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Mahokenshi – The Samurai Deckbuilder

Il est des jeux dont le titre et le sous-titre ne vous trompent pas sur le type de la marchandise. Tel est le cas de Mahokenshi – The Samurai Deckbuilder, dont vous ne serez sans doute pas surpris d’apprendre qu’il se déroule dans un univers japonisant-médiéval et dont le principal mécanisme tourne autour de la construction et de l’évolution d’un paquet de cartes (virtuelles). Le genre de jeu où l’on commence avec un jeu de cartes faibles et où l’on en accumule de meilleures au fur et à mesure de sa progression. A cela s’ajoute un aspect combat tactique en tour par tour et un soupçon de jeu de rôle.

Le jeu, développé par le studio français Game Source Studio, est sorti en janvier 2023 et était dans ma liste de souhaits depuis lors. Je l’ai finalement acheté lors d’une récente promotion. Cela valait-il le coup ? Vous le saurez en lisant l’article qui suit. Ben oui, il faut quand même ménager un peu de suspens.

La balade des Mahokenshi

Le jeu se déroule dans les îles célestes, un royaume découpé en îles volantes dont la culture rappelle celle du Japon médiéval mais où la magie et les créatures fantastiques sont bien présentes. Les protagonistes sont des mages-samouraïs : les Mahokenshi, alliant à la fois adresse au maniement du sabre et compétences dans les arts magiques. Ils sont chargés de protéger les îles célestes du Culte, de puissants et mystérieux adversaires qui cherchent à les corrompre et les détruire en ouvrant des portails dimensionnels permettant l’incursion de créatures peu avenantes : brigands, gobelins, onis (ogres/démons du folklore japonais) et autres sorciers.

Côté esthétisme, la charte graphique n’est ni kawaii (mignonne), ni inspirée des mangas ou des animes, pas de personnages aux yeux globuleux donc, mais reprend plutôt celle des jeux de plateau et des jeux de carte à collectionner, ce qui de mon point de vue est plutôt un bon choix. Les animations sont fluides, les graphismes des personnages, des cartes (richement illustrées) et du plateau de jeu sont excellents.

La musique est agréable et discrète, quoique, forcement, répétitive à la longue. Mais au moins on n’a pas envie de la coupée dès la première minute et elle est tout à fait en phase avec la thématique du jeu. Les amateurs pourront d’ailleurs se procurer la bande originale disponible à l’achat en tant que DLC.

Mahokenshi – The Samurai Deckbuilder bénéficie d’un tutoriel très bien réalisé.

La prise en main est ultra simple, l’interface est claire et intuitive, et le tutoriel (servant d’introduction à la campagne) très bien fait. Il est toujours satisfaisant de découvrir des jeux comme celui-ci, facilement accessibles, où l’écran n’est pas pollué par de multiples fenêtres (ici elles sont discrètes et apparaissent lorsque l’on en a besoin) et où accomplir la moindre action ne nécessite pas de multiples raccourcis claviers, d’ailleurs le jeu est parfaitement jouable uniquement à la souris. Facile d’accès ne veut pas pour autant dire aisé à maitriser, car à l’usage les défis de Mahokenshi s’avèrent à la fois complexes et intéressants, en particulier du fait de la synergie réussie entre les éléments de la tactique en tour par tour et ceux du deck-building.

Le jeu se déroule sur un plateau en vue isométrique ( 3D, pivotable et zoomable) découpé en hexagones où vont se déplacer et combattre vos Mahokenshi. Chaque hexagone comporte un type de terrain (plaines, forêts, collines, montagnes, etc.) qui va bien sûr influer sur les capacités de combat et de déplacement des Mahokenshi et de leurs adversaires. Ainsi les collines offrent des bonus en attaque, et les forêts en défense, tandis que les montagnes vous fournissent les deux. A vous d’optimiser le placement de vos personnages pour en profiter.

