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Les Ruines Perdues de Narak

J’entends un certain Harvester me dire dans l’oreillette « tu t’es enfin décidé à l’acheter et à y jouer » quand j’évoque mes parties des Ruines Perdues de Narak. Parce qu’il faut bien l’avouer, il ne me faisait pas envie plus que ça, en partie à cause de sa hype excessive à mon goût et de mon esprit de contradiction surdéveloppé (NdHarvester : understatement of the century…). Narak et encore plus son extension font de ce jeu une très bonne porte d’entrée dans le monde de l’expert. A savoir, des jeux qui demandent un peu plus de réflexion que la bataille (adeptes de Challengers, ne partez pas tout de suite). Les Ruines Perdues de Narak est-il un bon jeu ?

Tout d’abord, Les Ruines Perdues de Narak est un jeu de pose d’ouvriers proposant aux joueurs de partir à l’aventure en affrontant mille dangers pour explorer un temple. Celui qui a le plus gros score à la fin gagne. Les Ruines Perdues de Narak, tout comme son extension Chefs d’Expédition, ont l’excellente idée de proposer une boîte sans aucun thermoformage. Rien, que dalle pour ranger la pléthore de matériel ou donner le change avec un insert en carton inutile. Quelques sachets plastiques et les joueurs se débrouilleront pour agencer leur boîte. J’ai bien compris l’idée alors j’ai tout bazardé dedans, extension comprise. La boîte ferme et elle est bien pleine.

Vu comme cela, je pourrais louer la démarche écologique et pourquoi pas encenser cette prise de risque courageuse, si le jeu ne demandait pas un temps de mise en place conséquent. Parce qu’il va falloir un peu de temps pour tout installer dans Les Ruines Perdues de Narak et avec un temps de partie ne dépassant pas une heure à deux (45 minutes ici), la mise en place et le rangement sont un peu pénibles. Rien de rédhibitoire si le jeu est bon. Heureusement, Les Ruines Perdues de Narak l’est suffisamment pour accepter cela. Il est aussi possible de passer par la case BGA pour les plus fainéants.

Hormis cela, le matériel est de bonne voire très bonne qualité. Sans faire d’inventaire à la Prévert, le matériel et particulièrement les ressources rendent la manipulation très agréable. Cependant, le choix du carton pour les pièces et les boussoles est un petit bémol. Dans d’autres jeux, ce n’est pas dérangeant puisque les autres ressources sont aussi en carton, mais comme les pointes de flèches, les tablettes et les rubis sont en plastique et ont des formes particulières pour rendre la manipulation plus agréable, le choix de maintenir le carton pour les pièces, ainsi que les boussoles semble incongru. La raison est d’ordre financer, à n’en pas douter, mais il aurait été plus agréable d’avoir une alternative pour maintenir la cohérence de l’ensemble. Rien de grave, mais à souligner.

Au niveau du livret de règles, il est très complet et permet de se familiariser facilement avec le jeu. Des aides de jeu sont fournies pour chaque joueur afin de faciliter la compréhension. Elles existent aussi pour l’extension. Le jeu ne souffre pas d’approximations ou de questionnements hautement philosophiques sur la manière de faire telle ou telle action. La règle se veut claire et intuitive. Le tour de jeu est simple : une action principale et autant d’actions gratuites que l’on souhaite. Les joueurs continuent ainsi jusqu’à ce que tout le monde ait passé. Dans ce cas, direction la manche suivante jusqu’à la fin de la partie et le décompte final. Celui-ci est facilité par la présence d’un carnet de score. Comme toujours, d’autres expliquent les règles mieux que moi donc voici une petite vidéo.

A noter que l’extension apporte quelques règles supplémentaires bien détaillées et n’alourdit pas le jeu. Narak a cette grande qualité de ne pas avoir des micro-règles ou des sous-règles que les joueurs vont forcément oublier. L’iconographie est limpide et toutes les informations sont présentes sur l’aide de jeu. Très agréable de ne pas avoir besoin du livret de règles à portée de main pour vérifier une information.

Niveau sensations, Narak est un jeu très agréable à jouer et sa montée en puissance progressive permet aux joueurs d’avoir le sentiment d’avoir de plus en plus de possibilités au fil de la partie. Certains lui ont reproché d’avoir deux premières manches un peu molles et je suis assez d’accord. Pourtant, j’ai pu jouer des parties avec un début sur les chapeaux de roue et une montée en puissance plus douce au final. Ce qui est frappant dans Narak, c’est sa fluidité et sa facilité de prise en main. Même un joueur profane pourra « bien jouer » dès sa première partie.

