Blood Bowl 3
« Mais vazy c’est quoi ce nain de ses morts, pas foutu de rattraper un ballon alors qu’il est devant lui » fut le cri de rage d’un Lupus frustré par énième passe ratée d’un de ses joueurs, un dimanche soir dans mon casque. Y a-t’il plus douce mélodie que votre adversaire rageant qu’une action aussi simple échoue sur un pauvre coup du sort ? Blood Bowl est-il le jeu de sport préféré de ceux qui n’aiment pas le sport ? Lupus va-t’il retrouver sa sérénité avec Blood Bowl 3 ? Non, oui, non.
Any Given Sunday
Blood Bowl (BB pour les intimes) est avant tout un jeu de plateau avec des dés et des figurines (à peindre et à collectionner parce que l’argent) édité par Games Workshop (GW) en 1987. Interprétation foutraque et délirante du football américain, Blood Bowl se déroule dans l’univers de Warhammer où elfes, nains, trolls et autres créatures diverses et variées cohabitent tant bien que mal en se foutant sur la tronche plutôt que se réunir autour d’une table et discuter tranquillement, non mais sans blague c’est quoi ces gens ?
Hum, pardon…
Le but sera donc pour votre équipe d’amener un ballon ovale dans la zone de but de l’autre équipe. Bien entendu quasiment tous les coups sont permis pour arriver à vos fins : esquives, tacles, coups de poing dans la tronche, magie, public (oui), etc. Il n’y a que 2 « interdits » (et encore) : piétiner un adversaire à terre et utiliser des armes trop voyantes. Pour le reste c’est vous qui voyez…
Bien entendu, sous cette apparente simplicité se cachent des règles plutôt velues à base de points à répartir, de compensateurs de jets de dés et autres fatigues intellectuelles qui ne font frémir que des simulationnistes rendus fous par le manque de wargames de qualité.
Friday Night Lights
Heureusement pour les joueurs comme moi, sans amis et surtout sans patience (l’un expliquant probablement l’autre), plusieurs éditeurs de jeux vidéo s’emparèrent de la licence. Ce fût d’abord en 1995 que SSI proposa un jeu sobrement appelé Blood Bowl. Je n’y ai pas joué mais Wikipédia m’assure que c’était tout à fait fidèle, et je fais confiance à Wikipédia.
Puis plus rien jusqu’en 2004 avec Chaos League proposé cette fois par Cyanide, société française qui, après s’être faite tirer les oreilles par les avocats de GW, a finalement sorti le vrai Blood Bowl en 2009, sur tout un tas de machines de l’époque dont l’évocation fait rire l’enfant né pendant la pandémie (oui Nintendo DS, je parle de toi).
Il était difficile et pas très joli mais il avait tout un tas d’excellentes idées, et un mode solo sous forme de tour du Vieux Monde assez bien vu (les fans de Warhammer comprendront).
En 2015 sort Blood Bowl 2, toujours développé par Cyanide, et c’est une franche réussite ! Plus beau, plus fluide, moins punitif, il coche pas mal de cases faisant plaisir aux amateurs du jeu. Il se fend même d’une petite campagne scénarisée tout à fait charmante qui vous place dans la peau d’un entraineur, dernier espoir d’une équipe de nuls, et qui va remonter brillamment la pente. Si ce scénario vous évoque l’intégralité des films consacrés aux sports d’équipe c’est normal, c’est fait pour.
The Last Boy Scout
Et c’est donc la semaine dernière (oui nous sommes le 5 mars 2023, déjà, comme le temps file…), qu’est sorti le 3e opus de Blood Bowl, adapté de la 5e édition du jeu de plateau, elle-même sortie en 2020 (ça va vous suivez ?). Les fans se sont bien entendu jetés dessus, et ont été évidemment déçus. L’industrie du jeu vidéo nous a habitué depuis de longues années à sortir en version finale des jeux qui n’ont même pas passé le stade de la beta, et ce Blood Bowl 3 ne fait pas exception à la règle.
C’est donc avec beaucoup de sel que j’ai abordé ma première découverte de Blood Bowl 3. 12 équipes disponibles dont 4 identiques à part la couleur (elfes et elfes noirs, orques et orques noirs), des cut-scenes filmées avec les pieds, un jeu en ligne claqué et une IA aux fraises. On ne parlera même pas de la localisation française où Cyanide (boite française je le rappelle) n’a même pas fait attention à prendre une police de caractères avec accents… Du coup les accents sont remplacés par des « ? ». Comment dire que ça fait tache pour un jeu qui s’est déjà mangé 2 ans de retard. Autant dire que les commentaires sur Steam ont été virulents.
Heureusement, ça fait une semaine que les équipes de Cyanide nous sortent des mises à jour quasi-quotidiennes qui corrigent peu à peu les bugs de la sortie. C’est pas encore brillant mais c’est déjà ça. Toutefois, pas de patch en vue pour les deux gros points négatifs à mes yeux : l’interface totalement cryptique et la DA qui empêche de bien distinguer les joueurs, ou la balle, du terrain.
