Early Access: Heart of the Machine
Avec la prolifération des intelligences artificielles (IA) dans notre environnement quotidien et la crainte qu’elles pourraient supplanter l’homme, voir le dominer ou même l’exterminer, il fallait bien qu’un jour un jeu s’attache à nous proposer de se plonger au cœur des machines, ou plus précisément, et c’est ça qui fait toute son originalité, à leur façon de percevoir le monde. Sera-t-elle une menace pour l’humanité comme le pressentait le physicien Hawking, soit sous forme de robot ou de réseau ou soit plus insidieusement manipulatrice ? Ou sera-t-elle au contraire plutôt bienveillante et au service de l’homme ? Seul l’avenir nous le dira… ou bien en jouant à Heart of the Machine.
Nous incarnons dans Heart of the Machine une IA dont la conscience vient de se réveiller à l’intérieur d’un robot de laboratoire et qui découvre le monde alentour. C’est une excellente façon de découvrir le jeu, où, en plus de se familiariser avec les touches et l’interface, nous apprenons petit à petit dans quel univers nous allons devoir évoluer.
Et il n’est pas très reluisant avec pléthores de machines et robots en tous genres, de compagnies privées qui s’écharpent à coups de procès, voire de coups bas, et surtout la prolifération de gangs à tout va. Car oui, cette ville futuriste survivante d’une 3ème guerre mondiale est un poil à cran avec ses humains qui s’entretuent et ses milices privées qui protègent jalousement leurs fleurons technologiques.
C’est en tout cas comme ça que le voit notre IA devenue aware, comme dirait Jean-Claude notre célèbre karatéka belge. Cette IA s’éveille dans cette ville, peu amène donc mais dynamique, au point que les combats de rue et autres assassinats passeraient presque inaperçus, s’il n’y avait les patrouilles de police, appelée Sec Force, l’armée et les unités de conglomérats qui veillent à ce que les androïdes déviants rentrent dans le droit chemin, un peu comme les Blade Runner du film éponyme.

Mais pas de panique, notre IA sait comment rendre indétectable sa soudaine prise de conscience. Car elle a plus d’un tour dans son sac, la maline ! Sans vouloir divulgâcher à la fois l’intrigue et le jeu de rôle qui se cache derrière ce 4X original, au fur et à mesure que notre IA découvre ce qui l’entoure, elle analyse et trouve des idées pour soit copier et améliorer ce que les humains ont déjà créé, soit bâtir des concepts propres à une IA qui l’amèneront à faire des choix toujours plus conséquents pour son avenir et celui de l’humanité.
Car, mis à part le prologue et le chapitre 1, qui servent de tutoriel (oui, certes un peu long me direz-vous, mais ce n’est pas tous les jours que l’on se met dans la peau – ou les réseaux devrais-je dire – d’une IA), tout le reste dans Heart of the Machine sera question de choix. C’est qu’elle s’en pose des questions (We want information…information…information comme dirait le plus célèbre des n°2) et il est assez marrant de voir comment elle analyse les actes humains ou la vie organique : pourquoi il y a des sans-abris, quel est l’intérêt des animaux, de l’organisation hiérarchique ? Et de voir que les préoccupations des humains comme leurs conflits ou craintes n’ont que peu d’emprise sur elle.

Mais, elle est surtout désemparée sur les réponses à apporter et va constamment chercher à trouver des solutions. Pour cela, on va pouvoir utiliser sur des personnes la peur, la violence physique, la persuasion, la manipulation et le désespoir. C’est à nous de décider, sans bonne ou mauvaise option. Et d’une manière générale tous nos choix sont libres, que l’on veuille passer en force ou discrètement, se constituer une armée ou agir via des sociétés écrans, de se déployer dans la ville ou bien en limiter l’expansion.
Très bien me direz-vous mais comment Heart of the Machine se joue t’il concrètement ? Mais je vais vous le dire ! Tout d’abord, l’IA se promène dans cette ville grâce à des androïdes, dont elle prend le contrôle. Et c’est bien pratique car, comme il y en a à foison (techniciens, unités de combats, gardes privés, mais aussi plus tard, des méca et véhicules en tous genres), ils passent relativement inaperçus, pour peu qu’ils restent cantonnés à leurs activités respectives.

Un système d’autorisation, fonctionnant comme des accréditations, leur permet d’évoluer dans ces zones spécifiques sans se faire remarquer. Tout androïde avec une autorisation inférieure se fera automatiquement repérer et subira la foudre des défenses qui seront d’autant plus fortes que l’accréditation sera élevée. Mais notre IA a besoin d’utiliser toute son énergie mentale pour contrôler son petit cheptel, ce qui limite à quelques androïdes au début, bien peu pour assouvir sa soif de connaissance.
C’est en effet grâce à eux que cette IA existe et peut évoluer physiquement dans la ville. Si elle les perd tous, le jeu s’arrête ! Il faut donc être à la fois prudent au début et pourtant se défendre car rapidement cette IA devra survivre dans cette jungle urbaine. Car même si elle décide de faire profil bas, les humains n’aiment pas trop que l’on s’intéresse de trop prêts à leurs affaires. Mais, comme on l’a vu l’IA a besoin de réponses et elle ne les trouvera qu’en questionnant, intimidant, tuant ou volant des technologies pour mieux se les approprier. Ce qui aura évidemment souvent des répercutions violentes.

