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Carnets de guerre de Nikolaï Nikouline, soldat de l’Armée Rouge 1941-1945

Il y a tellement de livres d’histoire sur la deuxième guerre mondiale que vous n’aurez jamais assez d’une vie pour tous les lire. Les biographies sont déjà moins nombreuses, même si de plus en plus sont éditées au fur et à mesure que l’on trouve de nouvelles sources fiables. Mais s’il y a bien un rayon qui restait, jusqu’à présent, bien vide, c’est celui des témoignages des hommes de troupe soviétiques. Pour les Allemands ou les Américains, Français ou Britanniques, il est bien plus facile (et autorisé) d’être publié. Les médias sont friands de ces récits de vétérans, les gens s’émeuvent devant les souffrances de ces hommes qui se sont battus pour leur pays. Mais les Russes, à l’époque Soviétique ? Rien, nada. Certes leurs archives deviennent peu à peu disponibles, mais il y a quand même un obstacle de taille : la barrière de la langue.

C’est pourquoi quand j’ai vu que les Mémoires de Nikolaï Nikouline, un soldat comme tant d’autres ayant combattu pendant quatre années sur le front de l’Est, sortaient traduites en français (il n’aura fallu attendre que 12 ans pour ça !), je n’ai guère hésité. Et vous ne devriez pas non plus. Parce que vous savez, le soldat Nikouline est un gringalet, inapte à la courte vie de combattant. Il est chétif, ne sait pas se battre. Il meurt de faim avec les habitants de Leningrad en Juin 1941 quand les Allemands assiègent la ville. Il suit une instruction de radio, se retrouve muté dans un régiment d’artillerie puis est envoyé en première ligne. Il voit ses camarades mourir par centaines, par milliers, autour de lui, s’aperçoit avec horreur que les officiers supérieurs sont incompétents, ivres du matin au soir et qu’ils se fichent royalement du sort de Nikolaï et ses camarades. Alors Nikolaï peste, jure, nous décrit les horreurs auxquelles il a assisté, les souffrances endurées, la faim omniprésente, les nombreuses blessures reçues et nous entraîne dans son sillon, sur un chemin jonché de cadavres et d’absurdité. Certes le récit est décousu, mais sa vie l’était à l’époque. Certes il y a des imprécisions, mais personne ne savait vraiment ce qu’il faisait à l’époque. Mais on n’y prête guère attention, on s’immerge dans la vie, si on peut appeler comme cela son existence pendant quatre longues années, de cet homme qui n’était pas destiné au métier des armes. On s’étouffe devant la stupidité des décideurs, devant le peu de considération qu’ils ont pour la vie humaine, on s’offusque devant les injustices, on est attendri devant les histoires rocambolesques qu’il a pu glaner ici et là. Impossible de ne pas se sentir concerné. Impossible de rester détaché devant cette horrible vérité. Si à force de lectures sur le sujet on se doutait que l’Armée Rouge avait des doctrines différentes de celles des armées occidentales, la vérité semble bien plus horrible et difficile à appréhender. Et au fil des pages, et du temps qui passe pour lui, on observe son évolution, sa transformation en vieux roublard (alors qu’il a à peine une vingtaine d’années) et les changements opérés au sein de l’Armée Rouge.

Les Carnets de Guerre de Nikolaï Nikouline font partie de ces ouvrages qui se doivent de trôner dans une bibliothèque. Poignant, révoltant, dérangeant même parfois, c’est un hommage à ces millions d’hommes anonymes qui ont été sacrifiés pour sauver leur pays. Nikolaï Nikouline ne prend pas de gants pour narrer son expérience, il ne s’abaisse pas à verser dans le larmoyant : le récit est cru, les faits sont là. La guerre est une saloperie et ses Mémoires en sont le parfait exemple. Sa légitimité, renforcée par son humilité et sa franchise, ne peut être remise en cause même s’il n’avait, évidemment, qu’une vue parcellaire des évènements. Indispensable à qui s’intéresse de près ou de loin à la deuxième guerre mondiale, quasiment unique de part son origine, cet ouvrage deviendra à n’en pas douter un classique !

Broché : 390 pages

Editeur : Les Arènes

Collection : AR.VECU

Langue : Français

ISBN-10 : 2711200175

ISBN-13 : 978-2711200177

Harvester

Collectionneur compulsif et un peu trop passionné, accumule jeux et livres en essayant d'entraîner un maximum de gens dans ses vices...