Gradius Origins
Que dire qui n’ait pas déjà été dit au sujet des multiples épisodes de la saga Gradius de Konami ? Outre le fait que les jeux ont été adaptés sur pratiquement toutes les consoles et tous les PC de la création, outre le fait qu’ils soient apparus dans de multiples compilations retrogaming, il s’agit là de classiques tout aussi absolus qu’indiscutables de l’arcade que tout amateur de shmup se doit de posséder dans sa ludothèque et ce, malgré leur redoutable difficulté.
De nos jours, ce n’est plus une évidence mais il fut un temps lointain où Konami, alias la petite vague, était un nom qui pesait lourd dans le milieu du jeu vidéo.
Si Konami n’évoque plus aujourd’hui que du pachinko, des remakes de remakes ou des rééditions plus ou moins inutiles, il faut tout de même rappeler qu’au début des années 80, la boîte de Kyoto développait sur arcade puis sur la Nintendo Entertainment System les premiers jeux de séries fondatrices qui allaient devenir des pierres angulaires de notre loisir d’oisifs.
En effet, l’éditeur, qui avait le vent en poupe … humm… a alors donné naissance à des séries aussi mythiques que Castlevania, Twin bee, Goemon (ouais bon, je pousse peut être un peu), Metal Gear, Contra (ou Probotector pour les Yankees) ou encore Gradius qui nous intéresse aujourd’hui.

Sur la forme, difficile de faire plus classique que la série Gradius dont le premier titre a, il est vrai, un peu posé les bases du shoot’em up horizontal tel qu’on le connait. Le concept est simple : votre vaisseau doit parcourir les différents niveaux en suivant un scrolling horizontal qui impose le rythme et empêche toute pause ou retour en arrière, abattre tous les ennemis qui déboulent d’un peu partout, collecter les bonus et éviter les obstacles et les décors bien vicelards avant d’affronter un boss énorme, généralement assez récalcitrant à l’idée de passer l’arme à gauche. Oui, aujourd’hui, c’est basique, voire primitif.
On ne trouve pas de rotations d’écran à la Axelay, de scrolling multiples à la Thunderforce IV (quoique), de niveaux qui débordent de l’écran à la Raiden Densetsu (quoique… encore), de mécanismes à la Ikaruga, de mécanismes de combo sur le score à la ESP Galuda ou de passages en 3D à la REVOLVER360 RE:ACTOR (oui, c’est un vrai jeu).

A son époque, Gradius, avec ses décors détaillés, ses boss gigantesques et, surtout, son système d’upgrade, était pourtant révolutionnaire. Vous avez tous l’habitude d’améliorer votre armement en cours de niveau en récoltant des bonus sur les ennemis abattus ? Et bien, sachez qu’avant Gradius, Xevious ou encore 1942 (le jeu, hein ?), c’était tout sauf courant même s’il est vrai que Galaga proposait déjà de multiplier le nombre de vaisseaux et, par voie de conséquence, la force de frappe du joueur (pour mieux démolir la sale tronche des aliens qui faisaient rien qu’à envahir notre belle planète bleue).
Là où Gradius fait fort, c’est qu’il propose une idée tout bonnement géniale. Certains ennemis laissent, après leur mort, des items qui permettent d’améliorer différentes capacités du vaisseau. Jusque-là, rien de bien surprenant, me direz-vous.

Sauf que ces bonus s’accumulent avant que le joueur ne se décide à les utiliser soit pour opter pour une amélioration de la vitesse du vaisseau, soit pour se doter d’un tir double, d’un laser etc. Ainsi, le joueur dispose d’une réelle capacité de choix dans l’amélioration de ses capacités, ce qui influera directement sur son taux de survie (lequel reste faible, quoiqu’il arrive).
Vous privilégiez la vitesse ? Pas de problème, vous pouvez améliorer plusieurs fois cet aspect du vaisseau… et vous crasher misérablement contre les obstacles tous plus mortels les uns que les autres (essayez donc Gradius III pour voir).

