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Night Loops

Dans ma vie, j’ai principalement travaillé de nuit. Il faut dire que j’ai toujours aimé l’ambiance nocturne. Tout est plus calme, plus feutré, presque comme si la vie faisait une pause. Mes heures préférées étaient entre trois et six heures du matin. La nuit y était plus profonde, plus sombre. On dit souvent que l’heure qui précède l’aube est la plus noire, et j’ai pu constater la véracité de cet adage de mes propres yeux.

Ce sont aussi les heures les plus longues, celles où le temps ne semble pas filer, surtout quand on attend la relève et qu’on compte les minutes qui nous séparent du lit. C’est dans ce contexte bien particulier de « la dernière heure » que vient se jouer Night Loops. Lui aussi est différent. Très différent.

The Vast Of Night

Dans Night Loops, on incarne une personne chargée de l’accueil nocturne de l’hotel Seaside. C’est la dernière heure de sa dernière nuit de service. En effet, elle a décidé de quitter définitivement son emploi à 6h du matin, et là, il est 5h. Que va t-elle faire de sa dernière heure ? C’est ce qu’on va nous demander de découvrir et, comme on s’en doute, tout ne va pas exactement se passer comme prévu.

Night Loops est en vue isométrique (2.5D disent les experts autoproclamés), tout en noir et blanc et en pixel art. Les endroits semblent flotter sur un fond lui-même mouvant (La mer ? Autre chose ?). L’ensemble est déstabilisant et particulier. Le tout est renforcé par une musique discrète mais très lugubre qui accompagne la progression.

Comme on s’en doute, notre personnage est pris dans une boucle temporelle. Et pourtant pas vraiment puisque c’est surtout nous qui sommes pris dans la boucle temporelle du jeu. Sans rien spoiler, sachez qu’on rencontrera un mouton (ou un bélier) beaucoup trop bavard, des spectres inquiétants, des prédicateurs fous, des peintres dépressifs et des brutes à tête de chien.

On portera des masques aussi. Beaucoup de masques qui très étrangement nous serons très utiles. Un jeu d’exploration et d’énigmes, dont la narration se dévoile au fur et à mesure de ces boucles d’une heure avec un temps qui parait à la fois si lent et pourtant si rapide.

Blue Velvet

Techniquement, le jeu est très particulier et demande qu’on s’y attarde. Au-delà de ce qu’on peut constater de visu, noir et blanc uniquement, vue isométrique et style d’inspiration manga ; le jeu mélange de nombreuses influences, et notamment une approche très onirique de ce qui se passe, entre les contrées du rêve de Lovecraft et les films de David Lynch.

En effet, on ne nous demande jamais réellement de nous interroger sur ce qui se passe, on le vit, c’est « comme ça ». La réflexion sera ailleurs, différente, toujours à la lisière de la réalité. Comme dans nos rêves, il y a une part d’acceptation nécessaire à la progression dans l’histoire. Tout y est pourtant logique, mais possède uniquement sa propre logique.

Les énigmes en deviennent donc parfois assez difficiles. Surtout si on ne capte pas la logique inhérente à cette partie de l’hôtel. Je n’ai toutefois pas encore été totalement bloqué, mais il m’est arrivé de boucler trois ou quatre fois avant de comprendre enfin ce qu’on attendait de moi.

Pur produit de ce que la scène indépendante a de plus cryptique, c’est un jeu qui ne se joue qu’au clavier. Ça n’a l’air de rien, mais ce simple fait m’a déstabilisé également, habitué que je suis à la double interface clavier-souris. Et cette simple contrainte de gameplay est déjà une interrogation en soit : pourquoi me semble-t-il si naturel d’utiliser la souris que m’en priver me perturbe ? C’est une des nombreuses questions que le jeu nous pousse à se poser.

First and Last and Always

Pourtant, il ne brise à aucun moment le quatrième mur comme on peut le voir parfois, mais de par ses thèmes, son gameplay et sa réalisation, il nous questionne plus intimement que ce qu’on pourrait imaginer de prime abord. Cette heure qui s’étire, qui boucle, qui nous laisse prisonniers de cet hôtel, sans jamais voir poindre l’aube marine tant attendue.

Cet hôtel trop proche de la mer pour son propre bien, ses secrets, ses résidents, ses énigmes et son ambiance, devient une menace sourde, un endroit qu’on veut quitter à tout prix. L’heure qui nous reste à tirer en début de partie devient un enfer personnel et éternel.

Je ne sais pas si Night Loops sera pour tout le monde. Peut-être le trouverez-vous trop obscur, trop particulier, trop niche même. Mais comme souvent, dans les jeux qui me plaisent, je l’ai vécu comme une vrai rencontre.

À l’instar de World Of Horror ou de Slay The Princess pour citer les plus récents, c’est une œuvre qui dépasse chez moi le « simple jeu vidéo de divertissement » pour entrer dans une catégorie de « jeu vidéo d’art ». Libre à vous d’y adhérer ou pas, mais pour le prix-là encore dérisoire, je vous incite fortement à tenter votre chance.

Genre : Aventure-Psychologique Horrifique

Développeur : Jiaquarium

Editeur : Freedom Games

Date de Sortie : 16 oct 2023

Plateforme : PC, Mac

Testé sur une version presse fournie par l’éditeur

CekterDown

Fasciné par Sherlock Holmes et le mythe de Cthulhu, j'aime également la science-fiction et tout ce qui s'y rapporte, je ne réponds qu'aux superlatifs et ne désespère pas qu'on me voue un culte un jour. J'aime surtout m'entourer de gens plus talentueux que moi.