Le jeu est suffisamment ouvert pour que chaque joueur puisse faire quelque chose à son tour et progresser. Il est évident que les scores ne seront pas les mêmes entre un bon joueur et un novice, même si l’écart n’est pas forcément énorme. Et c’est là la principale réserve que j’aurai pour Narak au niveau sensations de jeu. Pour un joueur expérimenté, le plateau est très vite arrivé. C’est à dire que les scores ne décollent jamais vraiment. Ils se situent entre 65 et 70 points sans trop savoir comment passer ce cap.

Mon autre réserve est beaucoup plus personnelle et c’est la principale raison de mon achat tardif. Je trouve que Les Ruines Perdues de Narak est un jeu pantouflard. C’est à dire que comme son plaid en hiver, ses grosses chaussettes et son chocolat chaud, le jeu n’invite jamais le joueur à sortir de sa zone de confort. Tout ce qu’il fait, il le fait bien et pourtant, il n’invite jamais à tenter des stratégies un peu exotiques ou à sortir le joueur de sa routine. Je ne dis jamais non à une partie et pire, je demande même à y jouer. Paradoxal ou non, Les Ruines Perdues de Narak est un jeu dont je sors toujours avec ce mélange improbable d’avoir passé un bon moment et la frustration de ne pas avoir été au delà de ma zone de confort.

Thématiquement, Narak n’invite pas franchement à l’aventure même si visuellement, il fait tout pour. La direction artistique est très réussie et il faut reconnaitre que cela participe beaucoup au plaisir de jeu. L’iconographie est bien choisie et la lisibilité excellente. Passée la première partie où nous nous sommes extasiés devant la beauté du jeu, Narak ne nous impressionne plus visuellement.

J’avoue encore prendre le temps de regarder les illustrations quand j’en rencontre une nouvelle, mais je vais beaucoup plus me concentrer sur le texte et l’iconographie. C’est très souvent le cas de ce genre de jeu où le thème apparait mis là pour faire illusion. Il y a un effort sur le matériel et l’agencement du plateau pour donner ce sentiment de progression tout au long de la partie. Suivant les stratégies en place, ça fonctionne plus ou moins bien. Les Ruines Perdues de Narak, c’est beau et agréable à l’œil.

Concernant l’extension, Chefs d’Expédition, elle apporte principalement deux nouveaux temples et surtout de l’asymétrie. Cela manquait beaucoup au jeu de base où chaque joueur commençait avec les mêmes cartes. En apportant les chefs d’expédition, cette extension permet au jeu de se renouveler et sortir les joueurs de leur zone de confort. Mon partenaire de jeu et moi-même avons été très perturbés quand nous avons dû modifier notre façon de jouer en fonction du personnage choisi.

Le livret de règles, ainsi que les aides de jeu explicitent très bien les spécificités de chaque leader. Certains apparaissent plus évident à jouer que d’autres et renouvèlent les parties. Passée l’adaptation, les joueurs retrouvent vite leurs marques. L’extension n’a pas vocation à modifier le jeu en profondeur. Son acquisition me semble indispensable pour des joueurs réguliers, moins pour ceux qui ne feront que quelques parties.

A noter que Narak dispose d’un mode solo de bonne facture. La difficulté est modulaire et facile à modifier. Il suffit de choisir une tuile rouge à la place de la verte correspondante pour modifier la difficulté. Et comme si cela ne suffisait pas, il est possible de monter encore la difficulté avec des tuiles violettes, mais il faudra soit les imprimer, soit utiliser l’appli dédiée.

Application qui permettra aussi au joueur solo d’accéder à une campagne dédiée. Je n’ai pas testé, mais les retours sont plutôt très positifs. La difficulté du solo permet d’avoir un challenge acceptable et sa simplicité à mettre en place est un gros plus. Pas de grande manipulation ou de prise de tête. Il suffit de retourner la tuile et d’appliquer son effet.

En conclusion, Les Ruines Perdues de Narak est un bon jeu qui ne révolutionnera pas le monde ludique. Ce qu’il fait, il le fait bien et peut être même trop. En étant aussi lisse, il ne sort jamais vraiment des sentiers battus et se positionne comme un jeu agréable pour ne pas dire pantouflard. Il restera probablement dans la ludothèque comme ce vieux plaid que l’on ressort quand le froid arrive. On est bien quand on y joue et ce n’est jamais désagréable d’en faire une partie.

Genre : pose d’ouvriers / deckbuilding

Auteurs : Min & Elwen

Illustrateurs : Ondrej Hrdina, Jakub Politzer, Frantisek Sedlàcek, Milan Vavron

Editeur : Czech Games Edition

Localisation par Iello

Prix : 59,99€ pour le jeu de base et 26,95€ pour l’extension

Machiavel

Toujours à l'affût de ce qui peut piquer ma curiosité, peu importe le domaine avec une légère préférence pour les jeux vidéo, le cinéma, la littérature, les séries TV, les jeux de société, la musique, la gastronomie, les boissons alcoolisées et quelques autres petites choses . Ma curiosité est telle le tonneau des danaïdes, sans fond.