Strategic Command WWII: War in the Pacific
Un an après avoir dépeint la guerre civile Américaine, la série Strategic Command revient sur un théâtre déjà traité en 2008 : la guerre du Pacifique. Une revisite bienvenue au vu de la différence entre le vieux moteur et l’actuel, ne serait-ce que pour l’utilisation de cases hexagonales plutôt que carrées. Mais si la formule Strategic Command continue de faire mouche auprès de sa cible, sa technique désuète commencer à peser lourd dans l’équation.
Banzai !
Mai 1939. Quatre mois avant que l’Allemagne attaque la Pologne, Soviétiques et Japonais se querellent en Mongolie. Un conflit de 4 mois auquel participeront près de 100 000 hommes, dont seulement la moitié en sortira vivante. Cet évènement précurseur constitue le point de référence pour Strategic Command WW2: War in the Pacific, voué à couvrir la totalité du théâtre et qui propose à sa sortie 6 scénarios et campagnes :
- Day Of Infamy (7 décembre 1941 – 31 décembre 1945). La grosse campagne du jeu. 75 tours.
- Khalkhin gol – Nomonhan (25 mai – 15 septembre 1939). Le clash entre Japonais et soviétiques mentionné plus haut. 24 tours.
- Campagne des îles Salomon (9 août 1942 – 5 décembre 1943). 34 tours.
- Campagne des îles Mariannes (15 juin– 11 septembre 1944). 46 tours.
- August Storm (9 août – 26 août 1945). L’invasion de la Mandchourie par les Soviétiques. 18 tours.
- Iwo Jima (19 février – 8 avril 1945). L’invasion Américaine de la célèbre île. 26 tours.
Soit, si le théâtre Pacifique vous est inconnu, un ensemble alternant batailles continentales et duels autour d’îles et archipels. Un contenu correct sur le papier, cependant seule la grande campagne offre l’expérience complète Strategic Command. Les 5 autres se jouent, à une poignée de détails près, comme de simples batailles, sans les volets de diplomatie, d’achat ou de recherche. Heureusement, SCWW2 :WITP intègre un éditeur intuitif et nous verrons peut-être fleurir de nouvelles situations de jeu.
Ce changement de région représente l’essentiel des nouveautés, puisqu’en dehors de l’ajout d’aérodromes, considérés comme des sources de ravitaillement, d’un compteur de tours et d’une amélioration de la logistique navale, le jeu utilise peu ou prou le même système que ses prédécesseurs.
D’ici, nous pouvons voir le verre à moitié plein : un système rôdé, accessible mais relativement profond, qui rend le jeu agréable pour l’amateur de la série et intéressant pour un débutant souhaitant un entre-deux entre Unity of command et Decisive Campaigns. Mais si j’adopte en temps normal une posture bienveillante dans mes tests, les premières heures passées sur le jeu m’ont convaincu de virer de bord le temps d’un chapitre.
Parce qu’on en a gros, sire !
En effet, si l’on retourne pour notre plaisir belli-ludique 80 ans dans le passé, on recule également de 2 décennies sur le plan technique. Je suis un peu dur, mais malgré mon amour pour Slitherine il n’est plus possible d’accepter des graphismes et une interface pareils en 2024. On parle d’un jeu à 40€, pas du premier projet développé par un gus en solitaire.
Les captures parlent d’elles-mêmes, inutile de remuer le couteau dans cette plaie oculaire, c’est franchement décevant. Même constat sur le plan sonore, ou chaque attaque s’accompagne d’un seul et unique bruit d’explosion, peu réussi au demeurant, qui donne un aspect cheap à l’ensemble. Allez j’exagère, les avions ont leur propre son, unique lui aussi. En se débrouillant bien, on peut alterner pour varier les plaisirs.
J’ai aussi mené un combat de longue haleine avec l’interface. Fort d’une expérience de plusieurs centaines d’heures sur la série Combat Mission, je me croyais prêt à relever tous les défis, tel un ancien qui a connu l’adversité, qui a tout vu. Et pourtant… Je ne compte plus les clics qui déplacent par erreur une unité navale, ni le temps perdu pour positionner correctement cette fichue caméra au niveau de zoom douteux.
Je reste également perplexe devant la carte stratégique, plan fixe sommaire au possible et à la praticité limitée (cf. l’exemple ci-dessous). Et si cela ne suffisait pas, le jeu nous balance à chaque tour des messages sous forme de pop-up qui se succèdent au centre de l’écran pour chaque unité détruite, pour chaque dégât d’attrition, pour chaque évènement. Non, vraiment, je n’y arrive plus, c’est… vieillot.
