Bandes DessinéesLire

Le Comptoir de la BD

Une fois n’est pas coutume, je ne vais pas vous parler d’une œuvre mais de gens qui vous permettent de découvrir des œuvres en l’occurrence bandes dessinées, mangas et autres comics disponibles au Comptoir de la BD, célèbre librairie de Versailles. Comme celle-ci fêtait ses 30 ans d’existence avec un petit festival le 13 Avril, je m’y suis rendu avec mon alcoolique acolyte Mitchpuru. Petit tour d’horizon avant une interview de Bertrand, le tenancier des lieux.

Le Comptoir de la BD de Versailles (il y a une autre boutique à Boulogne-Billancourt, qui fait aussi partie de Canal BD) n’est pas une boutique gigantesque mais elle est garnie de tout ce que l’amateur de BD peut rechercher (en plus d’un accueil chaleureux) : des nouveautés bien sûr, mais aussi des séries plus anciennes, avec des œuvres allant de la jeunesse aux thèmes plus adultes. Personne n’est laissé à l’écart, même si je verrais bien les mangas disparaître au profit des comics en anglais… Mais on me fait signe que ça ne serait pas rentable.

Forcément, la moindre séance de dédicaces devient un casse-tête d’organisation pour faire tenir les auteurs invités, les clients de passage et ceux désirant une dédicace. Impossible dans des locaux aussi exigus d’organiser un salon, aussi modeste soit-il. La solution fut simple (je dis ça mais je n’en ai aucune idée en fait, si ça se trouve le pauvre Bertrand y a passé des heures et je minimise ses efforts) : se faire héberger par l’excellent restaurant Italien juste à côté. Quelques tables devant le restaurant pour accueillir artistes et public, d’autres à l’intérieur chargées de BDs à acheter pour se les faire dédicacer, un grand soleil et c’est parti !

J’ai donc eu la joie de rencontrer – entre autres – Laurent-Frédéric Bollée avec qui j’ai discuté de La Bombe que je n’avais pas encore lue (à ma grande honte), et aussi Xavier Besse dont la superbe dédicace orne maintenant mon exemplaire de La Perfection du Cercle. Il était fort agréable d’écouter les conversations qui démarraient entre artistes et lecteurs, le tout sous l’œil curieux des passants qui profitait du soleil. Ce n’était pas la première séance de dédicaces organisée par le Comptoir de la BD à laquelle j’assistais, mais c’était assurément la plus agréable !

Messieurs Besse, Bollée et Bizzarri

Tout ceci n’aurait bien entendu pas été possible sans le travail acharné de Bertrand Renard, à qui je dois aussi énormément de découvertes depuis que je fréquente sa boutique (et je suis sûr que vous aussi vous avez votre repaire attitré, avec une équipe tout aussi sympa pour s’occuper de vous). Cet article est donc l’occasion de le remercier pour ses excellents conseils et ses discussions toujours passionnantes. Si vous passez sur Versailles, n’oubliez pas de venir lui faire un petit coucou. La boutique n’est pas loin du château donc vous n’avez pas d’excuse !

Bonjour Bertrand, peux-tu te présenter à nos lecteurs s’il te plaît ? Que faisais-tu avant de reprendre le Comptoir de la BD ?

Bonjour à tous, je m’appelle Bertrand Renard (oui comme les Chiffres et les Lettres), avant de devenir libraire j’ai été infographiste pendant plus de 15 ans. J’ai travaillé pour l’état et des entreprises privées.

Qu’est-ce qui t’a décidé à changer de carrière ?

J’aimais mon travail (et je l’aime encore plus maintenant que je continue d’en faire pour moi et mes amis), mais pas de modifier constamment au gré des humeurs de supérieurs qui ne comprennent pas que si on utilise telle couleur ou image, c’est volontaire et réfléchi pour faire ressortir quelque chose de précis et non pas pour faire joli et que par un caprice l’on peut changer en un claquement de doigt. Après presque 20 ans de métier, j’ai compris que le problème serait le même partout et j’ai eu envie et l’opportunité de changer de vie.

Quelles sont les œuvres et auteurs qui t’ont marqué ? As-tu un ou des thèmes de prédilection ?

Je n’ai plus de thèmes de prédilection car je dois lire de tout aujourd’hui et j’aborde la lecture différemment, mais j’en ai eu. Le comics (et je parle de la BD américaine dans son ensemble pas que du super-héros) est mon influence majeure. J’ai été marqué par la série Invisibles de Grant Morrison et Transmetropolitan de Warren Ellis lors de leur sortie chez feu Le téméraire, ces deux œuvres à la fois complètement déjantées et engagées m’ont bluffé, c’est globalement aujourd’hui ce que je préfère de la SF sociétale ou du fantastique qui pose des questions ou avec des concepts ultra-barrés.

Quel est le projet BD hypothétique auquel tu rêves, que ce soit en termes d’histoire ou d’auteurs ?

Je ne rêve pas de projet en particulier mais plutôt de thématique, j’adorerais avoir des titres d’aventure de qualité, quelque chose dans la lignée des Indiana Jones (un Munuera sur du Tarzan ou  un truc d’espionnage rétro je dirais plus que oui) ou même le retour à de la SF positive avec dans les associations, des auteurs britanniques comme Neil Gaiman, Warren Ellis, Alan Moore, travailler avec les mecs du label 619 comme Bablet ou Singelin… dans une espèce de nouvelle alliance BD franco-anglaise. Je pense qu’il y aurait beaucoup de belles choses à lire.

Quelle est ta plus grande source de satisfaction en travaillant au Comptoir de la BD ?