Les quatre samouraïs

Les Mahokenshi sont divisés en quatre grandes maisons, ayant chacune un animal totem et sa spécialité : l’attaque, la défense, l’infiltration, etc. et les cartes qui leur correspondent. Ainsi la guerrière Ayaka est associée au Tengu (l’équivalent japonais du phénix) et ses cartes lui permettent de voler et de déclencher des attaques fulgurantes. Kaito de l’ordre du Kappa (la tortue) quant à lui est un ‘tank’ aux cartes tournées vers la défense tandis que Sota est un ninja dont le deck de l’araignée permet de se déplacer discrètement et de lancer des lames empoisonnées. Enfin, Misaki, utilise la magie du Kitsune (renard) pour désorienter ses ennemis à distance. 

Vous allez commencer avec Ayaka, puis au fur et à mesure de l’avancement du jeu les trois autres Mahokenshi vont être mis à disposition. Vous aurez donc à les diriger tour à tour (un seul personnage par mission) au cours d’une campagne, divisée en dix-huit missions. Certaines de ces missions seront obligatoires, faisant avancer l’histoire, d’autres, annexes, permettront à vos personnages d’accumuler de l’expérience. Les missions sont assez variées et il vous faudra choisir le personnage le plus apte à les remplir : certaines favorisent l’attaque, d’autres la défense, la discrétion, la vitesse, etc.

Les missions se déroulent en tour par tour. Les Mahokenshi ont des points d’énergie qui leur permettent d’activer des cartes et de se déplacer sur le plateau de jeu durant leur tour, sachant que se mouvoir en terrain difficile coutera forcément plus d’énergie et que le coût d’activation des cartes sera fonction de leur puissance. La résolution des combats n’est pas sans rappeler certains éléments de Slay the Spire et du très réussi Fights in Tight Spaces.  

Lors de son tour, le joueur pioche aléatoirement des cartes de son deck parmi lesquelles peuvent figurer des cartes d’attaque destinées à frapper les adversaires, à préparer sa défense pour bloquer les dégâts infligés par les ennemis, à tirer de nouvelles cartes, ou d’accorder des bonus.  Une fois les actions de votre personnage effectuées, ce sera au tour des ennemis de bouger et d’attaquer.

Au début de chaque mission votre personnage dispose de cartes plutôt faibles, puis va en acquérir de plus puissantes en se déplaçant sur le plateau, en particulier en achetant celles-ci dans des villages avec de l’or gagné, en tuant des ennemis, grâce à l’utilisation des cartes. Et oui, tout est lié. Il est à noter qu’à chaque nouvelle mission les personnages commencent avec un nouveau deck et ne conservent pas leur or.  Cela ne plaira pas à tout le monde, mais personnellement je trouve que cela évite de rendre les personnages trop puissants, ce qui nuirait à l’intérêt du jeu.  De plus il existe plus de deux cent cartes différentes, ce qui est un gage de variété tactique.

Le sabre du mal

Bien sûr en chemin les Mahokenshi vont rencontrer moult ennemis (statiques ou non). Certains peuvent vous frapper à distance, vous empoisonner, ou vous maudire (en introduisant des cartes ‘parasites’ inutiles dans votre deck, mais dont il faut se débarrasser). Le plateau recèle de nombreux jalons (centres d’intérêts) permettant d’améliorer à la fois les cartes de vos Mahokenshi (ou de s’en débarrasser lorsqu’elles deviennent trop faibles ou sont maudites), mais aussi leurs caractéristiques telles que la force (qui augmentent les dégâts qu’infligent les cartes) ou leur nombre de points d’énergie, ou encore de récolter de l’or et des talismans apportant des bonus.

Le ninja de service se nomme Sota.

Il est tentant de vouloir se déplacer sur tous les jalons pour maximiser son personnage et son deck, mais cela ne doit pas se faire au dépend des missions. Car nombre d’entre-elles ont un timer à respecter (elles doivent s’accomplir durant un nombre de tour limité), donc pas question de flâner en explorant toute la carte.

