Jeux vidéoJouer

Hunt The Night

Vous êtes-vous déjà promené dans le rayon « Romans Fantastiques » d’une enseigne de grande distribution ? Là où l’on s’attendrait à trouver les grands classiques, on voit plus volontiers des auteurs totalement inconnus, des couvertures au goût improbable, avec des roses et des femmes vampires aux cheveux blancs et à la tenue de cuir noire moulante. Et des titres qui promettent rarement le meilleur, comme « mon fiancé le vampire » ou « la rose de sang des amants du crépuscule ». Si cette sensation de décalage malaisant vous est familière, alors vous avez une bonne idée de ce que j’ai ressenti avec Hunt The Night.

Une précision toutefois, Hunt The Night n’est en aucun cas un jeu de romance vampirique. Développé par Moonlight Games – un studio espagnol – et publié par DANGEN Entertainment – à qui l’on doit tout un tas de jeux dont je n’avais jamais entendu parler – c’est un jeu d’aventure-action, en 2D vue de dessus et en pixel-art, avec une énorme inspiration console 16bits.

La nuit de la chasse

L’histoire vous place aux commandes de Vesper, une chasseuse de vampires, membre de l’organisation connue sous le nom de Stalkers, et qui explore le monde de Medhram. Ce monde est surtout rempli d’horreurs en tous genres et de créatures qui vous en veulent particulièrement. On avancera donc à grand coup d’épée et de flingue au milieu de tout ce bestiaire, en réalisant des « chasses », des missions donc, et en réduisant très largement la population de la nuit.

Autant vous dire que côté scénario, j’ai connu plus original. Il y a des notions de 9e âge de l’humanité, de sceau de la nuit et autres malédictions ancestrales, le tout emballé dans une terre mourante où l’espoir n’a plus sa place. C’est probablement pour avoir un lore étoffé, et c’est tout à fait louable, mais ça n’a pas du tout fonctionné sur moi tant j’avais l’impression de suivre une énième variation de la même histoire crypto-dark forcée, déjà pas fameuse à la base. Vous vous souvenez de l’allusion subtile aux romans fantastiques pas top du début de l’article ? Ben voilà. Heureusement, la DA visuelle et sonore est là pour rattraper le coup.

Chassez la nuit

Pour un peu que l’on soit sensible à ce style graphique, la beauté du jeu saute immédiatement aux yeux quand on lance la partie. Le pixel art est de qualité, les décors sont dans le thème, la variété des créatures et des situations est au rendez-vous. C’est propre, c’est lisible, c’est fluide, et pour tout dire, c’est un très bel hommage aux jeux sur SNES ou Megadrive. Tout n’est pas parfait bien entendu. Parfois on a du mal à distinguer un sol « safe » d’un autre plus dangereux, certains passages sont un peu trop dissimulés par l’environnement, etc. Rien de dramatique cependant, et comme c’était souvent la marque de fabrique des jeux de l’époque, j’émets l’hypothèse que c’est probablement fait exprès.

La musique n’est pas en reste niveau qualité, puisque les thèmes qui accompagnent le jeu collent parfaitement à l’ambiance et ne sont à aucun moment déplacés dans le contexte. Il faut dire aussi qu’elle a été composée en collaboration avec Hiroki Kikuta à qui on doit les plus beaux thèmes de Secret of Mana. Le tout donne un résultat vraiment agréable autant pour l’oeil que pour l’oreille. Les effets graphiques modernes sont très bien intégrés et ne viennent à aucun moment nous sortir de ce revival du 16bits.

C’est la nuit qu’on chasse

Hunt The Night est un jeu d’action, et en bon jeu d’action votre principal atout sera le dash. Faut-il encore présenter cet enfant maudit de la roulade et du saut, qui vous permet d’un seul bouton d’esquiver les attaques, mais également de franchir précipices et liquides corrosifs ? Le dash donc, élément central des combats et de l’exploration – soit 90% du jeu – dépend, oh surprise, d’une barre d’endurance, cette fois verticale et violette parce que pourquoi pas, qui se remplit quand vous arrêtez de trop vous agiter. Bien entendu, comme il s’agit de se démarquer, ce n’est pas réellement une « barre d’endurance », mais une « jauge des puissances des ténèbres ». Quitte à reprendre des mécaniques essorées, autant en changer les noms…

Vous possédez également une arme de corps à corps, une arme à distance, un pouvoir ténébreux (un autre), et un pouvoir de lumière (incroyable, où vont-ils chercher tout ça ?). Chaque item se débloque et s’améliore au fur et à mesure de la progression et des découvertes, ce qui encourage l’exploration minutieuse. Pour gérer tout cet équipement, vous avez accès à une fiche de personnage succincte mais assez bien fichue. Cette dernière vous permet également de consulter les « plumes », des indices qui parsèment les niveaux et qui permettent de résoudre des énigmes.