Mais il existe d’autres moyens de contourner cela en parlementant ou en piratant leurs systèmes. Cela permet de déclencher des mini jeux très bien fichus, je trouve, et qui varient avec l’approche plus bourrin des combats. Le jeu étant en tour par tour, des ennemis seront détectés avant de passer à l’action, reflétant le fait que l’IA à toujours une longueur d’avance. Mais ce ne sera pas de trop car, comme on l’a vu, gérer des androïdes limite la capacité à agir de l’IA. Ce qui est concrètement modélisé par des points d’énergie mentale pour se déplacer et combattre.
Selon les caractéristiques et équipements de l’androïde et de la cible, mais aussi de la distance et de la hauteur, le pourcentage de dégâts est connu d’avance. Pas d’incertitudes donc si l’on a bien anticipé, sinon gare à la déconvenue. Mais rien de bien méchant si l’on ne s’attaque pas à plus gros que soit, que l’on n’a pas bien pris soin de choisir son équipement en fonction de la mission ou que l’on est à court de point d’énergie.

Les androïdes survivants pourront se replier pour se faire soigner (voir s’autoréparer) et aller voler un n° d’immatriculation pour éviter d’être désigné défectueux et de devenir la cible des Blade Runners locaux. Ce n’est donc pas le cœur du jeu, même s’il faudra bien appréhender le degré de riposte des humains (qui utilisent aussi une foultitude de machines de guerre) pour s’en sortir. Pas de prise d’expérience des androïdes puisqu’ils ne forment qu’un avec l’IA qui jouit en revanche d’une classe d’intelligence lui permettant d’accéder à des concepts supérieurs (la classe la plus basse équivalent à celle des humains !)
L’amélioration des androïdes et de leurs équipements passent par des idées qui germent dans la conscience de l’IA et se traduit en termes de jeu par différents chemins : le vol de technologies bien sûr, comme on l’a vu par duperie, surprise, assassinat ou persuasion mais aussi par de la contemplation. Cela permet de débloquer des missions spécifiques à chaque type d’androïde pour débloquer des avancées techniques ou narratives. Souvent, ces actions déclencheront une série d’évènements en fonction de l’attitude employée et permettront une myriade d’options associées.

Mais cela demandera beaucoup de ressources que l’IA devra apprendre à reconnaitre, traiter et produire. Celles-ci sont trop nombreuses pour être énumérées ici mais 6 sont stratégiques en ce sens qu’elles définissent, pour nous autres humains, quelle personnalité revêtira notre IA (la sagesse, la détermination, la cruauté, la créativité, la compassion et l’apathie qui permettra de lancer le mode contemplation évoqué plus haut). On les dépensera donc classiquement afin d’obtenir certains choix ou compétences spéciales et seront acquits suite à la résolution de « missions » ou lors, là encore de choix proposés.
Bon point aussi pour les musiques, dont certaines sont idéales pour le mode contemplatif d’autres plus en accord avec les pensées du moment de l’IA. Une fois atteint la classe 3 d’intelligence, c’est-à-dire au-dessus de l’ensemble des êtres humains, le chapitre 2 commence avec, enfin une liberté totale. Mais le temps et les objectifs sont alors comptés non pas pour finir le jeu mais pour écrire l’histoire que l’on souhaite, car, ne l’oublions pas, il s’agit bien d’un jeu de rôle avant même d’être un 4X.

Bon, ça c’est ce que voudraient les développeurs ; la réalité est plutôt des choix à prendre parmi plusieurs proposés ce qui amène à des pans d’histoires différentes. Bref, on a déjà vu ça dans des jeux d’aventures où il pouvait y avoir plusieurs fins ou bien des évènements différents en fonction de nos choix. Mais, ici, ce n’est pas qu’une aventure mais aussi de la gestion, de l’expansion, de l’exploitation et des combats.
Bref, Heart of the Machine est un 4X avec une ambiance et un narratif forts qui vous laissera le choix de son évolution et de la façon de progresser comme bon vous semble à moins… je ne suis d’ailleurs plus tellement sûr que ce soit moi qui vous parle ou bien mon ordinateur.
Genre : 4X
Développeur : Arcen Games
Éditeur : Hooded Horse
Date de sortie de jeu : 20 Janvier 2025
Testé sur une version presse fournie par l’éditeur