Dans d’autres vous pourrez prendre votre temps, mais le nombre et la force de vos ennemis augmenteront à chaque tour. Ceci vous forcera à faire des choix difficiles et vous vous apercevrez, souvent trop tard, que chaque décision de mouvement ou d’attaque compte.  Ceci peut être parfois frustrant, car le côté aléatoire de la distribution des cartes n’arrange rien, même si c’est le principe du deckbuilding que de faire au mieux avec la donne que l’on a. Heureusement il n’existe pas de mort permanente pour vos Mahokenshi, s’ils sont tués au cours de leur mission, ils auront la possibilité de la recommencer à loisir. Ce sera même, éventuellement, l’occasion d’expérimenter celle-ci avec un autre personnage plus capable de la réussir. Enfin, vous pourrez également rejouer les missions déjà remplies avec succès si cela vous chante.

Les Mahokenshi progressent en engrangeant des points d’expérience suite à leurs succès durant les missions, mais aussi pour avoir rempli différentes quêtes et avoir défaits des ennemis. Chaque niveau d’expérience permet de débloquer des cartes disponibles de plus en plus puissantes. Ils peuvent également accumuler des cristaux leur permettant d’acquérir des bonus disponibles dans différents domaines de compétences.

Cerise sur le sakura mochi (dessert japonais) le jeu bénéficie d’un éditeur de niveaux, qui vous permettra de créer vos propres missions et d’en faire bénéficier les autres joueurs sur le workshop. A cela s’ajoute un DLC gratuit (à télécharger séparément) contenant 5 exemples de missions jouables qui peuvent servir de guide pour découvrir les possibilités de l’éditeur.

Au vu de tout ce qui précède les fans de samouraïs, de deck-building et de tactique en tour par tour seront ravis. Alors si c’est votre cas, devez-vous-vous franchir le pas ? Pas si sûr. Lisez ce qui suit avant de vous précipiter. 

Le plateau de jeu représente souvent un environnement riche en cibles.

Un petit sushi

Le jeu a un léger souci d’équilibrage de vos Mahokenshi. Ayaka le personnage avec lequel vous commencez le jeu est très forte par rapport à ses condisciples. Elle est rapide, de nombreuses cartes lui donnant la capacité de voler et de s’affranchir des terrains difficiles, ce qui est idéal pour les missions à remplir en urgence et pour récolter les cartes et talismans trainant sur le plateau. Elle frappe fort, nombre de ses cartes infligent de sérieux dommages à ses ennemis. Elle dispose de peu de cartes défensives, mais après tout à quoi peuvent elles servir vu qu’elle est capable d’éliminer ses adversaires avant qu’ils ne ripostent ? Par opposition Kaito est lent mais difficile à tuer avec sa pléthore de cartes défensives.

Ce dernier avantage s’avère souvent inutile dans les missions à timer. Votre personnage restant en vie, mais ne pouvant remplir sa mission à temps.  Autre avantage d’Ayaka elle est la seule disponible durant les premières missions, elle va donc forcément avoir plus de points d’expérience que les autre Mahokenshi ce qui va accentuer le déséquilibre par rapport à ses derniers. On a donc quatre personnages potentiels, mais finalement on a tendance à utiliser principalement Ayaka et quelques fois Kaito, Sota ou Misaki pour les missions spécifiques nécessitant plus de finesse.

En parlant de missions, celles-ci se révèlent à l’usage assez répétitives : il s’agit souvent d’aller à un endroit donné, ou de tuer tel ou tel boss. A cela s’ajoute le fait que les différentes catégories d’ennemis sont en fait assez peu nombreuses. C’est bien dommage, le bestiaire fantastique nippon étant pourtant d’une incroyable richesse on aurait aimé plus de variété.  Et puis il faut le souligner, le jeu est assez difficile à gagner (mais est-ce un défaut ?) et ne pardonne pas les imprécisions dans la stratégie ou le manque de chance dans le tirage des cartes. Des missions nécessiteront ainsi de multiples tentatives avant de réussir, ce qui pourrait devenir lassant pour certaines personnes.  

