Ultros
Si je vous dis Metroidvania, ça vous parle, n’est-ce pas ? Vous savez bien, ce genre, déjà antique, qui combine donc l’aspect exploration d’un Metroid (Nintendo pour les plus incultes) avec les phases de combat d’un Castlevania (Konami pour les plus… bref, passons). En gros, pour schématiser et vu qu’on n’est pas sur un média sérieux, dans un Metroidvania, le joueur explore des niveaux labyrinthiques tout en tabassant allègrement et dans la joie tout signe de vie en cours de trajet.
Le joueur débloquera progressivement de nouvelles capacités qui lui permettront subitement d’accéder à des endroits déjà croisés mais jusque-là inaccessibles et bis repetita, jusqu’à l’écran de fin surgisse enfin.
On pourrait dire que le chef-d’œuvre absolu du genre est Castlevania Symphony of the Night, sorti à l’époque sur Sony Playstation et sur Sega Saturn même si de jeunes joueurs, un peu incultes, lui préfèrent aujourd’hui Hollow Knight.
Dans Symphony of the Night, le joueur partait explorer l’immense château du Comte Dracula pour essayer de mettre la main sur son propriétaire, le rechristianiser en version Inquisition 2.0., distribuer quelques baffes bien gentiment et le renvoyer dans l’au-delà dans la grande tradition de la famille Belmont. Plus récemment, dans cet autre Metroidvania qui a fait sensation, Hollow Knight, le joueur partait à la découverte de lui-même et tentait de lever la malédiction qui pesait sur le royaume souterrain.

Le genre ayant connu un fort regain de notoriété avec l’avènement de la scène indé, les joueurs console et pc ont eu l’occasion de se frotter à de nombreux autres spécimens plus ou moins bons. On peut citer pêle-mêle les excellents Dead Cells pour la version teintée de roguelike, les anciens Valdys Story et Aquaria, les japonisants Pharaoh Rebirth+ et La-Mulana ou encore les très bons Iconoclasts et Axiom Verge, sans oublier Bloodstained signé de Koji Igarashi, déjà à l’oeuvre sur l’immense Symphony of the Night. Autant dire que les amateurs de Metroidvania ont été choyés au cours de la dernière décennie.
Aujourd’hui, c’est Ultros qui débarque sur Switch après un premier round d’échauffement sur PC, Mac et Playstation 5 l’année dernière et tout le challenge pour votre humble serviteur va être d’essayer d’expliquer et de conceptualiser un peu le bordel visuel qui s’affiche à l’écran. Sur le fond, le jeu développé par Hadoque et publié par Kepler Interactive est un Metroidvania relativement classique mais, sur la forme, on a affaire à un véritable ovni.

C’est facile (en fait, non), essayez donc d’imaginer que vous êtes dans les années 70, que vous avez enfermé Alejandro Jodorowsky et Moebius avec des champignons qui font rigoler dans une pièce et que vous refusez de les laisser sortir tant qu’ils n’ont pas créé une nouvelle œuvre fortement psychédélique.
La bonne nouvelle, c’est que la menace a fonctionné et qu’une nouvelle œuvre a bien été créée, l’autre nouvelle, c’est que le nouveau-né a quand même une tronche assez étrange. Sur le fond et en matière de gameplay, Ultros ne déroge pas tellement aux sacro-saintes règles qui régissent le genre dont il est manifestement issu (exploration > baston > upgrade > nouvelle zone > boss > rinse & repeat).

On y retrouve bien les labyrinthes qui se débloquent progressivement au fur et à mesure de la progression de notre personnage principal, des boss, costauds, gigantesques et mal lunés, une mini carte qui permet d’éviter de se perdre bêtement et qui constitue un des ajouts les plus récents au genre, et, bien évidemment, des nouveaux objets et de nouvelles capacités qui vont permettre à notre personnage d’atteindre des zones jusque-là… humm.. inatteignables. Oui, j’essaie de m’adapter au déclin progressif de la langue française et à notre lectorat. Le prochain test ne comprendra donc que 50 mots différents. Bref et comme je le disais plus haut, sur le papier, Ultros est un représentant on ne peut plus lambda du genre.
En revanche, sur la forme, c’est une toute autre histoire qui se dévoile sous nos yeux ébahis. En effet, si le genre a souvent eu un attrait certain pour les décors et designs bio-organiques et/ou bio-mécaniques, Ultros s’y vautre avec une rare délectation. Dans ce monde où la flore tout entière semble avoir copulé avec un caméléon tuné en RGB, tous les décors en mettent plein les yeux avec leur déluge de couleurs et leurs plantes étranges qui pullulent à l’écran.

Ici, les couleurs sont saturées à l’extrême et un soin tout particulier a été apporté aux animations du personnage et aux jeux de lumière qui embellissent chaque décor.
Le bestiaire, très bariolé et passablement agressif, n’est pas en reste avec un amour du fluo que ne renieraient pas les développeurs d’HALO. Qui plus est, chaque fin de combat donnera lieu à de magnifiques gerbes de sang qui peinturlureront tout l’écran. Soyons clair, le jeu est un magnifique benchmark pour votre bel écran OLED tout neuf.

Ce design bio organique ne se limite pas au visuel et aux couleurs employées. En effet, votre personnage pourra, pour reprendre des forces ou améliorer provisoirement ses capacités, consommer la chair de ses ennemis. Comme ça, ça peut sembler un peu dégueulasse mais la mécanique va s’avérer bien utile et justifier certains combats autrement évitables.
Contrairement aux autres Metroidvania dans lesquels le but du jeu va être d’atteindre le boss final, Utros va vous donner l’occasion de jouer à Tistou les pouces verts et de connecter les différents niveaux du jeu en plantant des graines obtenues en cours de trajet.

A vous les joies du combo charcutier / jardinier sans passer par le compte formation. Niveau gameplay, le personnage est très réactif, les combats sont nerveux et les phases de plateforme (on aura bien évidemment droit à un double saut, figure quasi imposée du genre) sont suffisamment agréables pour ne pas donner envie jeter sa manette qui vaut un rein contre les murs.
Sur le plan technique, c’est une autre histoire. Si le jeu est très joli et visuellement atypique, son optimisation reste perfectible. Alors que le mode performance tourne parfaitement bien et affiche des visuels très plaisants, le mode qualité, qui rajoute de nombreux effets visuels (flou cinétique, bloom etc.) souffre d’un important problème de tearing (sorte de déchirure de l’écran) et de quelques latences qui me conduisent à vous le déconseiller fortement, du moins jusqu’à ce qu’une mise à jour ne corrige le problème (notez bien que j’ai plus de deux mois de retard sur mon test et qu’il est possible que les problèmes soient désormais corrigés même si j’en doute fortement).

Spécificité propre à la Playstation, le jeu tire, un peu timidement, parti des gâchettes à retour haptique pour renforcer l’immersion et les sensations lors des combats. Alors, on achète ou on passe à autre chose ? Comme vous l’aurez compris, j’ai plutôt apprécié le temps passé en compagnie d’Ultros, ce qui est d’autant plus remarquable que le genre Metroidvania commence sérieusement à me lasser.
Pour peu que vous soyez ouverts à une expérience visuelle très différente des autres jeux du genre ou en manque de bon jeu, je ne peux que vous recommander Ultros, d’autant que le tarif reste assez raisonnable. A noter pour les joueurs PC encore hésitants que le jeu propose une démo sur Steam.
Genre : Metroidvania
Développeur : Hadoque
Editeur : Kepler Games
Date de sortie PS5 : 13 février 2024
Testé sur une version presse fournie par l’éditeur