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After Us

Les éditeurs d’After Us ne font rien comme tout le monde. Ils se lancent dans l’édition de titres souvent brillants et toujours décalés. Jugez plutôt : Kerbal Space Program c’est eux, Ancestors c’est eux, Olliolli World c’est eux, même Rollerdrome c’est eux ! Alors quand Private Division annonce que son prochain jeu sera un action-platformer 3D où nous prendrons les commandes de Gaia qui devra se balader dans un monde post-apocalyptique ravagé afin de le guérir, « coloriez moi intrigué » comme disent nos amis anglo-saxons.

L’apeau qu’a lippe, tsé

Le monde est détruit, pas du genre « un peu détruit où tout est sale et rouillé », non cette fois c’est foutu, finito, end of times, même la nature ne s’en remettra pas. Et c’est clairement de notre faute à nous, les humains. D’ailleurs, de nous il ne reste pas grand-chose, des statues immobiles perdues dans un purgatoire sans fin, entourées des lambeaux de notre civilisation. Carcasses de voitures, autoroutes éventrées, gratte-ciels en ruine et grues rouillées ; tout baigne dans une atmosphère étrange, malsaine et irréelle.

C’est cette désolation qui fait se réveiller Gaia, un être androgyne et enfantin, symbole jusque dans son nom du coeur du monde. Gaia regarde cette désolation avec émotion, et décide de faire quelque chose. Pas pour les humains, c’est trop tard pour eux de toute façon, mais pour la flore et la faune. Elle s’éveille et part, sous les conseils avisés d’une voix off omnisciente, pour faire renaître le monde.

Pour atteindre son but, notre protagoniste dispose de plusieurs facultés. Il peut faire des doubles sauts, drifter, accélérer, mais également projeter son « cœur » sous forme de boule de lumière, ce qui lui servira principalement d’arme à distance, ou encore d’une concentration d’énergie qui fera reverdir tout autour d’elle, pendant un bref instant.

Ces différentes techniques permettent de triompher de différents obstacles. Le tout présenté dans un tutoriel diégétique très classique, mais réussi, sous la forme « une nouvelle capacité = un nouveau problème à résoudre ». Le jeu étant entièrement en 3D, on peut librement tourner autour de Gaia, parfois pour chercher son chemin et parfois simplement pour admirer le décor.

Arme à Gidéon

After Us alterne des phases de plateforme avec des phases d’exploration et, rarement au début puis de plus en plus, des phases d’affrontement. Comme souvent avec la plateforme en 3D, les sauts manquent de précision, même si le jeu nous aide avec des marqueurs visuels clairs. Pour quelqu’un comme moi, dont ce n’est vraiment pas la tasse de thé, le gameplay de ce type est une souffrance. Je tombe plus qu’à mon tour et j’enrage très vite. Heureusement, le jeu a l’intelligence de vous faire revenir très peu de temps avant votre mort. De plus, son absence de timer et sa musique apaisante me calment suffisamment pour que je persévère malgré tout.

Les phases d’exploration quant à elles ne brillent pas par la multitude des chemins que Gaia peut emprunter, il n’existe que quelques embranchements possibles, mais bien par la somptuosité des décors. Il ne s’agit pas uniquement d’un monde détruit et pollué, mais de la représentation onirique de celui-ci. Tout est démesuré, flottant, impalpable et pourtant bien présent et dangereux. Des flaques noires d’où sortent de longs filaments préhensiles cherchant à nous attraper, des créatures plus vraiment humaines, corrompues et malfaisantes, qui veulent en faire autant. Des tours de métal crachant le feu et forant la terre qu’il nous appartient de détruire pour les remplacer par la nature luxuriante.

C’est au détour de ces visions cauchemardesques que After Us nous demande de collecter les esprits des animaux disparus, de faire rejaillir des arbres, de retrouver des souvenirs perdus et, au final, de soigner des lieux. Là encore, la direction artistique reste dans le ton à la fois poétique et désespéré, puisque ces esprits d’animaux disparus hantent ces lieux, comme si, attachés à l’humanité qui avait causé leur perte, ils ne pouvaient se résoudre à les quitter totalement.