Si le prochain tirage de cartes lui est favorable, Kaito devrait bientôt en finir avec le boss de la mission : un oni de feu à qui il ne reste plus que 17 points de vie.

De gros Gokiburi !

Le jeu souffre malheureusement aussi de certains bugs et pas des moindres et d’un gros défaut de conception :  Il n’est possible de faire qu’une seule sauvegarde de la partie en cours. Ce serait un moindre mal si le système de sauvegarde ne souffrait pas de bugs. Et quand je dis bugs il ne s’agit pas de petits buginets certes énervants mais qui ne ruinent pas l’expérience de jeu. Là on a affaire à de gros gokiburi (cafards géants japonais) qui corrompent les sauvegardes.

En résumé, lorsque vous reprenez une partie sauvegardée, il y a des chances pour que celle-ci ne fonctionne pas. Heureusement, ce bug n’est pas trop fréquent, mais c’est rageant lorsque l’on a patiemment fait progresser ses personnages missions après missions et que ces efforts sont réduits à néant. C’est là qu’intervient un autre gros défaut de conception : le fait qu’une fois une campagne lancée on ne puisse en créer une nouvelle pour reprendre le jeu à zéro.

Combiné au bug de sauvegarde cela fait que certaines fois on ne peut plus jouer du tout, la sauvegarde étant corrompue il est impossible de commencer une nouvelle partie. Le fait que ce genre de problème ne soit toujours pas résolu alors que le jeu est sorti il y a plus d’un an, ne plaide pas en faveur de la réactivité des développeurs. Il existe certes une solution, mais là il faut mettre les mains dans le cambouis, si j’ose dire.

Exemple de sauvegarde corrompue, une partie des graphismes ne se charge pas et les commandes ne répondent plus. Il va falloir tenter de recommencer la partie.

Déjà, ne surtout pas sauvegarder la partie sur le cloud (oui ce n’est pas idéal), pour pouvoir, si besoin, effacer manuellement les fichiers corrompus se trouvant dans le sous-dossier ‘Saves’ du dossier ‘Mahokenshi_Data’ du jeu, et les remplacer par des fichiers sains dont on aura préalablement fait une copie de sauvegarde. Cela a marché pour moi, mais je ne peux absolument pas vous garantir que cela fonctionne à tous les coups. Les joueurs ne devraient pas avoir à bricoler pour résoudre ce genre de problème. Manœuvre à tenter à vos risques et périls donc.

Après la pluie

Alors, Mahokenshi – The Samurai Deckbuilder, l’achetez ou pas ? Si vous correspondez à sa cible : fan de deck-building, de combat tactique en tour par tour et d’ambiance nippone, difficile de ne pas vous le recommander. Et en cas de doute vous pouvez toujours tester le début du jeu grâce à sa démo. Cependant, si vous décidez de l’acheter, je vous conseillerais plutôt d’attendre qu’il soit en solde à petit prix, car le défaut de conception concernant la sauvegarde et le bug qui lui est attaché peuvent s’avérer particulièrement irritants, voire carrément décourageants.

On peut clairement s’interroger sur la pertinence du choix des développeurs de n’autoriser qu’une seule sauvegarde et de ne pas permettre de commencer plusieurs campagnes en même temps alors que la plupart des jeux sur le marché offrent ces possibilités.  Et a priori, s’ils avaient prévu de mettre en place ces fonctionnalités, ils l’auraient fait depuis longtemps. Donc pas vraiment d’espoir de ce côté-là. Pour résumer Mahokenshi – The Samurai Deckbuilder est un bon jeu, mais pas exempt de défauts qui pour certaines personnes pourraient s’avérer rédhibitoires.  Voilà, un samouraï averti en vaut deux.

Genre : Deck-building, combat tactique en tour par tour et jeu de rôle

Développeur : Game Source Studio

Éditeur : Iceberg Interactive

Date de parution : 24 janvier 2023

plasm@n

Wargames, jeux de plateau, jeux de figurines, jeux de rôle, jeux vidéo, tant de jeux et pas assez de temps.