Balek de la vitesse ? Vous pouvez accumuler plusieurs items et les utiliser simultanément pour obtenir un gros méchant laser (dont la capacité offensive sera toutefois largement remise en question une fois arrivé au premier boss). Bref, ce système d’armement à la carte est à la fois une nouveauté et une idée de génie lorsque Gradius premier du nom débarque, d’abord en arcade en 1985 puis sur la console de Nintendo (sur laquelle il sera renommée Nemesis aux USA et en Europe).
Ajoutez à ça l’excellent design du jeu et vous avez un hit absolu qui donnera lieu à pas moins de cinq suites en arcade (oui, je compte la série Salamander et Life force, le spin off du démon, dans le lot) avant d’investir le terrain des consoles de jeux. En parlant de Salamander, il faut savoir que, si les deux séries sont liées, Salamander fait le choix inverse de Gradius avec un système de power ups qui est, cette fois, automatique.

Dans cette série où les décors, très bio organiques, arrivent à être encore plus mortels que ceux de Gradius (je vous hais, bande de psychopathes), la survie viendra des satellites que vous pourrez collectionner et qui ont le bon goût de tirer en même temps que vous. Récupérez en suffisamment et vous serez à la tête d’une petite armada qui rendra la progression plus facile (hum… moins dure).
La grosse nouveauté de la série est qu’elle propose un mode deux joueurs (Ready player two ?) et que le jeu se poursuit lorsque vous perdez une vie. En gros, vous vous retrouvez en slip face à l’ennemi. Avant de sortir Gradius II en arcade, Konami a eu l’idée de génie de fusionner ses deux séries pour créer avec Life force qui s’avèrera être une version encore plus infernale. On ne pourra que saluer l’exploit d’avoir réaliser un jeu encore plus sado maso (sans déconner, je vous hais vraiment, vous, les développeurs).

Autant le dire tout de suite, c’est justement l’absence des versions consoles et MSX qui me fâche un peu avec cette nouvelle compilation signée Konami. Ça fait un bon moment que Konami s’illustre par des compilations retrogaming pas particulièrement généreuses (voire bien pourries) et, même si la situation s’est considérablement améliorée avec cette nouvelle sortie dénommée Origins, la situation n’est pas encore aussi idyllique qu’on aurait pu l’espérer.
Sous le prétexte facile d’une compilation exclusivement consacrée aux versions arcade (chose qui se comprenait largement à l’époque où une première compilation similaire était sortie sur la petite PSP de Sony), le choix d’exclure les épisodes sortis sur les consoles de salon est particulièrement discutable. Pourquoi ? Et bien, tout simplement, parce que l’un des opus majeurs de la série et, accessoirement un des meilleurs shmups des dernières décennies, est sorti sur Playstation 2.

Gradius V, réalisé par les fantastiques mercenaires qu’étaient les gens de Treasure (Ikaruga, Radiant Silvergun, Guardian Heroes, Bangai-O Alien Soldier, Gunstar heroes, Sin & Punishment, n’en jetez plus) aurait très largement justifié l’achat d’une nouvelle compilation Gradius. Rappelons tout de même la sortie récente de l’Arcade Classics Anniversary Collection qui comprenait déjà Gradius, Salamander, Gradius II et l’antique Scramble). Ironie du sort, Treasure est justement une boite qui a été fondée par des transfuges de Konami.
Connaissant l’appétit actuel de Konami pour le recyclage et l’absence de prise de risque, je subodore qu’une seconde compilation Gradius débarquera prochainement mais je ne peux que déplorer cette radinerie. Soyons honnêtes, la compilation aurait eu une toute autre allure avec l’inclusion de Super Gradius sorti sur SNES, de Gradius Gaiden sorti sur PlayStation, de Gradius V sorti sur PlayStation 2 ou encore des épisodes sortis sur MSX (Gradius II développé séparément et avant la version arcade du jeu du même nom), Game Boy ou encore Game Boy advance. D’ailleurs, il convient de rappeler que Konami a ressorti récemment deux (sic) compilations des épisodes Game Boy Advance de Castlevania… Il n’y avait probablement pas assez de place sur les supports physiques et en dématérialisé pour se contenter d’un seul volume.

