vlad Circus, le dernier-né du très doué studio indépendant Indiesruption.
C’est l’histoire d’un mec
L’histoire de Vlad Circus commence très mal, pas pour nous mais pour notre protagoniste. En effet, nous sommes dans la peau d’Oliver Mills, clown de son état. Ou plutôt ex-clown puisque le cirque auquel il appartenait a été réduit en cendres quelque neuf ans auparavant. Le frère du propriétaire avait mis feu au chapiteau, piégeant des dizaines de personnes brûlées vives. Le criminel a été condamné à la chaise électrique. La troupe, ou du moins les survivants, se sont éparpillés et ont, pour certains, tenté de se reconstruire tant bien que mal.
Les années ayant passé, le propriétaire Vlad décide de réunir toute son ancienne troupe de monstres de foire, pour ressusciter le cirque. C’est ainsi que notre héros, à l’esprit passablement dérangé, se retrouve avec ses anciens camarades (le fakir, la femme à deux têtes, le prestidigitateur homme-tronc, etc.) dans le grand manoir de Vlad, à l’aube des années 1930. Comme de juste c’est le soir, la tempête a fait sauter les fusibles et l’endroit, plongé dans l’obscurité, est un véritable labyrinthe. Les traumatismes de notre clown vont refaire surface et il devra lutter pour conserver le peu de santé mentale qu’il lui reste. Les autres protagonistes de l’histoire l’envoyant, en plus, effectuer des tâches aux quatre coins de l’édifice, autant vous dire que tout va très bien se passer (non).
Freak Show
Voilà pour le pitch de Vlad Circus. C’est bien entendu un conte horrifique en pixel art, difficile de le nier en voyant les screenshots. Il reprend la structure des jeux d’aventure « à la Lucas Art » : on discute un peu avec tout le monde pour faire avancer l’histoire ou obtenir des indices, et on déplace notre personnage au sein de zones où il faudra résoudre différentes actions au moyen des objets que nous aurons trouvé ici et là. Résolument classique, il propose un inventaire très limité où l’on pourra combiner certains éléments pour en faire un troisième.
Nécessité faisant loi, notre clown se comporte comme un véritable voyou, ouvrant toutes les portes, prenant tous les objets qui lui tombent sous la main, retournant chaque meuble comme s’il était chez lui. Bref, on connaît la formule, mélange de puzzle game, de déduction et d’exploration méticuleuse de l’environnement. Mais aussi des aller-retours, beaucoup, beaucoup d’aller-retours. La raison principale, au-delà du fait qu’on se perde dans un si grand manoir, c’est justement cette place limitée dans nos poches.
Le Freak c’est chic
À l’inverse d’un fringant George Stobart, capable de porter un paquebot dans son pantalon, notre clown n’a que 5 emplacements au départ. Sachant qu’un emplacement est déjà pris par son journal intime, outil indispensable pour progresser dans l’aventure, et que l’autre est pris par le chapelet de prière de sa mère, seul moyen pour faire baisser le stress qui l’accable à intervalle régulier, il ne nous reste plus beaucoup d’endroits où ranger les multiples objets qui parsèment cette bâtisse victorienne.
Fort heureusement, on peut les laisser au sol. Encore plus heureusement, on note automatiquement dans notre carnet là où on a laissé chaque objet, ce qui rend tout de même leur récupération un peu moins fastidieuse. Cette place limitée, et la manie incessante qu’ont les objets à se retrouver à l’autre bout de la carte, font qu’on parcourra l’endroit en tous sens, ce qui nous laissera le temps d’admirer les décors.
Vlad Circus se repose principalement sur la narration et sur son ambiance. Dans la plus pure tradition des jeux vidéo horrifiques, les phases de recherches ne sont là que pour nous faire nous concentrer sur une tâche anodine afin de mieux nous surprendre. Et il faut bien avouer que ça marche. La DA, superbe et dérangeante, les personnages, grotesques et magnifiques, l’histoire, prenante et intrigante, sans oublier la musique et les bruitages, tout nous fait entrer dans un monde malaisant où les frontières entre réalité, illusion et fantastique s’affinent dangereusement.
Clowneris Horribilis
J’aime l’horreur quand elle est psychologique, j’aime les histoires lovecraftiennes, j’aime Lynch, j’aime L’antre de la Folie, et j’aime le pixel art quand il est réussi. Bref, je suis le client tout désigné pour ce genre de jeux. Mais ça me rend aussi très exigeant avec ce qu’on me propose. Cette précision me semble importante afin que vous compreniez d’où je parle quand je dis que j’ai vraiment beaucoup aimé ce titre.
Il y a bien quelques aspects négatifs, un peu trop de va et viens, quelques actions qui seraient évidentes en temps normal, mais qui ici ne fonctionnent pas (pourquoi est-ce que je ne peux pas virer trois planches vermoulues avec une lourde pelle en fer ?) et quelques énigmes vraiment tordues. Toutefois, l’ensemble est extrêmement plaisant.
L’ambiance est tout à fait réussie, l’histoire est bien menée par une écriture de qualité. Et même si le dénouement est presque prévisible à partir d’un certain point de l’aventure, le jeu n’en reste pas moins une sacrée expérience. Un sacré « ride » comme disent les vieux jeunes.
Par contre, les clowns me font toujours autant flipper. Et ce n’est pas ce jeu qui arrangera les choses. Loin de là.
Genre : aventure horrifique
Développeur : Indiesruption
Editeur : Blowfish Studio
Date de Sortie : 17 oct 2023
Testé sur une version presse fournie par l’éditeur