On lorgne ici dans le domaine de la tolérance. Si vous réussissez à faire fi de tout ce bagage archaïque, le reste du système est plutôt bon. Mais avant d’en parler, une dernière remarque, faute de nouveau moteur le jeu n’autorise toujours pas l’empilement d’unités.
Et ça, c’est potentiellement rédhibitoire pour nombre de stratèges. Vous connaissez peut-être le sketch du train pour Pau, mais connaissez vous celui de l’avion d’Iwo Jima ? Il peut voler au-dessus de vos unités, mais pas s’y arrêter ! Il en résulte une incohérence générale, avec un avion qui comble le trou d’une ligne de front ou un amas de bateaux particulièrement imposant et peu pratique à l’usage.
Un bon système malgré tout
Râlerie écartée, Strategic Command propose une formule qui ne manque pas d’atouts. Facile d’accès, bien que manquant parfois de clarté, le jeu s’apprend bien en jouant sans nécessité de se frotter au manuel de 280 pages, sauf pour feuilleter un point de règle précis. C’est là un atout majeur puisque le jeu s’étend au-delà des sphères du wargame basique.
Prise en compte du moral et de l’état de préparation au combat des unités, défense dynamique en cas de présence d’artillerie ou d’aviation à proximité, gestion d’un volet logistique modérément complexe, système de ressources basique et universel (la production militaire) qui incite à faire attention et à bien choisir ses actions… sa formule permet de découvrir en douceur les nombreuses facettes du wargaming et représente un palier de choix pour les nouveaux joueurs avant de s’atteler à plus lourd.
Bien qu’il en résulte par moment un côté « gamey », peu crédible, Strategic Command éduque le joueur sur les problématiques stratégiques comme la coupure des lignes de ravitaillement ou le pilonnage d’une unité pour affaiblir sa volonté au combat. De plus, le jeu est doté d’une IA convenable et capable de surprendre, offrant des parties tendues jusqu’au dernier tour.
Il possède en outre une option que j’affectionne, la possibilité d’alterner entre les silhouettes et la symbologie OTAN, et donc un moyen de s’initier sans frustration à ce mode d’affichage. Malgré mon petit coup de gueule, Strategic Command mérite toujours sa place dans mon guide pour débuter le wargame PC, ou comme Beer & Pretzel évolué.
(la guerre du) Paci-vite
Pour les autres joueurs, difficile à dire. La limite d’une unité par hexagone couplée à l’échelle utilisée crée des situations risibles, comme celle où j’ai arrêté avec un bateau amarré au port la flotte US le temps de 5 ou 6 tours. Elle avait beau m’attaquer, je soignais mon unité à chaque tour, empêchant en parallèle les soldats de débarquer sur l’île en positionnant des unités de tout type le long des côtes. Enfin, et malgré ma méconnaissance totale du wargaming naval (objectif pour 2025 ?), j’ai trouvé les combats de bateaux peu convaincants malgré leur omniprésence.
Le format IGOUGO (tour par tour traditionnel) n’aidant pas, on avance avec un bateau à portée de tir de la cible, on tire, on se barre afin de disparaître, on fait pareil avec un second bateau, puis un autre et ainsi de suite… mouif. Ce même cas de figure existe pour les batailles terrestres mais il passe mieux au vu des contraintes de déplacement, là où les unités navales peuvent parcourir des dizaines de cases en une seule fois. Ces défauts énoncés, je m’amuse pourtant dessus. Il est grisant de percer les défenses d’une île et de la libérer progressivement avant de débarquer sur la suivante.
Le jeu de capture des ports, ou celui d’interception de convoi maritime, proposent quant à eux un défi intéressant, entre cache-cache dans l’archipel et recherche d’affaiblissement de l’ennemi par la logistique. Même constat que pour la technique, il en va de votre tolérance envers les points énoncés, envers ce système certes éprouvé mais limité, afin de savoir si vous êtes le public visé par Slitherine. Pour finir, une remarque quant à la mise en avant de la carte gigantesque et ses 36 000 hex. J’en ai pour ma part un peu moins, mais je me souviens de toutes. Le vide n’est pas un gage de qualité.
Midway between the library and the bin
En raison de son retard technique, Strategic Command WW2: War in the Pacific se révèle décevant. Les amateurs y trouveront leur compte, les nouveaux joueurs peut-être aussi, mais alors que nous assistons à une évolution générale de notre loisir les vieux moteurs commencent à tirer sur la corde. Un jeu agréable, mais dont l’investissement de 40€ n’est pas justifié.
Genre : Stratégie
Développeur : Fury Software
Editeur : Slitherine Ltd.
Date de sortie : 18 Juillet 2024
Testé sur une version presse fournie par l’éditeur