Ote toi d’Gaia que je m’y mette

Comme je l’ai évoqué, il va y avoir des affrontements avec d’anciens humains, corrompus par la pollution, qui ne trouveront le repos que si Gaia les frappe avec son « cœur » de lumière. Comme de juste, les premières créatures seront faibles et faciles à éliminer puis les choses deviendront plus complexes au fur et à mesure qu’on progressera dans le jeu. Certaines de ces créatures seront rapides, d’autres seront cuirassées, d’autres enfin combineront ces éléments, et parfois la bonne solution sera la fuite. Trop rarement malheureusement.

Car un des rares points noirs du jeu, à mes yeux, se résume par ces quelques mots : pourquoi fallait-il qu’il y ait des combats ? Je ne dis pas qu’ils n’ont pas de sens dans le gameplay du jeu, ils apportent une variété bienvenue et probablement une petite dose d’adrénaline (certaines de ces créatures sont franchement flippantes). Mais la présence de ces passages obligés, souvent en fin de niveau, nous renvoie trop vite et trop fort que l’on joue à un jeu vidéo dont l’habillage se veut porteur d’un propos. Ce n’est pas parce qu’on change le nom des choses que l’on transforme fondamentalement le gameplay qui leur est attaché. On peut toujours dire qu’on purifie les âmes corrompues, ça reste un boss de fin de niveau, etc. Ce n’est pas grave en soi bien entendu, mais ça brise un peu l’immersion et surtout la poésie du titre.

Autre point un peu malheureux, la technique. Si la première heure de jeu est fluide et se passe globalement sans soucis, j’ai eu de nombreux ralentissements par la suite. Des chutes de framerate qui interviennent parfois à de très mauvais moments (en plein saut par exemple), mais le plus souvent quand on arrive dans une nouvelle zone. On passe alors de 50-60 fps à un joli slideshow de quelques secondes. Toutefois, il me semble important de préciser que j’ai testé After Us sur une version presse, donc bien avant la sortie officielle et sans les optimisations qui ont sans nul doute eu lieu d’ici là.

La faim des Taons

Malgré ces quelques petits aspects négatifs, car aucun jeu n’est parfait, After Us est une franche réussite, tant visuelle et sonore que par son propos. Malgré les obstacles et les difficultés, on prend plaisir à accompagner Gaia dans sa quête, et à régénérer un peu plus à chaque étape ce monde étouffant sous les détritus. Les lieux que l’on visite sont beaux, mais savent aussi être angoissants et d’une tristesse infinie. Les humains, ou plutôt ce qu’il en reste, par leurs attitudes figées dans un élan laborieux et expressif, m’évoquent les sculptures de l’artiste polonais Jerzy Kalina. Symboles d’une humanité sans âme, crève-cœur d’êtres à la courte vue, ils se retrouvent pétrifiés dans leur enfer éternel.

On se prend alors à vouloir, nous aussi, soigner ce monde, faire repousser les arbres, rassembler les esprits des animaux et faire reverdir ce sol malade. Chaque explosion de vie de Gaia nous redonne un peu de joie et, à certains moments clefs du jeu, je défie quiconque de ne pas avoir eu la gorge serrée et une petite poussière dans l’oeil.

Genre : Aventure, Action, Plateforme

Développement : Piccolo

Éditeur : Private Disivion

Date de Parution : 23 Mai 2023

Testé sur une version presse fournie par l’éditeur

CekterDown

Fasciné par Sherlock Holmes et le mythe de Cthulhu, j'aime également la science-fiction et tout ce qui s'y rapporte, je ne réponds qu'aux superlatifs et ne désespère pas qu'on me voue un culte un jour. J'aime surtout m'entourer de gens plus talentueux que moi.