Là, on aurait eu une compilation aux allures de best of sur laquelle je vous aurais encouragé à vous jeter comme des morfals. Manque de chance, ce n’est pas le cas aujourd’hui mais je ne désespère pas de revoir un jour le fantastique Gradius V. Alors oui, les épisodes arcade des séries Gradius et Salamander sont, à l’instar de ceux de R-Type, Raiden et Darius, des jalons incontestables du genre et restent tout à fait jouables malgré l’usure du temps et l’existence de multiples shmup plus évolués (qui les ont d’ailleurs bien repompés. Pour un hommage réussi, jetez donc un œil du côté de Super Hydorah).
Ici, pas de système de scoring ultra élaboré, pas de multiplicateurs déments, pas d’ennemis sensibles à un type d’arme plutôt qu’à un autre, etc. Chez Gradius et Salamander, pas de chichis. On avance, on bute tout ce qui bouge, on évite de se crasher sur ces saloperies de montagnes ou d’éruptions solaires, on flingue le boss et on gagne. Parce qu’on est des winners avec le sang du tigre. Humm je m’égare.
Alors, que dire au final ? Konami nous propose royalement six excellents jeux datant des années 80 et 90 mais il est difficile d’applaudir l’exploit au regard de la modestie technique des jeux, de la puissance de nos machines actuelles et de leur capacité de stockage.
Alors oui, les jeux disposent de petits bonus comme des artworks divers et variés, l’émulation est de bonne facture et, surtout, les développeurs de chez M2 Co ont implémenté des sauvegardes rapides, diverses options graphiques, l’affichage des hitboxes (c’est bien la première fois que je vois ça), une fonction rembobinage etc. A noter que la compilation intègre également des tableaux de scores en ligne, qui se sont avérés très humiliants pour moi.

Un conseil si les jeux vous semblent saccadés sur PC : forcez la Vsync et le triple buffering (merci au type qui a donné l’information sur les forums Steam). Et les développeurs ne se sont pas arrêtés là puisqu’ils ont également ajouté de nouveaux modes : facile et invincible. Scandale ? Pas tant que ça tant la série est connue pour sa difficulté.
Ici, pas de barre de vie, pas de seconde chance. One hit, one kill. Et vous pouvez faire une croix sur vos power ups en mourant. Non, vraiment, ces jeux ne vous aiment pas. Et Gradius III doit être le petit neveu psychopathe de la famille (Sérieusement, vous détestiez vraiment tout le monde ou c’est juste que vous n’aviez plus de beta testeurs sous le coude ?).

Avec ce jeu, on passe vraiment un cap en matière de difficulté et d’injustice totale. Même les éruptions solaires de Salamander (que le salopard qui a pensé à ça se dénonce tout de suite) semblent moins abusives et punitives. Si Konami avait au moins pris la peine d’enrober cette compilation avec suffisamment de soin, j’aurais pu passer l’éponge sur la sélection largement insuffisante mais c’était encore trop lui demander.
ERROR 404. Rembobinez tout ! Ça, c’est la conclusion que j’aurais rédigée si les gens de M2 n’avaient pas pris un malin plaisir à me faire mentir.

Car, en effet, cette compilation propose un argument de poids. Les développeurs ont créé de toutes pièces un Salamander III complètement inédit en utilisant les ressources dont disposaient les anciens développeurs de Konami aux alentours de 1998.
Et ça le fait méchamment. Alors, évidemment, le jeu repompe pas mal d’éléments de Salamander II, sorti en 1996, mais il faut noter que c’est un peu la marque de fabrique de Konami avec Salamander et Gradius. Il n’empêche que le jeu est très sympa (enfin, vous m’aurez compris : il ne vous aime pas du tout et veut vous faire la peau) et que c’est une vraie première dans une compilation retrogaming.

En tout cas, si l’on met de côté les relectures modernes d’anciens classiques qui étaient proposées dans la compilation Atari 50ème anniversaire. On avait déjà vu des remakes, des versions prototypes, des jeux d’époque jamais parus mais M2 fait très fort en créant ex nihilo et sans démériter un nouvel opus d’une série aussi prestigieuse.
Je ne peux que saluer l’idée qui donne à cette compilation, déjà de bonne qualité, un argument massue auquel les amateurs de shoot’em up auront bien du mal à résister. J’espère que ça donnera des idées à d’autres développeurs aussi talentueux que M2. Pour ma part, je suis juste déçu de ne pas avoir pu casser gratuitement du sucre sur le dos de Konami mais je ne m’inquiète pas trop. ils finiront très certainement par retomber dans leurs vieux travers.
Genre : Shoot’em up
Développeur : M2 Co Ltd
Editeur : Konami
Date de sortie : 6 août 2025
Testé sur une version presse fournie par l’éditeur