L’Année Dernière à Marienbad
Lorsque je regarde un film, il y a cinq éléments que je considère : le plaisir au visionnage, ce qu’il en reste après, l’influence du film sur le cinéma, l’esthétique et le jeu d’acteur. C’est important pour moi afin de me souvenir que ce n’est pas parce que je n’aime pas un film qu’il n’est pas bon, ou qu’un film peut être mauvais mais apporter quelque chose ou révéler un acteur.
Certains réalisateurs sont des maîtres incontestés (Kurosawa, Tarkovski…), jouent avec les éléments, subliment les images et leurs acteurs et on ressort souvent marqué par leurs films. D’autres ont beaucoup influencé le cinéma mais leurs films sont plus difficiles d’accès. Dans le cas d’Alain Resnais, on ressent fortement l’influence de l’époque et on retrouve des similitudes avec le mouvement de la nouvelle vague.
Autant Hiroshima, mon Amour que L’Année Dernière à Marienbad m’ont plus impressionné avant (en regardant des photos ou des extraits) et après que pendant le visionnage. Mais cela reste des films clés du cinéma français « moderne ».
La particularité de L’Année Dernière à Marienbad c’est que je ne pense pas que rien n’ait jamais été fait de comparable au cinéma, ni avant, ni après. Le film commence sur un dialogue, on est dans un souvenir car si le lieu est défini les personnages secondaires ne bougent pas ou peu. Le dialogue passe d’une voix à l’autre, perturbant directement le spectateur. Qui parle ? Les voix, font-elles la narration des mêmes événements ? Le ton du film est mis, car tout le long du celui-ci, il semble que l’unique but est de plonger le spectateur dans le monde changeant du souvenir. Là où d’autres réalisateurs vont essayer d’attirer les spectateurs, soit visuellement, soit narrativement, ici au contraire on cherche à les perturber, limite à les rejeter hors de l’intimité des personnages principaux. La musique est agressive, disjointe, perturbante et à mes yeux fort peu agréable, l’ordre du film est perturbé, il y a un côté cyclique à celui-ci. Certaines mémoires sont revisitées, certains dialogues répétés avec d’autres images, pas toujours en rapport. Au fur et à mesure de ces répétitions, on commence à comprendre le lien entre les personnages, on comprend alors que seul le changement de costume permet d’identifier les instants qui sont superposés. J’en viens presque à me demander s’il serait possible de tout remettre dans l’ordre en suivant ce fil directeur. Bref c’est plus une expérience qu’un film, et pas très agréable sur le moment d’ailleurs. Mais les images sont belles, parfois comme des peintures, et c’est indéniablement un film hors du commun qui a influencé de nombreux réalisateurs depuis, ceux qui aiment Lynch s’y retrouveront peut-être un peu.
L’histoire est très simple : deux personnes se retrouvent chaque année dans le même hôtel de luxe, l’homme convainc la femme de quitter son mari pour lui, elle accepte mais lui demande une année de plus, il donne son accord mais à son retour elle nie le connaître, tout le film suit donc cette trame d’événements de manière décousue et cette fuite de la réalité. Mais cette simplicité est décomposée et rend le tout presque complexe, les acteurs y ont au final assez peu de place, ils sont presque figurants de leur propre film. Bref c’est une curiosité cinématographique (importante je suppose car le film reste dans l’esprit ensuite) plus pour les amoureux du cinéma que pour le plaisir du divertissement. A ne pas mettre devant tous les yeux.
Réalisateur : Alain Resnais
Acteurs : Delphine Seyrig, Giorgio Albertazzi, Sacha Pitoëff
Année de sortie : 1961