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Black Orchestra

Ce qui est bien avec les jeux coopératifs, c’est qu’ils essaient de ne pas vous faire inviter vos amis pour rien. Que ce soit pour sauver le monde avec Pandémie, des chatons avec Flash Point, on sent que les concepteurs ont conscience que votre temps est précieux. Donc ceux de Black Orchestra ont décidé qu’un petit voyage dans le temps s’imposait et que votre cible serait… Hitler.

Oui, rien que ça. Ils auraient donc pu partir sur un jeu à la V-Commandos dans lequel vous auriez infiltré le Reichstag pour lui planter une lame dans le dos mais ça aurait été trop simple. Le mieux c’est d’ourdir un complot en pourchassant le petit moustachu à travers toute l’Europe.

L’Europe est prête !

Financé sur Kickstarter en 2017 pour sa deuxième édition, Black Orchestra est un jeu pour lequel j’ai un mal fou à avoir un avis tranché. Il n’a pas vraiment de gros défauts mais certaines parties pouvant devenir tellement frustrantes parfois que je vais vous balancer directement la conclusion qui me brûle les doigts : essayez-le avant de passer à la caisse. Voilà, c’était la leçon numéro 1 du journalisme total : ne pas hésiter à enfoncer les portes ouvertes !

Un Conspirateur et son complot

Plus sérieusement, dans Black Orchestra chaque joueur incarne un Conspirateur, issu de la Wehrmacht, l’Abwehr ou du monde civil. Il dispose d’un inventaire et d’un dossier, le nom local pour désigner sa main de cartes. Cantonné à Berlin et ses environs au début du jeu, le joueur va devoir visiter, récupérer des objets nécessaires à tout complot et éviter Hitler et ses Ministres. Tout en pensant à se composer une main décente, à faire baisser son niveau de suspicion et monter sa motivation. Oui, on est pas mal occupé dans ce jeu…

Pour faire tout cela,chaque joueur peut, à son tour, effectuer jusqu’à 3 actions : conspirer (l’action la plus importante), c’est-à-dire lancer un dé par action encore disponible pour tenter de remplir une jauge (qui, une fois pleine, servira à augmenter la motivation d’un Conspirateur ou diminuer le soutien militaire d’Hitler) ou gagner de nouvelles actions (du nombre indiqué sur les dés). Il pourra aussi piocher des cartes dans le deck des Conspirateurs, voyager,découvrir, échanger ou ramasser un objet et bien sûr, tenter un complot. A la fin de son tour, il tire une carte événement qui va avoir divers effets :déplacer Hitler et ses Ministres, altérer le niveau de motivation/suspicion/soutien militaire. En clair, foutre en l’air vos plans…

Chaque Conspirateur débute la partie avec une main de deux cartes, peu motivé et pas vraiment en danger. Au fil de sa progression, sa motivation va monter (il faut un certain niveau pour pouvoir lancer un complot) et des capacités spéciales se débloquer : augmenter la motivation des Conspirateurs autour de soi, piocher gratuitement des cartes… Ces cartes, issues du deck des Conspirateurs, peuvent être des bonus temporaires, des aides pour résoudre les complots ou bien des complots. Ceux-ci listent certaines conditions pour pouvoir être menés à bien et indiquent quels objets apportent un avantage.

Le but étant d’obtenir un score supérieur au support militaire d’Hitler, il faut agir au bon moment, celui-ci fluctuant beaucoup via les événements ou les cartes bonus des joueurs. Dans Black Orchestra, un dé comporte deux faces « cible », une face »Aigle nazi » et des faces 1, 2, 3. Pour réussir un complot, il faut donc obtenir un nombre de « cibles » égal ou supérieur au soutien militaire tout en lançant un nombre d’Aigles inférieur au niveau autorisé déterminé par le niveau de suspicion. Il faut donc jeter le plus possible de dés en espérant un bon tirage. Détenir un objet listé par la carte complot permet d’ajouter un dé à son pool, remplir certaines conditions aussi.

Les aides de jeu sur le plateau, indispensables

C’est là que le jeu me dérange un peu. S’il est sympathique de se promener dans toute l’Europe en évitant Hitler et ses Ministres (vous aurez des pénalités si vous démarrez votre tour dans le même lieu qu’eux) tout en récupérant les objets nécessaires au Complot et en essayant de ne pas monter son niveau de suspicion, il est très frustrant de voir qu’au bout d’une douzaine de tours, quand les étoiles sont enfin alignées (vous avez les objets,Hitler est au bon endroit…), tout peut basculer du fait d’une carte événement ou d’un tirage foireux, obligeant à tout recommencer…

Un peu comme si dans Pandémie, alors que vous pourriez obtenir le remède à un virus, on vous demandait de lancer un dé…

Quelques cartes bien utiles…

Pour minimiser ce facteur chance, il faut donc tenter d’avoir la meilleure main possible et surtout croiser les doigts. Il m’est arrivé, en jouant solo, de réussir à la quatrième période (chaque période dispose de son deck d’événements et plus on avance dans les périodes, plus les lieux visitables se débloquent) sur un coup de chance inouï alors qu’à la partie d’avant, je m’étais fait arrêter dès la deuxième période sur un raid de Gestapo.

Ah oui, je n’en avais pas parlé de ça…Chaque conspirateur au niveau extrême de suspicion se fait automatiquement arrêter lors d’un raid de Gestapo. Et forcément si tous les Conspirateurs se retrouvent en prison en même temps, c’est la fin de la partie. Et une fois en prison,chaque joueur ne peut que tirer une carte interrogatoire et espérer trouver une échappatoire pour être relâché, ce qui implique bien souvent de plomber le groupe. Black Orchestra n’est pas un jeu facile, loin de là.

Certains se sont bien amusés…

Heureusement pour nous, ses règles sont simples et la qualité du matériel et des illustrations plongent immédiatement les joueurs dans l’ambiance oppressante de cette période. Les cartes événements sont autant de moments de stress (même si à force de jouer on les mémorise) et on essaie toujours(souvent en vain) d’anticiper les déplacements de notre cible. Black Orchestra me plaît pour tout cela.

C’est un jeu au thème très fort, aux mécaniques bien huilées, qui demande concertation et travail d’équipe. Rien n’est jamais acquis et le moindre petit grain de sable dans les rouages de votre plan peut repousser votre prochaine opportunité aux calendes grecques. Préparer l’attentat parfait demande beaucoup de temps (ou de chance) et seule la résolution me chagrine un peu. J’aurais aimé une alternative reposant moins sur la chance…

Frustrant par cet aspect, Black Orchestra est néanmoins un Must Try pour les amateurs de jeux coopératifs, grâce à son thème fort et son côté historique qui le classent à part. Par contre, revers de la médaille, ce n’est pas un jeu qui plaira à tout le monde à cause de cela.

Auteur : Philip duBarry

Artiste : Cody Jones, Dann May, Lucas Soriano

Editeur : Game Salute

De 1 à 5 joueurs

90 minutes

Harvester

Collectionneur compulsif et un peu trop passionné, accumule jeux et livres en essayant d'entraîner un maximum de gens dans ses vices...