Quand quelqu’un revient pour me dire qu’il a adoré la BD que je lui ai conseillée. Je fais ce métier pour lire des BD, mais surtout pour conseiller les gens et partager ma passion.

Quels sont tes projets pour la boutique ?

Nous venons tout juste de finir un mini salon pour nos 30 ans et ça prend un temps et une énergie folle. Donc pas de gros projets pour le moment. Nous travaillons pour faire des dédicaces de manière plus régulière (une par mois serait le top). Il faudrait aussi améliorer notre communication sur les réseaux sociaux et c’est en cours. Le reste est pour le moment secret ou vague, mais il y aura un nouveau meuble et des tabliers de comptoirs. 😉

Comment se porte le monde de la BD en France ?

Il a beaucoup changé ces 4 dernières années. Il était sur une phase montante ces 15 dernières années avec quelques années un peu en dessous, mais globalement en hausse, et il a explosé avec le Covid, avec des ventes records, pendant 2 ans. L’arrivée du pass culture a aussi beaucoup favorisé les ventes, aujourd’hui avec un retour à la normal le marché est en baisse depuis 2 ans. L’année dernière ça n’inquiétait personne car on revenait sur des niveaux normaux, cette année c’est un peu différent, le tassement est fort et le marché connaît une vraie baisse et pas une légère.

La fréquentation est en baisse, les achats aussi. La seule chose rassurante c’est que cela semble toucher tous les secteurs liés au commerce (coiffeur, resto, magasin de vêtements, jeux…). En dehors de ça il se porte bien, nous avons environs 7-8000 nouveautés à l’année, allant du récit de vie intimiste aux thrillers morbides en passant par les confins de l’espace, la seconde guerre mondiale sans oublier les histoires d’amour et les titres pour enfants et une infinité de genre. Si je pense qu’il y a trop de titres aujourd’hui, à l’opposé il y a forcément une BD pour chaque personne. Nous avons une diversité tout aussi grande que dans la littérature, si ce n’est plus.

Qu’as-tu à dire pour ta défense devant les photos postées sur votre page Facebook lors du Festival d’Angoulême ?

Que nous referons Florent et moi un nouveau thème l’année prochaine et que l’on ne ferait pas ce genre de choses si ce n’était pas nos posts les plus aimés (je m’achète déjà de nouvelles chemises).

Je ne blaguais pas… Florent à gauche (de la boutique de Boulogne), Bertrand à droite.

Peux-tu nous présenter le festival BD que tu viens d’organiser ?

Festival est un bien grand mot, c’est plutôt une grande rencontre. Il y a 30 ans Planète 33 naissait. Gérée par Fabien Roche et son Fils Bertrand Roche la librairie a tenu jusqu’en 2018 où, avec mes associés, nous avons repris. Nous avons eu cette année l’envie de célébrer la longue vie d’un petit commerce, 30 ans ce n’est pas rien. Et pour remercier nos lecteurs nous avons organisé une grande séance de dédicaces avec un maximum d’artistes possible dans une limite raisonnable (nous ne sommes pas Buc).

Quels sont les principales difficultés quand on organise un festival comme ça ?

Il y en a tellement. La plus simple qui englobe tout c’est de ne l’avoir jamais fait. Organisateur d’événements c’est un métier, il y a énormément de choses auxquelles il faut penser, parfois les trucs les plus logiques on peut les oublier sous l’ensemble à faire. En gros faire un salon c’est comme organiser un mariage, sauf que les invités ne veulent/peuvent pas tous venir et qu’il faut savoir s’adapter aux annulations de dernières minutes. Et pour participer en tant que libraire à 4 salons par an, ce n’est vraiment pas la même chose que de l’organiser soi-même. On n’a pas juste les livres à ramener et le TPE.

Qui aurait été l’invité(e) de tes rêves ?

Il y en a tellement ! J’aurais aimé des scénaristes comme Ellis, Moore, Gaiman, Morrison, Waid, des auteurs comme Munuera, Loisel, Yslaire, Meurisse, Luz, Conrad, Singelin, Dytar, Chemineau… Mais je suis déjà super heureux du plateau que nous avons eu. Laurent-Frédéric Bollée, un des meilleurs scénaristes actuellement, Nicolas Juncker qui peut tout faire et est fortement sous-estimé, le trop rare, mais excellent Xavier Besse, l’un des rois de la jeunesse Erroc, Karim Friha, Marc Vedrines qui sont d’excellents auteurs, et que dire des Vincenzo (Bizzarri et Balzano), ils sont jeunes, hyper talentueux et vont monter en puissance.

Tu remettras ça dans 10 ans ?

Deux jours après, la réponse est non, c’est très stressant dans l’organisation, trop pour moi. Mais on en reparle dans 8 ans, j’aurais peut-être changé d’avis.

Question subsidiaire de mon épouse : « pourriez-vous le bannir de la boutique svp ? On n’a plus de place pour des BDs ! »

Ah ah ah. Je vais donner le conseil que je donne toujours quand on me dit qu’il n’y a pas assez de place. Le meilleur moyen de lire beaucoup c’est la médiathèque, aujourd’hui (ce ne fut pas toujours le cas) elles sont souvent bien fournies et elles permettent deux choses importantes : de lire à moindre coût et de ne pas prendre de place. Et une fois que la BD est lue, si vraiment elle est géniale, et que vous êtes sûr de la relire venez l’acheter en boutique.

Je te laisse conclure !

Merci beaucoup pour cet espace pour parler un peu de moi et de la boutique, j’espère avoir donné aux gens l’envie de passer pour trouver et découvrir de belles lectures. A bientôt.

Harvester

Collectionneur compulsif et un peu trop passionné, accumule jeux et livres en essayant d'entraîner un maximum de gens dans ses vices...

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