Enchâssé dans la nuit

Oui, Hunt The Night est aussi un jeu d’énigme. Toujours dans sa perspective d’hommage aux consoles des 90’s, le jeu propose, à certains moments clefs, de résoudre des puzzles. Principalement en allumant des pierres, en tournant des miroirs ou en tirant des leviers. Ce ne sont pas des casse-têtes bien complexes et, la plupart du temps, un peu d’observation suffira à triompher du problème. Là encore, et dans une perspective louable de rester accessible, les indices des plumes nous fournissent quasiment la solution. On conclura pudiquement qu’elles ont un intérêt limité, mais qu’elles changent un peu du « dash dash tape dash dash tape ».

Pendant ces phases d’énigmes et d’exploration, vous en apprendrez un peu plus sur le monde qui vous entoure. Reprenant la formule des Dark Souls, le jeu a toujours une petite histoire à vous raconter, une légende par ici, un bout d’explication par là. Toujours comme dans Dark Souls vous pouvez choisir d’ignorer le lore et de vous concentrer sur les combats.

Chasseur sachant chasser (de nuit)

Les combats sont le coeur du gameplay de Hunt The Night. Ils demandent concentration, précision et réflexes. Ils se veulent exigeants, et on peut effectivement dire qu’ils le sont. Principalement au niveau de la patience. Comme nous l’avons vu, votre personnage a deux attaques principales – corps à corps et distance – deux attaques secondaires – pouvoir ténébreux et fiole de poison – et d’éventuels bonus octroyés par son équipement – pierre de lune et armure. Et bien sûr le dash à tout faire que j’évoquais plus haut.

Tout lorgne sur les principes popularisés par From Software. Du trash mob pas très difficile à combattre, des monstres un peu plus costauds avec des points forts et des faiblesses à prendre en compte, et des boss qui nécessitent un apprentissage patient de leurs patterns pour pouvoir les vaincre. Je pourrais vous énumérer à quel point c’est tout pareil que dans les jeux FS, mais vous avez saisi l’idée.

Echasses de nuit

Sauf que ça ne marche pas, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la lisibilité de la hit box est trop aléatoire. Parfois il faut être tout proche, parfois un peu plus loin ça touche aussi. Probablement une histoire de diagonales de pixel ou que sais-je, mais ce n’est en aucun cas une excuse. Deuxièmement, les patterns sont parfois illisibles sur certains boss, au point où on se demande si on a bien suivi. La faute en incombe cette fois à un écran trop fourni en décorations diverses, on se cherche, ce qui nous fait perdre de précieuses millisecondes.

Troisièmement, l’utilisation de certaines capacités qui deviennent un réel problème. Ainsi, pour se soigner on utilise des roses – oui on a passé un cap, je sais – qui prennent une ou deux secondes pour être actives. Sauf que, bien entendu, les attaques continuent pendant ce laps de temps, et comme les boss sont globalement plus rapides que vous, n’espérez pas vous protéger dans un coin. Au final, on réfléchit toujours à utiliser ses soins, et on regrette beaucoup qu’ils ne soient pas instantanés.

Il y a encore pas mal de points de gameplay qui ne vont pas, on passera donc sur le décor qui vous coince sans bloquer votre adversaire (en plein combat de boss, ça fait plaisir), les ennemis hors champs qui vous fument à distance, ou le fait que tout est plus rapide que vous.

Nuit tu m’as chassé

Bref, vous l’aurez compris, je n’ai pas aimé ce jeu. Ce qui est surprenant, car il semblait cocher toutes les cases du bingo du jeu rétro. Encore une fois le titre est beau et la musique est prenante, et ce sont ces deux plus grands atouts. Je pourrais même passer outre l’histoire très adolescente émo, même si elle est un peu ridicule.

C’est pourtant un des rares jeux que je qualifierais de « trop » sans vraiment pouvoir l’accabler sur un point précis. De la même façon qu’il est difficile de réellement comprendre pourquoi un ouvrage de romance vampirique me met tant mal à l’aise – alors qu’il répond objectivement à tous les canons du code fantastique -, il est compliqué de mettre le doigt sur ce qui me dérange dans Hunt The Night, mais le malaise est bel et bien présent.

Genre : Action-Aventure

Développement : Moonlight Games

Éditeur : DANGEN Entertainment 

Date de Parution: 13 avril 2023

Testé sur une version presse fournie par l’éditeur

CekterDown

Fasciné par Sherlock Holmes et le mythe de Cthulhu, j'aime également la science-fiction et tout ce qui s'y rapporte, je ne réponds qu'aux superlatifs et ne désespère pas qu'on me voue un culte un jour. J'aime surtout m'entourer de gens plus talentueux que moi.