Pour le premier point (l’UI), ce n’est pas une question de design. À part la localisation foireuse dont on parlait plus haut, on est sur un design propre, dynamique et plutôt stylé. Mais la logique des menus m’échappe totalement. Par exemple, il faut naviguer entre 3 menus différents pour trouver où créer son équipe, alors que la création de l’équipe est paradoxalement très plaisante. Et c’est comme ça pour à peu près tout : créer une ligue, créer un match, personnaliser son équipe, choisir ses bonus, etc. Tout est compliqué pour s’y rendre et ultra agréable une fois qu’on y est. Ma seule explication est que l’équipe en charge de l’interface générale n’a jamais rencontré les autres devs.
Quant à la DA, j’ai des sentiments partagés. D’un coté j’aime vraiment beaucoup l’upgrade graphique global, le terrain, les personnages, le public, la lumière, tout est beau, sent bon le neuf et les bonnes idées (comme les traces de sang sur le terrain quand nos joueurs se sont foutus sur la gueule). De l’autre, et suivant les terrains et les équipes, j’ai du mal à distinguer les uns des autres. Jouez des Skavens en brun sur un terrain en planches pour bien comprendre ce que je veux dire. J’ai conscience que cet avis est totalement subjectif et que mes yeux vieillissants sont probablement la cause de ce manque de lisibilité. Mais une touche pour mettre en surbrillance les équipes auraient été une fonction d’accessibilité bienvenue.
Invincible
Malgré ces points négatifs, et au prix de quelques ajustements (jouez en anglais et hors ligne pour le moment), je ne suis globalement pas déçu de ce jeu. Je retrouve les sensations du jeu original, la DA flatte quand même l’oeil, le passage à 2 minutes par tour est une excellente idée qui dynamise le jeu, l’ajout d’un vrai tableau de préparation de la stratégie d’attaque et de défense est un vrai plus, et les éléments de customisation sont certes payants (coucou le système GW dans toute sa splendeur) mais dispensables.
Dans la série des bons points, je suis totalement ravi que le jeu nous propose un mode offline. Ils auraient pu ne pas le faire, surtout de nos jours où la moindre minute de jeu doit être récoltée et analysée. Mais ils ont choisi cette voie et c’est tout à leur honneur. Enfin, et très subjectivement, je m’y amuse. Beaucoup. Je ne vois pas le temps passer et j’ai totalement le syndrome de « encore un match ».
Alors faut-il conseiller ce Blood Bowl 3 ? Je vous ferai la même réponse qu’à mes viewers : si vous aimez Blood Bowl et qu’essuyer les plâtres ne vous dérange pas, oui prenez-le mais en gardant à l’esprit que vous avez acheté un early access.
Si par contre vous voulez découvrir l’univers de Blood Bowl, ou si vous êtes un joueur exigeant, alors tournez-vous plutôt vers Blood Bowl 2 qu’on trouve régulièrement à 3 euros un peu partout.
Genre : Sport
Développement : Cyanide Studio
Éditeur : Nacon
Date de Parution: 23 Février 2023
J’ai des bons souvenirs de Chaos League et de son extension (je suis peut-être le seul) .
Et notamment de sa VO bien beauf: https://www.youtube.com/watch?v=Hodza_P0LSo
Je trouvais la campagne plutôt sympa du reste. Je n’ai jamais tenté Blood Bowl vu qu’il est surtout réputé pour son multi. C’est toujours le cas où le solo s’est aussi amélioré avec les épisodes ?
J’ai aussi adoré Chaos League, j’ai passé des dizaines d’heures dessus. Je ne peux pas répondre pour le 3ème épisode, mais Blood Bowl est effectivement plus intéressant en multi, le solo n’étant pour moi qu’un gros tutoriel.
Alors tout dépend de ce que tu entends par « solo ». Si c’est une campagne construite (comme dans le 2 par exemple, avec des events scriptés entre autres choses), il n’y en a pas. Ce sont des successions de matches où ton équipe dois battre 2 ou 3 adversaires pour arriver à l’équipe dominante. C’est sympa mais pas fifou. Par contre, tu as le solo où tu joues contre l’IA et ça c’est pas mal du tout.
Mais ouais ça remplacera jamais le plaisir de jouer contre un humain.
Merci pour vos réponses!
Plutôt qu’une campagne scriptée je pensais surtout à un mode league sandbox, avec une partie « stratégique » où l’on part de rien pour progresser dans des ligues de plus en plus corsés, avec gestion des transferts des joueurs, sponsors, dopage, etc.. je regardais la série de loin et je pensais qu’elle s’était focalisée sur le gameplay des matchs, mais apparemment il y a pas mal de modes avec des choses à faire en solo, du moins dans le II.
(Et bien sûr un bon niveau d’IA durant les matchs.. mais ça j’imagine que c’est un vœu pieu et que rien n’égale les parties contre d’autres joueurs.)