Routine

Vous savez ce que c’est les jeux vidéo. On vous annonce un jeu d’horreur dans une station spatiale, le pitch classique. Vous savez que vous allez devoir courir dans tous les sens, sûrement découper des aliens bien moches avec des fusils laser et sursauter quand les lumières s’éteindront au détour d’un couloir. Vous êtes prêt pour tout ça et… vous lancez Routine. Oui, Routine. Le titre de jeu d’horreur le plus… euh… le moins adapté. Et vous prenez une bonne grosse claque.
Oubliez les aliens gluants – bon ok il y aura un petit quelque chose dans le genre mais chut, vous verrez bien – oubliez les armes futuristes ou les vaisseaux spatiaux. Dans Routine vous êtes sur une base lunaire, ambiance années 80, dans la combinaison d’un ingénieur qui se réveille au beau milieu d’un sacré bordel.
La procédure de confinement a été déclenchée, vos collègues ont disparu et vous ne savez absolument pas quoi faire. Et rassurez-vous le jeu ne va… pas vous aider du tout. Pas de HUD, pas de flèche pour vous indiquer le prochain objectif ou de minimap. Vous avez un CAT (Cosmonaut Assistance Tool) que vous pouvez connecter à divers écrans pour revoir tout ce que vous avez appris et sauvegarder mais en dehors de ça, débrouillez vous. Mais vraiment.
Vous avez trouvé le code pour accéder à la réception ? Notez-le. Vous avez lu un indice sur comment déverrouiller une porte ? Notez-le. Il y aura bien quelques indices qui seront noter sur votre journal, mais généralement ce sera à vous de vous débrouiller. De regarder autour de vous, de réfléchir. De vraiment LIRE ce que vous verrez sur les murs ou sur les différentes notes disséminées ici et là. Je ne rigole pas, j’ai littéralement pris en photo mon écran et sorti un calepin pour résoudre certains passages.

Routine n’est pas là pour être votre maman, Routine veut juste que vous vous débrouilliez par vous-même parce que soyons honnête, vous n’êtes plus un enfant et il faut que les jeux arrêtent de vous tenir par la main. Et ça marche. Enfin, au début ça pique. On tourne en rond, on cherche quoi faire. Rien pour aider. Pas le moindre objet qui brille, pas de curseur sauf quand on le passe sur un objet interactif. Généralement une note de service ou une batterie pour le CAT.
Ce cher CAT, sans qui vous ne pourriez progresser. Sa fonction de base est d’envoyer des décharges électriques, idéales pour mettre HS un relais alimentant une porte fermée. Ou pour mettre hors de combat un de ces robots ultra-résistants à la démarche lourde qui patrouillent dans la base et qui n’hésiteront pas à vous pourchasser.

Et vous allez courir, en flippant, pour leur échapper. Vous glisser subrepticement derrière eux. Mais ça ne marche pas tout le temps, alors vous allez courir en espérant atteindre ce passage caché avant d’être rattrapé. Quelle ambiance mes amis. Que de moments flippants.
Pas à cause d’une horreur bien dégueulasse. Non, juste du fait de l’ambiance, de cette station lunaire en ruine, où la vie s’est arrêtée et que vous allez devoir traverser pour vous échapper. De cette incertitude constante.

Et le pire c’est qu’on ne se lasse pas. Parce que la menace est soigneusement dosée et surtout parce que le principal intérêt de Routine n’est pas là. Routine est une aventure – flippante certes mais une aventure – dans un monde rétro-futuriste du meilleur goût où la vérité se dévoile petit à petit par le biais d’archives et de notes. C’est le premier jeu de Lunar Software et pourtant ils pourraient donner des leçons à un grand nombre de studios.
Routine base donc son gameplay sur l’immersion. En refusant au joueur un HUD ou la moindre aide, il l’oblige à s’immerger et à vraiment s’y croire. On vous demande votre identifiant, qui n’est noté nulle part dans votre journal ? Souvenez-vous, vous avez lu une note disant que votre badge doit être porté visible en toute circonstance. Il vous suffit donc de baisser les yeux pour regarder votre torse.

Vous débloquez une vision aux ultraviolets pour le CAT ? Utilisez-la pour déterminer quelles touches ont été pressées sur un terminal. Tout est comme cela, basé sur la réflexion et l’observation. Et on est encore plus fier quand on parvient enfin à déverrouiller cette porte devant laquelle on butait depuis un quart d’heure.
Et passé le chapitre 3, le jeu prend une toute autre ampleur. Oubliez les robots, place à une créature que ne renierait pas Alien Isolation. Elle vous poursuivra, émettant des sons bien flippants, parcourant les couloirs de son pas lourd. Avant de disparaître un moment pour mieux réapparaître plus tard.

Histoire de vous faire encore plus stresser alors que vous essayez de suivre cette fichue procédure qui vous permettra de partir. Savoir quelles pièces alimenter en énergie et dans quel ordre, partir chercher un badge, un ceci ou un cela, toujours sans savoir si vous pourrez faire tout ça tranquillement ou s’il faudra courir pour échapper à ce curieux humanoïde…
On pourrait craindre que, premier titre oblige, la réalisation technique soit un peu en retrait. Il n’en est rien, bien au contraire. L’ambiance années 80 est parfaitement rendue, les éclairages sont superbes et les décors détaillés sans être surchargés. La bande son est quant à elle parfaite, avec des doublages crédibles et une spatialisation des effets aux petits oignons. Vous flipperez, rien qu’à écouter ce qui se passe autour de vous, prostré dans un coin sombre.

Si je devais trouver des défauts à Routine, je pourrais mentionner ces énigmes parfois bien retorses, où la durée de vie limitée à 6-7h. Mais ce serait injuste car cela n’est en rien gênant. Ce que le jeu perd en rejouabilité, il le gagne en ambiance et en tension. L’histoire est crédible (oui bon on parle d’une base lunaire dans les années 80 donc faites preuve d’un peu d’imagination), le monde encore plus. Tout est logique, rien n’est laissé au hasard et si vous êtes bloqué, c’est parce que vous avez survolé un détail. Ou n’avez pas assez regardé ce corps, peut-être que vous auriez pu l’identifier…
Lunar Software a mis 13 ans pour finir Routine. 13 longues années à travailler leur copie, à imaginer des mécaniques originales, à trouver des manières intelligentes d’obliger le joueur à vraiment voir son environnement et non pas à le traverser jusqu’au prochain checkpoint. Et pour tout cela, ils ont mon respect et mon admiration. Ils auraient pu créer un titre classique qui se serait sûrement bien vendu. Ils ont préféré prendre des risques, aller à fond dans leurs idées et leurs décisions. Cela faisait longtemps que je n’avais pas passé un week-end à flipper et à sursauter, laissant tomber tout le reste pour juste me concentrer sur un jeu. Respect messieurs dames, prenez donc ce Dystoseal bien mérité !
Genre : Horreur
Développeur : Lunar Software
Editeur : Raw Fury
Date de sortie : 4 décembre 2025
Testé sur une version presse fournie par l’éditeur

Genre : Horreur